Qu’est-ce que le cinéma ? |
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Life has no plot, why must films or
fiction? |
"A terrorist is the product of our education that says that fantasy is not real, that says aesthetics is just for artists, that says soul is only for priests, imagination is trivial or dangerous and for crazies, and that reality, what we must adapt to, is the external world, and that world is dead. A terrorist is a result of this whole long process of wiping out the psyche. Corbin said to me one time, "What is wrong with the Islamic world is that it has destroyed its images, and without these images that are so rich and so full in its tradition, they are going crazy because they have no containers for their extraordinary imaginative power." (James Hillman Inter Views 138-143) |
1 - L’idée de parler cinéma m’est venue d’une discussion sur l’Amérique, sur l’anti-américanisme d’en France, de mon insistance à distinguer l’Amérique de ce que l’on dit en français des américains (en n’omettant pas, si l’on veut être juste, ce que disent les américains d’exacte ; la France c’est « le système de la mode »), à préciser que ce qu’on nomme, dénonce d’américain c’est en fait un état de la Parole ; la langue anglaise, sa manière spécifique de « modeler » un réel qui n’est pas le « réel » créé par notre langue. La différence entre les Lumières et l‘Enlightment est considérable, comme elle l’est de l’Erklärung. Et cependant dans un champ linguistique commun. S’il n’y a de nations – et de nationalismes – que dans les guerres / paix, dans les langues - les groupes linguistiques - il y a l’enjeu du « réel » d’autant plus fort qu’une langue portera un Mythos.
L’anglais appartient au groupe indo-européen. Mais cette appartenance ne lui retire pas sa spécificité et l’american english est une autre spécificité. Accuser la pauvreté du vocabulaire moyen des américains n’est pas suffisant. Accuser le caractère argotique général non plus. Le côté direct et « pragmatique » s’approcherait déjà plus de la réalité. L’american english est la langue des modes d’emploi, des commandes (informatiques). Il est la langue de la méthode scientifique – plus exactement de la technique. Les communications scientifiques (techniques) ne se font qu’en Anglais. La diplomatie ne se fait plus en Français. L’allemand philosophique bien qu’universel n’est pas une langue courante, colloquial, vernaculaire. Le français est ancillaire. On rencontre les français dans les cuisines… les américains … au cinéma ?
L’idée de parler du cinéma m’est venue comme une défense de l’Amérique. J’ai
lancé « pour comprendre l’Amérique, il faut comprendre ce que c’est que le
cinéma ». J’entendais ainsi parler d’une phénoménologie de la vie quotidienne
américaine et en même temps dire aux français à la fois fascinés et rebutés par
l’Amérique qu’ils ne parlaient jamais de l’Amérique mais de ce que la France ne
supporte pas d’elle-même qu’elle y ai perdu non pas ses territoires coloniaux
mais l’impact d’une langue qui avait à dire un autre réel. La boite noire Dantec
l’exprime très bien dans le contexte d’aujourd’hui :
« Deux siècle et demi plus tard, le paradoxe est déjà éminent : jamais la France ne manquera autant aux
Amériques qu’au moment où, sur le continent européen, elle sera livrée à l’anti-américanisme le plus sauvage » Maurice G. Dantec American black box p.260
Devenir plus Français alors qu’on s’est éloigné, exilé d’en France, à l’étranger, dans le jeu des langues, un pathos enseigne: « Mes années passées à l'étranger m’apprendront d’abord le sens profond de l'enracinement poétique, renforceront mon goût pour une Liberté plus essentielle » écrivais-je moi-même au milieu des années 90. Une distanciation, un arrachements aux quotidiens dans le jeu d’autres quotidiennetés permets de dégager une certaine phénoménologie des montages, des synchronisations, cadrages etc.
J’ai esquissé dans ma séance précédente en essayant d’introduire
au « Magicien d’Oz », aux effets intertextuels une autre « vision » de
l’Amérique. Mais à l’anti-américanisme s’ajoutait la peur panique de la
régression infantile. Pour le bon français il n’y avait que ces grands enfants
d’américains, pour avoir une quelconque considération pour un film pour
enfants ! Peur de l’imagination et de l’hybris ? Système de défense, branchement
en mode raison – ou platitudes positivistes ?
Mais aujourd’hui pire que cette réduction - l’américain grand enfant - est cet antiaméricanisme qui s’exprime comme une forme perverse de négationnisme ; un refus de la souveraineté de l’état Israël couronnée d’une défense panique de la Palestine. Ce qui doit se comprendre à partir de l’intégrisme anti-spirituel de notre pays, au-delà des enjeux nationaux, dans la langue; l’enjeu est de verrouiller l’accès à la Jérusalem céleste. Mais cela est une autre histoire !
Pour ce qui nous concerne ici, notons qu’une incompréhension réciproque entre les Usa, la France en particulier et tout le continent européen, a été levée par le cinéma, par de grands cinéastes ; je pense à Truffaut en particulier. Je n’ai pu aimer Truffaut que parce que j’avais vu ses films à New York. Wim Wenders se réfère au road movie lié aux grands espaces américains mais surtout aux effets de l’absence d’enracinement, de délocalisation permanente de l’Entreprise…
Ajoutons pour mes compatriotes sur cette galère F/rance - si seulement c’était une stultifera navis ! nef pour s’embarquer, lunatiques, vers les astres – que c’est par l’Amérique que la grandeur des cinéastes européens est reconnue attestée. On le voit bien aujourd’hui, les films de Cocteau, Bergman, Fellini etc. bien qu’en DVD n’entrent pas pour autant dans les cinémathèques personnelles… ils sont très vite chez les soldeurs. Rivette est édité par les anglais et on verra « Celine and July go boating » et non « Céline et Julie vont en bateau » L’édition de Bergman intégrale de qualité est chez Tartan Video pas chez TF 1 ou Canal - !
C’est parce que la grandeur de ces cinéastes est reconnue par les américains (les pays de langue anglaise en général) que je parlerai donc aujourd’hui que des films de ces réalisateurs européens. Est-ce à dire que je parle anglaisé … ? Une chose est certaine j’écris le français d’avant sa normalisation…(je veux dire que les puristes, les faiseurs de dictées y vont du stylo à bille rouge avec entrain). Alors ?
Pour commencer « au commencement était … » 2 films qui n’appartiennent à aucune identité nationale mais à la dimension de l’Art qui est une autre dimension - création. : « L’âge d’or » et « Le sang d’un poète ».
2 - Mais voyons d’abord quelques généralités
Photographie : écrire – graphe – avec la lumière « phos » tandis que le phosphore porte comme Lucifer la lumière ? Mais photographier c’est en fait « fixer ». C’est un acte objectivant ou dans une phénoménologie naturelle « voler » la lumière des corps.
Fixer est un arrêt du temps, toute la démarche technique qui repose entièrement sur le cartésianisme (borné – donc ne reposant sur une méditation cartésienne, avec le Garant, le Nom de Dieu, du Père) et qui considère que seule la pensée « vit » et que le reste est chose morte, étendue, toute démarche technique est mise à l’arrêt – le sens policier n’est pas à exclure.
Qu’on le veuille ou non l’objectivité est à ce prix : arrêter les choses, les suspendre : on apprend sur le corps humain que par la dissection, la vivisection vient ensuite – sans laisser ce privilège à la médecine des camps, ni la dissection à une quelconque réaction contre l’âge sombre, contre le moyen âge bien trop préoccuper si non d’âme, de Droit.
Accuser Descartes serait faire preuve d’une méconnaissance de l’histoire de la métaphysique, cette mise à l’arrêt commence avec la philosophie, avec la métaphysique, avec ce saut hors de physis hors du mouvement, hors du temps ; le temps compris comme le nombre (chiffrage) du mouvement…
La photographie est un avatar de la métaphysique au moment où la méthode (scientifique) triomphe de la science même – ce triomphe étant toujours métaphysique « méta odon », un chemin par-delà… qui passe par-dessus.
Mais il y a – heureusement - des tra / viata … des gens qui vont de travers…des « dévoyés ». Et c’est d’ailleurs le ghost in the machine ; il y a toujours quelque chose qui va de travers. Il n’y a même que le chaos qui soit déterminant. La machine, aujourd’hui emballée , est une machinerie qui dresse un théâtre, ou plus exactement pose une cosmétique contre une cosmologie.
Cinématographe : écrire avec le mouvement. Mais pourtant le cinématographe fonctionne d’abord comme l’appareil photo, il fixe la lumière. La lumière en mouvement. Il met en mouvement des images fixes en les multipliant en analysant le mouvement, chaque « moment » d’un mouvement décomposé… Ce n’est qu’une complexification de la photographie mais toujours le même « principe » est à l’œuvre ; il y a discontinuité, série de fixes qui ne s’animent qu’en se répétant dans un temps-espace clos donné, limité ;
La démarche est métaphysique : analytique – suspension, mise à l’arrêt, fixation ; coagulation… Il faudrait parler des réactions chimiques, des solutions : solve et coagula… de l’argent métal à l’œuvre substance lunaire, sélénienne… et de l’or. Et cela entraîne le problème du coût. Et puis vient le temps du digital : le « vol de la lumière se fait autrement par des jeux de lumières… le laser à la clef, la liquéfaction du cristal.
Temps liquide suspendu néanmoins fragment, découpe de temps espace.
Il y aurait donc quelque chose de mortifère. Un refus de la « finitude essentielle » du Dasein. Et aujourd’hui où … Mais ceci est une autre histoire
Pour la photographie ne m’intéressant qu’à l’art photographique (pas du tout aux documents) mais pas seulement du côté du spectateur mais de l’artiste j’ai déjà parlé du cadrage, du cadre et du montage, du cliché qui découpe dans le « réel » et en recrée un « autre ». Que l’objectif est producteur d’objets – d’objectivité. En fait qu’il n’y a jamais de « réel » et que pourtant ce n’est pas irréel, surréel c’est déjà une démarche libératrice et c’est cette démarche (qui peut être comprise comme un retournement de la métaphysique mais certainement pas comme son dépassement)
Du côté de la sémiologie, lecture, de la photo, j’ai déjà montré que ce qui est représentée n’est pas le sens photographique de la photo et ce, pas au sens limité logique du « la carte n’est pas le territoire ». Contraste, luminosité correction des gamma etc donne la tonalité – Stimmung – de la photo et aussi le « style » du photographe et ce plus que le montage. L’intérêt pour le trucage et les effets spéciaux – spécieux - montre seulement une défaillance, un manque d’art. Pour le cinéma c’est un peu pareil avec une complexification à cause du nombres d’images nécessaires pour un « plan » : nombres d’images à la seconde.
Mais cependant une image d’un plan peut s’analyser comme une photographie ; sur un plan fixe rien de plus facile.
Le cinéma serait cependant pas du côté du plan fixe qui s’insère dans le mouvement d’ensemble. Dans un film le plan fixe est animé, participe de l’animation qui l’encadre.
Mais comme pour la photographie ce n’est pas ce que représente un film qui donne le « ton », la « tonalité » d’un film et le style. Ce n’est pas même les acteurs du film à moins qu’il s’agisse de théâtre filmé ou de cinéastes qui tournent comme des metteur en scène de théâtre – et encore.
Les acteurs de cinéma ne sont que des marionnettes. Il y a une malhonnête à dire qu’ils jouent, ils sont joués ! et ceux qui n’affrontent jamais le théâtre, le « live » confirment cela comme l’acteur de muet qui ne passait pas au parlant …
Intéressant moment, ce passage, car avant de « parler », avant la couleur, le leurre est plus
faible. La prétention au réel ne peut pas être aussi insistante.
Intéressants, le muet, le noir et blanc car il y a une stéréotypie des gestes qui revient comme du théâtre baroque… Le cinéma a pu inspirer le « théâtre et son double » qui revient au théâtre d’ombres, aux marionnettes … Il y aurait en creux comme un appel de / un retour à la Tradition…ou simplement la permanence d’une nécessaire théâtralisation de la vie (qui comme vie – strictement biologique - est nulle etc.).
Le passage au parlant montre « obvious » les problèmes de la synchronisation / doublage.
La synchronisation n’est pas un problème de temps mais de chronomètre ; donc une question d’espace ; de réduire l’espace entre deux bandes.
Synchronisation : réduire le jeu entre : son / image mais aussi entre spectacle et spectateur. Car tout est là ; il s’agit de régler le rapport émotionnel d’une autre façon que le théâtre. Et il y a un abîme, car, encore faut-il ajouter que l’écran n’est peut-être qu’une autre sorte de miroir.
Synchronisation ; régler la distance faire écran. Il faudrait parler de ce réglage particulier des « émotions » par la musique de film qui est une dimension supplémentaire de la bande son. Du piano dans la salle (temps du muet) à l’orchestre enregistré. Retour de l’orchestre et chanteurs dans la salle avec les spectacles de Phil Glass … Autre phénomène intéressant ; il se pourrait que la nouvelle écriture musicale ( partition de Zimmermann) plutôt qu’influencée par le cinéma, nous donne au contraire la partition d’un film – son écriture support et son fond.
La toile, le Web d’aujourd’hui montre quelque chose qui a à faire à la synchronisation. Il permet de s’informer mais non de communiquer. Il autorise l’échange d’informations
c-à-d quelque chose de distant. L’information ne reste pas, elle passe ; à moins qu’elle soit intégrée, devienne connaissance. C’est comme la mémoire ; je ne retiens que ce qui me touche et rien d’autre, ou du moins ce qui ne m’a pas touché reste comme séquelles flottantes…
Le jeu des acteurs de cinéma est toujours stéréotypé même et surtout s’il prétend revenir au naturel. On le voit avec le cinéma (commercial) actuel ; hystérie pure, jeux de pieds et de mains workoolism ! Mais que les acteurs comptent pour rien en fait justement des stars, des shooting stars et qu’elles ne comptent pas n’empêche pas un film d’avoir une tonalité, un style puisque de toute façon, ce n’est pas ce qu’il représente, ce qu’il répète du « réel », ni sa reconstruction mais ce qu’il montre d’autre ; là où on ne voit rien mais que quelque chose nous saisi, quant il y a « métaphore » (emblème).
Ce n’est donc pas ce qui est représenté, en surface, pelliculaire qui fait l’œuvre, la grande œuvre cinématographique, ce n’est pas la psychologie fine – comme il y a une épicerie – la sociologie en gros, ou la biologie de bétail qui fait un film.
Il se passe quelque chose comme dans les peintures de Vermeer de Delft où l’exactitude du détail plonge dans une surréalité inquiétante… Quelque chose qui n’est pas en surface, qui n’est pas la narration.
On peut aussi considérer qu’un film est ni bon ni mauvais, qu’il est selon ce que le spectateur projette de lui-même en le voyant mais à condition que ce ne soit pas ce que « tout le monde voit », cette « masse » médiatrice empêche le film d’être film. Il devient d’ailleurs réalité lorsque des gens parlent des sujets d’un film comme si c’était des intimes ou prétendent qu’ils connaissent alors qu’ils ne sont qu’informer !
Il y a aussi les documentaires, le cinéma vérité, le « verroterie chaud ». La prétention au « réel » au « vrai ».
De la métaphore, disons une lecture « à plusieurs niveau » comme pour un texte sacré…cela arrive avec de grands cinéastes … Grands cinéastes ? Ce qui choque, même lorsqu’on survol la courte histoire du cinéma, c’est le nombres de cinéastes considérés « grands ! » et même la place donnée à ceux qui ne sont pas grands mais ont tourné des séries à succès etc. Il y en a plus en 100 ans qu’en plusieurs siècles de grands artistes, d’artistes « fondateurs » configurateurs de mondes » !!!
Est-ce à dire qu’il y a là mensonges, fanfaronnades de la part des historiens, oui et non. L’histoire, l’historien construit son objet pour servir un but (idéologie) donné ; et l’historien du cinéma sert cette idéologie particulière ; celle de la technique !
A la gloire de la technique ; du triomphe – globalisation – de la métaphysique. De l’arrachement de l’homme à la Terre.
Et pour plusieurs raisons ; le cinéma nous arrache à la Terre…
Il nous arrache à la terre en proposant un ciel sur une toile (dit « écran » donc qui protège quelque chose, qui fait écran … contre le « réel » derrière… etc.) où il pique des étoiles. Un ciel qui est tout aussi un enfer, un purgatoire… Ne nous met-il pas dans la situation des prisonniers de la caverne de Platon – caverne qui s’intimise lorsque l’écran devient téléviseur … le cinéma « at home » ?
Il nous arrache au « réel » auquel il superpose (encore une technique du montage) un « autre réel » réel pelliculaire. Cet autre « réel » qui n’est pas cependant comme le « rêve » car tel est l’enjeu terrifiant du cinéma (surtout lorsqu’il n’atteint pas même à une once d’art) c’est qu’il INTERDIT DE RÊVER qu’il « projette » le rêve au dehors ! Impose des « rêves » tels sur les publicités des agences de voyages … Le cinéma, fascisant, vous donne le rêve consommable et lorsqu’il n’y a pas l’art qui intervient pour faire des trous là dedans, le rêve est interdit ; il est réalisé sur l’écran ! et trace l’avenir , le « réel ». L’idéologie (la propagande) et ces deux pôles exemplaires ; Riefenstahl / Eisenstein, se situe là. Le cinéma est un art de la guerre. Technique du leurre, du piège d’autant plus violent que, en entrant dans la salle de cinéma le spectateur n’est QUE spectateur aucune interaction possible. L’interactif du jeu vidéo nous montre ô combien il y a interaction mais en même temps anesthésie. L’autre sur l’écran « ne ressent rien » et donc rien de ce que je ressens. Interactions n’est pas inter relations, être-avec-autrui. Il est mis en rapport de vorhanden-sein.
Cependant, plus profondément, le cinéma en tant que « fixation » animée nous
inviterait à penser « temps et espace » (mouvement), les deux dimensions à
travers lesquelles nous percevons, nous accédons au monde (phénomène). Le champ
nouménale nous restant inconnaissable… Ce qui nous reporte plutôt vers la
Critique de la Raison Pure et la Krisis de Husserl, et plutôt qu’à Bergson, à
Sein und Zeit (et son inversion, retour). Car ainsi le cinéma nous permettrait
de penser la Technique… mais cela est une autre histoire.
2 - Venons en à cette présentation de films en vue de définir « qu’est-ce que le cinéma ? ». Réponse qui ne peut se trouver dans l’histoire du cinéma mais dans les films mêmes : la chose même !
Choisir des séquences pour présenter un film qui est un tout est bien difficile mais on peut accepter qu’en fait, c’est faire un autre film : découper, monter.
Par ces choix, je fais mon film. J’indique des convergences et toutes convergent vers mon film. Je ne fais donc pas seulement que tirer de ma cinémathèque personnelle, les films qui m’ont marqué, que je regarde souvent, voire comme certains plusieurs fois par an, « Muriel ou le temps d’un retour » d’Alain Resnais, « Juliette des Esprits » de Fellini - ô comme j’aimerai pouvoir revoir, revisiter ainsi « Les Abysses » de Niko Papatakis, « L’Immortelle » d’Alain Robbe-Grillet mais je ne peux que lire et relire les scénarios etc.
Choisir dans un choix qui s’est fait au cours des années mais plus particulièrement autour des années 60-70 lorsqu’il y avait encore des cinémas d’art et d’essais séparant avec netteté le cinéma et le commerce. Je ne dis pas que j’ai rejeté ce qui est venu après, ni que je ne regarde pas de films commerciaux. Je vais d’ailleurs jusqu’aux séries F surtout lorsqu’elles se piquent, se font un fixe de fantastique toc !
Choisir des séquences de films pour parler du cinéma, essayer de dire ce qu’est le cinéma c’est dire d’abord ce qu’il est pour moi ; je fais mon cinéma, mon film ou je donne à entendre la technique que j’utiliserai si je faisais un film.
Aujourd’hui, je donne les prémisses en commençant par le Principe qui tranche avec les habitudes acquises désormais avec le cinéma roman, qui tranche avec la « narration », la « narrativité » l’histoire qui se déroule en ligne ; d’un contenu inversé à un contenu posé avec tout juste quelques « flash back » ou des effets spéciaux mais sans briser vraiment la linéarité, sans risquer un « temps sphérique » qui malgré tout est peut-être celui du cinéma ?
A -Deux films :
a) « l’âge d’or » (1930 – le Chien Andalou est de 1929) et « Le Sang d’un poète » (1930 projection publique 1932) : le premier ne serait-il pas plus cinématographique, les plans parlant d’eux-mêmes ; découpe / montage. Il doit encore beaucoup au muet, le son y ayant cependant une place très particulière de redoublement subversif. Le second film serait plus poétique dans le sens où les mots y tiennent une place d’images et l’image est mot ? Rien de moins certain. La subversion est radicale, alors qu’après, par la suite les films qui s’inscriront en rapport à ces films « manifestes » ne pourront être que des films expérimentaux réservés à des « underground » puis à des cinéphiles c-à-d des fétichistes, des spécialistes, des ennuyeux !
« L’âge d’or » ne peut se comprendre que dans le cadre du « Manifeste du Surréalisme » de 1924 et à la condition expresse de ne pas l’étudier mais de le pratiquer. Le surréalisme est la « révolution » qui remet l’homme à sa place (en orbite) comme configurateur de monde etc. « Nadja » constitue le modèle révolutionnaire d’une écriture libérée de la description, de la linéarité tout ce à quoi on revient dans la débilité de nos aujourd’hui. Pratique du décalage etc. (voir Maurice Blanchot « «l’Entretien Infini »)
En exergue du film, je place donc ceci :
« Ces gens ne sauraient être intéressants dans la mesure où
ils supportent le travail, avec ou non toutes les autres
misères. Comment cela les élèverait-il si la révolte n’est pas
en eux la plus forte ? (…) Je hais, moi, de toutes mes forces,
cet asservissement qu’on veut me faire voir. Je plains l’homme
d’y être condamné, de ne pouvoir en général s’y soustraire, mais
ce n’est pas la dureté de sa peine qui me dispose en sa faveur,
c’est et ce ne saurait être que la vigueur de sa protestation »
Nadja, p 78
Philippe Sollers fait très justement remarquer au sujet de « l’âge d’or » qu’aujourd’hui un tel film est impossible, la radicalité de la critique sociale dépasse les possibilités de la subversion provocation qui contraint désormais à se plier à la normalisation – sérialisation etc.
[insert : scénario]
b) « Le Sang d’un poète »
Cf Scénario & « Entretiens sur le cinématographe » p.p 82-83
Insister sur le fait que la reconnaissance de Cocteau et le soutien viennent et des cinéastes de la « nouvelle vague » et des USA. La place accordée même actuellement au cinéma de Cocteau en France semble être celle d’un cinéma marginal « gay » - quelle triste perspective pour un génie multiple !
Les perspectives ouvertes par le « surréalisme » sont considérables et ne peuvent être « mesurées » par l’étude d’autant que le surréalisme a mauvaise presse du côté des discours officiels baignés de scientisme, retours pervers au « réel » effectués par le « virtuel » - let’s digit it !
B -Trois films :
« Inauguration du dôme du plaisir » (Kenneth Anger) cycle de la
lanterne magique
« Parsifal » Wagner / Syberberg (Cf. Parsifal, notes sur un film, Cahiers du
cinéma, Gallimard, 1982) p 97 pour définir le « ton du film »
« Juliette des esprits » de Fellini : « Le film de Fellini, et sans doute son Chef d'Oeuvre, Juliette des Esprits nous donne une intéressante leçon de « psychologie » :
Juliette est, comme chacun d’entre nous,hantée par des obsessions, des
fantasmes pour lesquels, les autres qui ne les vivent pas, trouvent tout
naturellement des solutions faciles.
Le docteur trouve la solution dans une hygiène de vie qui est celle du "bon vivant" - une belle absurdité !.
Le médium entend les esprits fautifs et Bishma le guru indien et androgyne retrouve par le tantra (version occidentale) la cause et solution de tous les maux, l’énergie sexuelle. Il suggère un mot « sangria » …
La femme sculpteur croit qu'en réalisant ses fantasmes dans la pierre elle se réalisera elle-même dans la chair – confusion sur la notion d’incarnation.
La Riche Américaine trouve la solution dans une permanente mise à distance du monde, le spectacle, la séduction
L'ami de Giorgio, mari de Juliette, explique le monde par les figures rhétoriques de la Corrida et par la « sangria »…
Giorgio la trouve dans le jeu conventionnel du mari qui trompe sa femme
et enfin la psychothérapeute admirablement campée explique tout par ce qui serait vrai pour Juliette si elle la laissait en faire l’expérience au lieu de l’expliquer ; le désir insupportable d'être libre c’est-à-dire de s'accepter.
Juliette trouve en fait sa solution dans l'écoute de sa propre fantasmatique ; l'Enfant qu'elle a liée à la représentation d'une vie de sainte dans une école religieuse n'a été liée que par elle, et c'est elle seule qui maintenant doit la délier en l'aimant, en ne comptant même plus sur la force libératrice qui fut incarnée par son grand-père "libre penseur". Presque instantanément lorsque Juliette revit la scène mais cette fois-ci en reconnaissant la Juliette du présent et embrasse l'enfant du passé, les obsessions s'estompent, se résorbent et il n'y a plus qu'à être-là, sans espoir certes d'une présence brute à l'environnement, aucun ici-maintenant. Il y aura toujours cette distance, cette Douleur ; exister. Le bonheur est accessoire. Inexistant ? » Tiré de mes Dialogues philosophiques» (1992-99).
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"Or, si dans un être doué de raison et de volonté la nature avait pour but spécial sa conservation, son bien-être, en un mot son bonheur, elle aurait bien mal pris ses mesures en choisissant la raison de la créature comme exécutrice de son intention. Car toutes les actions que cet être doit accomplir dans cette intention, ainsi que la règle complète de sa conduite, lui auraient été indiquées bien plus exactement par l’instinct, et cette fin aurait pu être plus sûrement atteinte de la sorte qu’elle ne peut jamais l’être par la raison (….) puisque néanmoins la raison nous a été départie comme puissance pratique, c’est-à-dire comme puissance qui doit avoir de l’influence sur la volonté, il faut que sa vrai destination soit de produire une volonté bonne, non pas comme moyen en vue de quelque autre fin, mais bonne en soi-même" Kant, Fondements de la Métaphysiques des Mœurs |
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Dans une séance qui devait être préliminaire, j’introduisais l’emblématique « Abraxas », la référence « magique », celle qui nous fait peur et proposais un parcours entre « Demian » de Hesse et « Le magicien d’Oz » le film de Victor Fleming avec Judy Garland - pour faire poids – sans mesure.
C’est que j’entends là « la lanterne magique » (par ailleurs titre du livre de Bergman et toujours dans le domaine cinématographique, une expression qui désigne l’ensemble des films expérimentaux / underground de Kenneth Anger) ou la magie du cinéma ou le cinéma comme magie. Enjeux du narcissisme.
Cette magie pouvant désigner la « captation imaginaire », la prise au corps par l’image (image au sens fort, non animalier, image qui ne peut exister que pour l’être parlant, donc inséparable du langage ; l’image ne fait pas son chemin toute seule comme le répètent à longueur de temps les spécialistes de la propagande, pardon, de la communication ).
Par ce choix j’entendais d’abord, faire croire, que seulement en Amérique le
cinéma action instituait, ou si l’on préfère modelait les quotidiens ; que les
comportements étaient toujours des projections – corps écran –
cinématographiques et non de simple « mimétiques ». .
Rien d’étonnant d’ailleurs, n’oublions pas, que le cinématographe fut d’abord
utiliser pour « découper » en séquences le mouvement – une optique pavlovienne …
De tels découpages n’expliquaient rien mais permettaient de « formater » !
Faire croire que ça se produisait qu’en Amérique était bien sûr une ruse de ma déraison pour rassurer les esprits positivistes, la belle assurance d’en France de ne pas se laisser avoir. Que seulement ailleurs, on pouvait se laisser avoir (ou à voir) ainsi … Mais ailleurs, c’est aussi ici ou plutôt là dans ce cercle plus grand que le petit ou nous nous enfermons, croyant y avoir trouvé cette pureté de la Raison (et certainement pas la Raison Pure – Kant est encore moins compris que Descartes, c’est peu dire).
Je cite Freud (rappelant que Freud n’est pas celui qu’on croit connaître à nous ressasser des oedipes fliciatres ou « anti » avec sexe à tout crin ; la psychanalyse n’a pas été par hasard mis à l’indexe, au livre noir du scientisme dominant – je reviendrai là-dessus) :
„Das unbewusste ist der größere Kreis, der den kleineren des bewussten in sich einschließt"
Le conscient, le moi – ce symptôme – se glisse, se fait tout petit, point, dans le cercle ou la sphère de l’inconscient. Cet inconscient qui n’est pas accessible mais qui se révèle chaque fois comme un lapsus – modèle moléculaire pour le psychanalyste.
Cela ne veut pas dire que nous sommes « conditionnés » par l’inconscient, comme menacés par la folie – et tous névrosés etc. - mais qu’au risque de la folie se constitue le sujet et donc que le sujet doit être institué pour se soutenir comme sujet humain, qu’il y a – et aujourd’hui cela se fait sentir – un risque de captation et de dissolution du sujet (devenu individu dans le super marché des identités en kits ! etc.).
Le miroir est tendu pour que le sujet se dissolve, rejoigne son image impossible.
Le mythe de narcisse. Voilà ce qui nous introduit à la question humaine de l’image. Il y a une image impossible à rejoindre… si le miroir est tendu par rien, il n’y aura pas reconnaissance de soi. Etc.
Voici qui semble bien compliqué ou plus exactement cela appert ainsi parce que ça n’est pas en accord avec les théories ultramodernes de la communication qui raisonnent en termes de « commandes » (je rappelle la signification du mot « cybernétique ») qui se tient dans la grossièreté simplificatrice du Stimulus – Réponse etc.
P. Legendre, sans préambule, : « l’image c’est le dogme ».
Après cette séance préliminaire qui eut l’accueil qu’elle appelait : on résistait dur dur « parce que ce magicien d’Oz n’était après tout qu’un film pour enfants daté, et que « Demian » était un roman « magique » (Hesse, tel un romantique attardé… ayant écrit « L’enfance d’un magicien »)… hors la magie n’a pas bonne presse.
D’ailleurs ce sont toujours des émissions de série B reprenant des livres de série F qui s’en chargent question de ne pas nous rappeler qu’on peut toujours être conduit au bûcher aussitôt suspecté de « magie » (à savoir oser douter de la vérité en progrès, la religion scientifique ..).
Les bûcher d’aujourd’hui sont discrets en général : exclusion dans une zone d’indifférence – sans des associations ou des cellule d’urgence représentatives…
Il y a bien des ouvrages d’érudits comme Antoine Faivre, France A. Yates, mais l’érudit est aujourd’hui banni du ciel des stars académies (dans lesquels paradent nos « philosophes » dépenseurs de service)…
Après cette séance – qui apparut comme « séance » - spirites bien que les tables ne tournèrent point – l’autre séance voulut introduire à cette « révolution » surréaliste qui ramenait sur la scène (le théâtre) sociale la scandaleuse « imagination » ; image in action – mais pas au pouvoir !
Là encore, butée : résistance à saisir que ce rapport à l’imagination n’introduisait pas une captation mais une subversion visant à rappeler la distance et non reconduire l’homme à cette fusion…
Ceci semble clair pour « l’âge d’or », certes moins pour « le sang d’un poète » et encore que ce « certes moins » soit l’effet d’un préjugé au sujet de Cocteau l’esthète etc.
La question du « miroir qui ferait mieux de réfléchir avant de nous renvoyer une image » est d’une profondeur incroyable. Aussi le rapport miroir / mort. Pour une introduction au mythe de narcisse c-à-d au cinéma c’est-à-dire à l’humain.
La révolution surréaliste rappelait en subvertissant le rapport de cercles : conscient / inconscient que l’image, le « mythe » institue, fabrique l’homme ici (en Occident « civilisation ») comme ailleurs (nommément dans le surréaliste le rapport aux masques africains en particulier – dans un esprit qui n’était pas ethno-psychiatrique !). Et elle creusait la distance en précisant, comme Sartre plus tard mais avec une force jamais égalée depuis, que « le garçon de café n’est pas le garçon de café » et surtout que l’image sociale « ouvrière » ne suffit pas pour passer à la dimension Homme. Répétition :
« Ces gens ne sauraient être intéressants dans la mesure où
ils supportent le travail, avec ou non toutes les autres
misères. Comment cela les élèverait-il si la révolte n’est pas
en eux la plus forte ? (…) Je hais, moi, de toutes mes forces,
cet asservissement qu’on veut me faire voir. Je plains l’homme
d’y être condamné, de ne pouvoir en général s’y soustraire, mais
ce n’est pas la dureté de sa peine qui me dispose en sa faveur,
c’est et ce ne saurait être que la vigueur de sa protestation »
Nadja, p 78
La vigueur de la protestation signifie le maintient de la distance, de la brèche etc aujourd’hui où il y a des « professionnels » de la « provocation » de la contestations, il est difficile de comprendre « transgression », « subversion » « blasphème », « profanation » C’est que ce professionnalisme veut faire « croire au réel sans distance ! » - le « reality show » permanent. La possibilité d’une vérité absolue… c’est là où nous devrions parler du « scientisme » : :
L’humanité ultramoderne est entrée dans le souci de se débarrasser du négatif, et les propagandes de remplissage, se pensant scientifiquement étayées, convoquent les sciences à la tâche impossible d’abolir la négativité, la Mort peut-être. Appelées de fait à soutenir la tentation de Sisyphe – traduisons : accomplir le fantasme d’enchaîner la Mort -, les sciences sur une telle lancée se trouvent détournées de leur horizon pour consolider d’aveugles répétitions, et le cas échéant nouer de nouveaux engrenages tragiques. Or si on veut bien considérer l’essence de la fonction dogmatique, ces problèmes peuvent être éclairés » Dieu au miroir, p. 261 « L’empire du principe symbolique dans l’humanité comporte de traduire institutionnellement l’écart fondateur, le rapport au néant, la négativité » ibid. p. 281
Un sacrifice s’impose … Mais reprenons.
Reprise avant de passer à ce difficile choix ; présenter des extraits de trois films qui n’existent comme tels que dans leur intégralité : un film = une seule image. Gageur ? Non.
3 films porteurs chacun d’une image :
Citizen Kane de Orson Welles ; où le K de Kane introduit au K. du
« Procès » (un autre film de Welles) et ferait donc référence à Kafka ? Mais
la référence à ce mystérieux « rosebud » dans Citizen Kane ne nous
renvoie-t-elle pas au rapport constituant du sujet à l’Inconscient, cet
Inconscient qui nous agit malgré nos prétentions à l’ultra rationalisme ?
« Le Visage » – de Bergman titré en Anglais « le Magicien »… Visage c’est
la définition même de l’image bergmanienne. Et c’est quelque chose de
fondamental ; seul l’homme a un visage et c’est là encore la magie « au
miroir », jeux de miroirs et image impossible de soi (Persona), sinon
renvoyé par « Ce qui tient le miroir devant nous » à savoir la Référence (le
Tiers Garant) la question de Dieu (Septième Sceau, Les communiants etc.)
devant l’Abîme. Ansicht – allemand « vue », aspect, opinion « an » particule
signifiant à, de, dans, sur, par, pour, en avec et envers – « sicht » est
visibilité. Gesicht – allemand « visage » - rassemblant les traits
visibles : visage : paysage
« Muriel ou le temps d’un retour » de Resnais où la question du témoin et de l’objectivité est posée non pour introduire à la relativité généralisée mais à la nécessité du Référent logique face à l’abîme ouvert…
Le cinéma … écrire le mouvement. Photographie avant : écrire avec la lumière. Toujours écrire. Lire écrire, quoique nous fassions – humains il nous est impossible de sortir de ce mouvement de la Parole sans s’animaliser, sans disparaître comme Homme. Même un théoricien scientiste comme Korzybski insiste sur ce point.
Et la lumière fut. Fiat lux du cinéma ? Mais au commencement était Logos. La lumière vient de la Parole. Et il écrivit avec son doigt de feu sur les tablettes… etc.
Que ce passe-t-il avec une caméra digital – question de doigts, de doigté, de points. Pointes de feu….
Cinéma action et narrativité d’un côté mais encore « nombre du mouvement » donc temps. Temps encerclé ; temps du chronomètre, nombre d’images secondes.
Cinéma projection sur un écran … fait-il écran ? à quoi ?
En fait nous nous regardons dans l’écran miroir. Comme lire c’est se lire ou plus exactement chercher à se lire : car jamais je peux me saisir, je – jeu – est un autre.
La différence entre cinéma et littérature est une illusion d’optique entretenue par la fausse interprétation – médiatique – de l’image.
Le cinéma peut être vue comme « rendre « réel » le rêve » (le rêve conçu hors psychanalyse ; car le rêve est un lapsus qui me révèle à ce qui m’échappe, m’estrange…m’aliène etc. ouvre mon rapport à l’Abîme, à la mort si je peux comprendre aussi le rêve comme « descente dans l’underworld » - une partie du tout de la Divine Comédie – eucharistie)
Mais en même temps le cinéma peut être compris comme étant le « réel » puisqu’il n’y a de réel que construit.
Pas de contre-indication à l’opposition – créative, poétique – entre la position de Cocteau (voir « Entretiens ») et la thèse de Pasolini dans « Ecrits hérétiques ».
C’est pourquoi les prétentions à « l’objectivité » du documentaire ou du reportage (de guerre en particulier) sont ridicules et dangereuses.
Il n’y a d’objectif dans le cinéma que justement « l’objectif qui cadre » puis le regard du cinéaste effectuant les découpes, montages etc… produit ce réel ci.
Rappel – Qu’est devenu Deleuze et son Cinéma 1 & 2 ?
L’approche deleuzienne aussi intéressante soit-elle demeure purement
descriptive.
La dyade non duelle : mouvement / temps reste une ébauche d’esthétique
transcendantale au sens de Kant :
Temps ( Espace - Temps) c-à-d des conditions a priori des phénomènes – ce qui
seul est possible à connaître pour l’être parlant fini. Finitude mortalité.
Partir de l’antériorité des « stimmung » (Sorge, Désespoir, Intranquillité etc. Acedia, Ennui etc. ) du « pathei » en tant qu’il apprend, qu’il enseigne et que nous en saignons.
Avant la « raison » qui résonne de la Stimmung fondatrice. Stimmung – Stimme : voix / voie La raison est comme le moi un « produit », je dirai, de la Parole.
Il n’y a pas de raison à la parole mais la Parole rend possible la raison. C’est pourquoi « Mythos » est avant « Logos ». La triade sanscrite : paravac, madhyama, vhaikiri.
Deleuze en jouant de dyades non duelles ne dépasse pas le dualisme et son choix fait « politiquement » en faveur de la déterritorialisation, de l’étranger et en défaveur du territoire reste caduc. En prenant le « nomade » comme modèle, il veut justifier tous les débordements de l’ordre symbolique qui « construit » l’humain…
Cependant nous pouvons dire que la « Traviata », la dévoyée – à côté de la voie - que le délinquant - « failling in duty », delinquere : to leave (quitter) - mettent en évidence, ou plutôt rappelle l’Inquiétant c-à-d l’Homme (dans la définition tragique et phénoménologique), l’être parlant, et les réinscrire dans la figure (mythe) de l’Étranger :
Fremd, Fremdling : « signifie proprement : vers ailleurs en avant, en train de faire chemin… à l’encontre de ce qui est d’avance réservé. Ce qui est d’avance réservé. Ce qui est étranger pérégrine en avant. Mais il n’erre pas, dénué de toute destination, désemparé de par le monde. La quête de l’étranger marche à l’approche du site où, comme pèlerin, il pourra trouver demeure »
Le juif, la porte dans … la parole, l’arche, le mot.
Mais le cinéma dans tous ça – où ?
Nulle part dans la technique cinématographique,
nulle part dans la biographie du cinéaste,
nulle part dans une sociologie du cinéma.
Alors où ?
Si Pasolini définit le cinéma par le « Code des codes » ce n’est pas pour recommencer une sémiologie partielle, une spécialité, mais comme pour la « structure absolue » d’Abellio de permettre à l’Homme de se reprendre, se reconstruire à partir de l’Urgrung sur fond d’Ungrund.
Accepter en fait ceci, dans les termes de Pasolini :
« Mourir est (donc) absolument nécessaire, parce que, tant que nous sommes en vie, nous manquons de sens, et le langage de notre vie (…) est intraduisible : un chaos de possibilités, une recherche de relations et de significations sans solution de continuité. La mort accomplit un fulgurant montage de notre vie : elle en choisit les moments les plus significatifs (…) et les mets bout à bout, faisant de notre présent, infini, instable et incertain, et donc linguistiquement non descriptible (…). Ce n’est que grâce à la mort que notre vie nous sert à nous exprimer » L’expérience hérétique, p. 92
Et poser un « cinéma impopulaire » (pp. 125 sq.) dérangeant parce qu’il nous fait revenir là où nous sommes autant « agités » par le mythe que n’importe qu’elle autre peuple jugé par nous comme « primitif » etc.
Il est amusant de mettre en rapport ce texte de Pier Paolo et les « Entretiens sur le cinématographe » de Jean Cocteau. D’abord parce qu’il y a une attaque de la jeunesse à faire trembler notre jeunisme actuel :
« si l’on s’amuse à descendre au fond de l’ostracisme d’un jeune, on a pas longue route à faire. On est étonné de ses limites. Hors ces limites, rien ne compte. Il y a presse et entêtement extraordinaires ; et obéissances aux mots d’ordres » Cocteau p 81
Pier Paolo :
« Les fils qui nous entourent, surtout les plus jeunes, les adolescents, sont presque tous des monstres. Leur aspect physique est presque terrifiant, et, lorsqu'il ne l'est pas, il est fastidieusement triste. D'horribles toisons, des chevelures caricaturales, des teints pâles, des yeux éteints. Ce sont les masques de quelque initiation barbare, mais barbare d'une manière bien morne. Ou bien ce sont les masques d'une intégration diligente et inconsciente, qui n'éveille pas la compassion.Après avoir élevé entre eux et les pères des barrières tendant à reléguer ceux-ci dans un ghetto, ils se sont retrouvés eux-mêmes enfermés dans un ghetto opposé. Au mieux, ils agrippent les barbelés qui clôturent le ghetto, en regardant vers nous, qui sommes encore et malgré tout des (12) hommes, comme des mendiants désespérés nous demandant quelque chose du seul regard, puisqu'ils n'ont ni le courage ni sans doute la capacité de parler. Quant à ceux qui ne sont ni les meilleurs ni les pires (et ils se comptent par millions),ils n'ont aucune expression : ils sont l'ambiguïté incarnée. Leur regard fuit, leur pensée est perpétuellement ailleurs, ils ont trop de respect ou trop de mépris à la fois, trop de patience ou d'impatience. Ils ont appris quelque chose de plus par rapport à ceux qui avaient le même âge il y a plus de dix ou vingt ans. Mais pas assez. L'intégration n'est plus un problème moral, la révolte s'est codifiée. Au pire, ce sont de véritables criminels. Combien sont ces criminels ? En réalité, presque tous pourraient l'être. Il n'y a pas un groupe de jeunes, que l'on rencontre dans la rue, qui ne pourrait être un groupe de criminels. Aucune lumière dans leurs yeux ; leurs traits sont des traits altérés, qui les font ressembler à des automates, sans que rien de personnel ne vienne les marquer de l'intérieur.
Leur stéréotypie les rend suspects. Leur silence peut précéder une anxieuse demande de secours (quel secours ?) ou bien un coup de couteau. Ils n'ont plus la maîtrise de leurs actes, de leurs muscles dirait-on même. Ils ne savent pas trop quelle est la distance entre la cause et l'effet. Sous l'apparence tout extérieure d'une plus grande instruction scolaire et d'une meilleure condition de vie – ils ont régressé jusqu'à l'état brut du primitif. S'il est vrai que d'un côté ils parlent mieux, ou plus exactement qu'ils ont assimilé l'abject italien moyen, d'un autre côté qu'ils sont presque aphasiques : ils parlent de vieux dialectes incompréhensibles, voire ils se taisent, poussant de temps à autre des hurlements… » Écrits corsaires.
Ce qui répond, des années plus tard à l’appel lancé cinématographiquement par Pierre Legendre dans « La fabrique de l’homme occidental » - film de Gérard Caillat, présentée sur ARTE le 15 novembre 1996 – hélas introuvable – seul reste un texte éditions mille et une nuits …
« Cinéma impopulaire » dérangeant les habitudes, nous délogeant pour nous resituer.. ;
« c’est encore un drame des films, que l’habitude, prise par le public jeune, d’y attendre, une histoire et rien qu’une histoire. C’est la faute des romans policiers et des traductions américaines. Voilà pourquoi le vocabulaire des films est si médiocre. On exige que le film prouve quelque chose, on exige un message mais on ne songe pas que le moindre épisode, que la moindre ligne peuvent prouver beaucoup plus. » Cocteau, p. 82
Pour rappeler finalement que : Une œuvre véritable soit simplement ce qui met l’être parlant face au miroir ou en termes phénoménologiques le rappelle en sa constitution existentiale au fond. Exister, ex-istence comme initiation. C’est pourquoi il y a des choix qui s’imposent, des coupes, des rejets : tous les cinéastes ne sont pas des maîtres, tous les films ne sont pas à mettre sur le même plan. C’est pourquoi j’aime l’expression de Pasolini, « films impopulaires » – ils nous sortent du lieu commun. Ils nous font exister en nous forçant vers notre constitution existentiale historiale – et non point simplement historique. Ils nous forcent, nous rappellent qu’il faut naître une seconde fois, qu’il ne suffit pas de « vivre » qu’il faut pourvoir exister (raison de vivre).
Ce phénomène est aussi net avec la musique ; la musique qui musique l’Époque (de la Technique) appelée musique contemporaine (ou d’avant-garde, selon) et que les maisons de disques d’aujourd’hui classent comme « classiques du 20ième siècle ! », cette musique est restée impopulaire « inaudible » parce que justement donnant à entendre ; l’inhabitable le dévoilant comme tel et rappelant que l’apocalypse signifie révélation…
« Des yeux purs dans les bois cherchent en pleurant la tête habitable » Marteau sans maître, Bel édifice et les pressentiments,
(Choix fait par Boulez)
En fait trois questions se posent pour saisir phénoménologiquement un film – et par le film situer un « quest-ce que le cinéma » : L’image « institue » le regard (pas de différence avec le tableau, et j’hésite à vous présenter au lieu de films, la lecture découpage de cette « flagellation » de Piero de la Francesca sur laquelle Legendre s’attarde si justement dans son anthropologie dogmatique) …
où se place le regard (du cinéaste) ?
où il place mon regard ?
où se place mon regard ?
(à suivre)
Cinéma 3Réflexions sur Exotisme & Multiculturel Y a t-il un cinéma japonais ? |
« Tout d’abord je suis convaincu que le cinéma est de nature à relativiser, dans cette zone si difficile à observer que constituent les institutions, la croyance scientifique et à réintroduire la notion même de discours là où il s’agit essentiellement du statut social et politique de la parole » P. Legendre « L’empire de la vérité » Introduction aux espaces dogmatiques industriels, p. 123
0 - Rappel des séances précédentes.
J’avais indiqué dans l’intervention précédente qu’il n’y a aucune différence entre littérature et cinéma en ce que … l’image institue. Et je cherchais l’Image d’un film qui n’était pas dans le P.S.B. Et le cinéma dans tous ça – où ? :
Nulle part dans la technique cinématographique,
Nulle part dans la biographie du cinéaste
Nulle part dans une sociologie du cinéma.
(évocation du « Contre Sainte-Beuve » de Proust…)
NB : « L’histoire se préoccupe moins de vérité que d’utilité : elle dégrade l’éthique dans des morales variables selon les temps et les lieux. De même elle dégrade l’esthétique dans des formalismes… » Abellio, Gnose
NB 2 : il y a dans l’histoire des coupes verticales à faire qui restaure le rapport de l’homme à [… ]
Alors où ? Exemples :
Bergman dans « le Visage » dans « le Silence »
Orson Wells et la question du K de Kafka… »Citizen Kane » … « The Trial ».
Resnais, « Muriel ou le temps d’un retour » : le souvenir et le Tiers Garant
« en creux »…
Rivette ; ou le théâtre de la mémoire – ce qui renvoie aux travaux de France A.
Yates sur Giordano Bruno. « Céline et Julie vont en bateau »
Un cinéaste ne produit qu’une seule Image même si techniquement le cinéma est un certain nombre d’images minutes. Un sémiologue du cinéma se demandera donc :
où se place le regard (du cinéaste) ?
où il place mon regard ?
où se place mon regard ?
1 - L’autre ; le païen…
« Partout où s’affiche la nouvelle religion scientifique, la
réflexion sur le sujet est tenue pour suspecte, y compris dans
certains milieux en proie à une colère d’inquisiteurs face à la
simple évocation de l’inconscient. » d’après P. Legendre
Reprendre en mains le Malleus Maleficarum.
Pour comprendre ce que sont l’exotisme, l’interculturel (qui est de fait « inter cultuel » si nous entendons bien que l’art de gouverner ne se fait pas avec la seul raison mais sa théâtralisation ; chants, danses etc.) il est nécessaire de comprendre les montages juridiques qui ont construit l’homme occidental et son hégémonie.
Sans cela nous demeurons au plan des informations, des news qui dériveront nécessairement sur des clichés dangereux où aujourd’hui – période électorale – on nous abreuve et auxquels il est nécessaire que nous résistions.
J’utilise résistions, car il y a une résistance qui se constitue, un autre maquis
L’anarque – et non l’anarchiste, le Waldgänger.
Notons comment le documentaire sur René Char (présenté sur ARTE) à esquiver au nom de la figure officiel du résistant, la résistance même : la poésie. Ne pas comprendre que la poésie institue ou que tel Vico rappeler que l’origine du Droit c’est la poésie…
Le choix des textes était volontairement fait pour ne pas rendre évident la coupure radical entre Char et Eluard (le poète officiel par excellence). Etc
Il ne s’agit pas d’être hors la loi mais de rappeler l’instance juridique qui jusqu’ici – c-à-d avant le triomphe de l’hitlérisme – avait maintenue un rapport à l’Abîme, le rendait habitable.
Rappelons : « cultura est idolatriae augura servare et stellarum requirere cursus »
(cause 26 question 2 canon 9)
Justinien : Il y a nous ; et les autres : les autres sont les « fous » : en particulier novelle 146 « les juifs se livrent à des interprétations insensées » - insensatis semtipsos intepretationibus tradentes.
Tout de suite : un rapprochement obligé à ce que nous appelons l’ethnologie,
instrument de conquête de la planète conçu sur un modèle religieusement
préparé ; seul l’homme occidental décide de ce qui est la « vérité ». Ainsi ce
qui décida des « culturels » (païens) est aujourd’hui présenté comme progrès,
technologie. Cela descend en droite ligne de la théologie ; d’un point de
rencontre entre le christianisme et le droit romain…
Je renvoie aux travaux de Pierre Legendre (dont j’espère la médiathèque décidera de présenter le documentaire de 1996 « La fabrique de l’homme occidental ».
J’affiche ceci, sur un mur de notre ville :
« Ils arrachent les arbres presque centenaires parce que la « bonne science » a décidé aujourd’hui qu’ils sont allergènes.Elle en replantera d’autres qui mourront faute de terre saine. Mais sachez-le ! Demain la bonne science décidera que c’est vous qui êtes allergènes ! »
Avec cette affichette j’anticipe sur le manga « Kyashan » où les robots y
prennent la décision logistique d’éliminer la cause de la pollution de la
planète … l’humanité !
Mais la mise en scène du monstrueux est lente, insidieuse. Elle se présente en
formes de glissements sémantiques ; art primitif, art coloniaux art premier…
avec inflexions politiques et culpabilités ; droits aux différences
indifférentes. .
Activité destructrice qu’effectue l’occident au nom (de … la raison) du
développement :
Tout est culture, rien n’est culture, toutes les différences sont détruites
mises en « réserves » « musées » ou « amalgames » (non syncrétique).
Cette imposition à l’ensemble de la planète est un scandale ! Et pourtant,
l’homme occidental a conquis la planète ; nous serions bientôt tous des
occidentaux si…
2. Mais l’exotisme ?
L’exotisme n’était-il pas la forme « aimante » de l’ethnologie ? Vapeur d’encens et zen à l’entreprise. C’est aujourd’hui « allons enfants, travaillons sans stress et sans cesse …convivialités festives ». Pourquoi, qu’importe. Pas de pourquoi ! Mais l’exotisme d’avant ce bazar ?
L’ex doit être saisi avec l’ex de l’exile et comme arrachement ; l’ethnologie arrache des vécus qu’elle pose en informations, documents sur un passé estampillé « premier » (par rapport à ce qui dernier devrait être l’art Naque !) Premier donc périmé… au nom de … C’était au nom de Dieu aujourd’hui c’est au nom du progrès démocratique (c-à-d en fait du développement économique indéfini). Quelle différence ? AUCUNE ! Car ce au nom de Dieu n’était pas de Dieu mais de l’homme faustien et faustienne est cette « science » cette technologie galopante.
L’exotisme par certains côtés se rapproche du fétichiste (le collectionneur).
Qu’est-ce que le fétichisme ; la psychanalyse donne une piste ; appropriation
tentative de l’objet impossible.
L’exotisme aime à se déguiser en l’autre ; chinoiseries et japonaiseries, fin 19 début 20 voire avant depuis Marco Polo… Le multiculturel est en deçà de l’exotisme ; il n’y a plus d’exotisme puisqu’il n’y a plus d’ex que tout est partout…. L’ethnologue a fait son travaille de sape, le mono-athéismes se réalise planétaire. D’où l’absence globale de spiritualité et le débordement technicien des religions… Essayons de comprendre :
« On ne lutte pas contre l’hitlérisme avec les statistiques
d’Auschwitz mais avec Richard Wagner » Déclaration hautement spirituelle du
cinéaste Syberberg.
On ne lutte par contre le terrorisme islamique avec la
dogmatique laïque mais avec le soufisme
On ne lutte pas contre la drogue en proposant des camisoles chimiques mais avec
des enthéogènes etc.
Besoin d’exotisme lorsque le dépaysement équivaut à un exile …
Que l’arrachement, que le non lieu qui m’aliène
Voyons du côté de Victor Segalen
3 – Fragments tirés de Segalen
« … Ne nous flattons pas d’assimiler les mœurs, les races, les
nations, les autres ; mais au contraire réjouissons-nous de ne le
pouvoir jamais ; nous réservant ainsi la perdurabilité du plaisir de
sentir le Divers Tome 1 p. 751
« Ajouter les faux explorateurs … Les troupeaux de touristes… reprenons courage, l’exotisme et les vrais exotes ne sont pas en cause là-dedans ! (…) et si le tourisme (variant) diminue vraiment l’exotisme (immuable) des pays, c’est que celui-ci était une forme, un peu grosse, commode, et qu’on peut la leur laisser en pâture en se réfugiant sur des sommets plus glaciaires » Tome 1 p 761 – 762.
« Plus la Différence est fine, indiscernable, plus s’éveille et s’aiguise le sens du Divers » p 768
4 - Pourquoi j’ai choisi le Japon ?
Matsu no koto
wa matsu ni narahe
Take no koto
wa take ni narahe
Le pin ? l’apprendre du pin
Le bambou ? l’apprendre du bambou.
Bashô.
„F - Benötigen Sie Begriffe ?
J – Vermutlich ja ; denn seit der Begegnung mit dem europäischen Denken
kommt ein Unvermögen unserer Sprache an den Tag. […..]
F – Welche Gefahr meinen Sie ?
J – Daβ wir uns durch den Reichtum des
Begrifflichen, den der europäische Sprachgeist bereit hält, verleiten
lassen, das, was unser Dasein in den Anspruch nimmt, zu etwas Unbestimmtem
und Verflieβendem herabzusetzen“ Martin
Heidegger, Unterwegs zur Sprache
Un choix subjectif : dès l’age de 12 ans je me sens appelé par un Japon qui n’était pas celui qui, moderne s’occidentalisait joyeusement, le Japon à transistor réparant l’irréparable – Hiroshima – et aussi parce que les discours des ethnographes, la bigoterie scientifique m’exaspéraient déjà. Un Japon qui me permettait de juger … la France !
Un Japon que la France ne pouvait pas aimer car il n’était pas le Japon
exotique du transistor samouraï …
J’avais exclu cet exotisme et cet autre plus daté, par ce souvenir ; Mme X « le petit il a qu’à aller voir madame Butterfly à l’Opéra Comique, le Mikado de Gilbert & Sullivan ! au Châtelet ! ». Ma famille eut au moins la bonne idée de m’autoriser de fréquentes visites au musée Guimet alors un lieu magique, pas encore un musée de muséographe, les œuvres étaient encore comme habitées. Mais là encore pour les enfants de la patrie on organisait des jeux - il me fallut me glisser du côté des adultes.
Dans le Japon que j’avais choisi, je pressentais le tout autre ; cette recherche d’une autre logique qui sera au cœur de ma Recherche plus spirituelle qu’universitaire.
Tout autre est en effet le Japon de Murasaki Shikibu. Tout autre que le Japon des japonaiserie et des arts martiaux. Il est du côté où l’occident ne trouve pas son image dans le miroir guerrier : Samouraïs d’industrie !
Le Genji Monogatari de Murasaki Shikibu, la traduction du Kiritsubo … s’il vous plait » ainsi m’adressai-je timidement au libraire de la rue Vavin qui en était dépositaire qui n’en revint jamais ; mais qu’est-ce que cet enfant allait faire de la traduction alambiqué (la seule qui existait alors en français) du premier chapitre du Genji ; le Kiritsubo ? Un Dit, le Dit de sa vie. Réincarnation de Murasaki.
Le Genji monogatari, le dit de Genji ouvre l’ère universel du roman et c’est le Japon qui inaugure… et rien ne peut être comparé, sauf la Recherche de Proust au risque de n’être que du côté des Guermantes puisque à Heian il n’y a pas d’autre coté ; hors de cette capitale de la « paix », il n’y a que le lieu de l’exile… justement là où il y aurait ces classes qui entravent ailleurs…la poésie, la Parole
A Heian kyo c’est encore pire que tout il n’y a même pas cette exaltation des vertus guerrières, des déploiements de forces machistes, il n’y a de joutes qu’esthétiques. Horreur ! Ne vous inquiétez pas, ce cri d’horreur a été prononcé pour vous par vos représentants, les Samouraïs qui ont mis à feu et à sang cette aristocratie efféminée. La période de Heian dura fort peu. Comme il le fallait pour qu’il y ai des héros, des hommes, des vrais qui ne parlent pas mais vocifèrent.
[Se reporter au Guide de lecture de William J. Puette]
Le film de Kimisaburo Yoshimura (1952) met les 9 premiers chapitres à l’écran…
Mais c’est le "Héros sacrilège" de Mizoguchi (Shin Heike monogatari de 1956)
qui le replace dans la perspective « occidentale » qui donne une analyse
marxiste de la période Heian, et insiste sur la nécessité de son dépassement …
Le héros sacrilège, est un film qui a tout pour plaire ; la femme n’est plus
qu’une courtisane, représentant l’aristocratie toute entière pour un héros qui a
renversé un clergé qui bien que guerrier ne peut comme tel avoir ce merveilleux
sens de l’honneur patriotique : mourir pour la patrie (le capital) sans dieux !
quelle merveille !
La femme peut ainsi sans problème devenir un homme comme les autres ?
Kenji Mizoguchi fait cette analyse marxisante… Est-ce donc un film japonais ?
5 - Y a-t-il un cinéma proprement japonais ?
« Le cinéma n’est pas naturel (…) il est en rapport historique et de structure avec notre amour des montages, cet amour légalement institué par le juridisme occidental si violemment étranger aux traditions iconoclastes » P. Legendre « L’empire de la vérité
Télérama et toute notre culture Knack ont répondu en faveurs (rubans) pour le
cinéma asiatique. Alors. On y croit. Mais le cinéma peut-il véhiculer autre
chose que la technique cinématographique ?
Une Image japonaise donc, l’estampe les enluminures du Genji peuvent-elles …
imposer quelque chose à cette technique, au cinématographe ?
L’écriture japonaise ? déjà … si différente… Se demander où nous mène l’empire
des signes de R.B ,
Mais aussi attention, les différences s’arrêtent là où la Parole instaure
c’est-à-dire là où la « constitution existentiale » reprend sur … Ce qui veut
dire qu’il n’y a pas une complète incommunicabilité.
D’ailleurs la communication est impossible que là où elle
devient improbable ; lorsqu’elle est confondue à l’information.
Récapitulation ; le Genji pose une autre logique, logique, celle de l’aware (le « duende » de Lorca ?), intraduisible comme un défi : Beauté – Vérité inconciliable comme Satan et Lucifer dans la dialectique gnostique :
« - la force luciférienne crée une vocation dynamique de participation
spirituelle et une vocation statique de non-participation matérielle .
- la force satanique crée une vocation dynamique de participation matérielle et
une vocation statique de non-participation spirituelle. (…)
- au contraire dans le Christ, la beauté et la vérité sont vécues ensemble dans
l’assomption de la matière et sa transfiguration par l’esprit. (…)
Les joies de la vérité servent en réalité de compensation et de consolation
toujours insuffisantes aux blessures de la beauté et les joies de la beauté
servent de compensation et de consolation toujours insuffisantes aux blessures
de la vérité ; aussi bien toute œuvre humaine est-elle toujours
insatisfaisante. » .» Abellio, Gnose
L’aware comme « réussite de l’échec » constitutionnel...
Bibliographie très sommaire :
Pour ceux qui ne lirons jamais le Genji, un policier de Nagao Seio « Meurtres à la cour du prince Genji » éditions Philippe Picquier (poche) ; Une introduction excellente en anglais citée plus haut mais elle ne réfère pas à la traduction française ; Pour comprendre la pensée japonaise ; un petit livre aux éditions Osiris ; « Le développement d’une pensée mythique » de Hitoshi Oshima ; Le seul philosophe à avoir entamé un dialogue pensant avec le Japon ; Martin Heidegger (à son seul nom l’imbécile met les scellées du H de Hitler, sur toute l’œuvre) : « Acheminement vers la Parole ». Recommandation « Heidegger et le zen » de JF Duval, éditions Présence ; Pour une approche juste du « zen » (qu’ignore – fort heureusement, ai-je envie d’ajouter et j’ajoute - l’époque du Genji), lire (pour pratiquer) « Hara » de Graf Dürckheim ; Un syncrétisme contradictoire ; Mishima, les Noh modernes.