(L'INDICIDENCE 1) Écrire avec (un) Freud. 

(pages 19 - 31 de l'édition originale) 

« Nous » profane, novice en la matière, « nous » Freud, le médecin qui se retirait avec peine de la médecine, ne pouvons saisir « appréhender » immédiatement. quoi ? La Dichtung. La Dichtung, que l'on traduira quelque fois par « Poésie », alors qu'il existe en Allemand, pour désigner la « poésie » un mot, « die Poesie ». La Dichtung, dira-t-on, « création », « production », production-textuelle. La Dichtung n'a pas nécessairement de « limite », elle ne détermine pas nécessairement une « région » de pratique comme la « poésie ». Nous garderons Dichtung, pour l'instant, avec ce « nous-novice » qui est toujours et avec (la) force (de l'admiration, de l'hébétude même) pousser à savoir. A savoir ce qui « pulse », non pas à écrire, mais à lui écrire, écrire à ce « nous » profane, le médecin qui aime tant lire, se cultiver. Car nous-freud sommes un médecin cultivé, nous savons nous référer à nos petits classiques. ... Nous écrire c'est-à-dire non pas « pourquoi » le Dichter écrit, mais bien « comment » il écrit de telle sorte qu'il nous émeut. Soit comment il vient vers nous, nous « public », nous seuls qui avons en notre pouvoir, par notre « innocence » d'écriture, le publiciter. Nous les « innocents », les « vierges » d'écriture, nous qui « voulons », en fait, garder notre virginité d'être parlant, d'être « parole », parole vive et donc plus apte à nous émouvoir de ce qui émeut « vraiment », ce qui « touche » ; nous-freud, nous les nouveaux critiques, les annonciateurs de la critique nouvelle. Nous qui faisons avec des « comment » des « comment -taires » sans « pourquoi », nous toute oreille, toute grosse et gonflée. Nous gros oeil pour lire, nous qui ne pouvons pas écrire et n'avons pas de mains, nous voulons être la parole du public qui montre au public comment il nous écrit. COMMENT IL NOUS ECRIT, c'est le leitmotif de toujours et, c'est encore la bannière de victoire des sémiotiques. Comment il nous écrit et nous « fabrique » du « discours » strictement « vivant », « organisé », etc. Pourquoi il écrit, qu'est-ce que cela peut, nous-freud, faire ? On sait qu'il « sublime » - nous verrons comme il « lime » sous le fantasme à la « racine » pour le rendre lisible-supportable à « nous ». C'est suffisant.
C'est ainsi que se trouve manié le texte-leonardo et peut-être encore plus outrancière ment le texte-jensen (nous y reviendrons). Et si l'on reconnaît à Freud le mérite de se pencher sur le « pourquoi écrire », on peut le reconnaître lorsqu'on est encore emberlificoté dans le texte freudien. ...mais en vérité en vérité il vous le dit, il s'en contre fout jusqu'au bord de la mort car là le vieillard tranquillisé par la prise de pouvoir de la psychanalyse privée de l'Inconscient se met à « pondre de l'écrit » en trafiquant, sans hasard, avec les origines sauvages et scriptuaires de Moïse l'égyptien et du texte solaire. Ne nous fait-il pas encore le coup de Platon (le Phèdre naturellement, mais aussi le Philèbe, mais encore plus étrangement le Critias) un regard descendant dans l'antiquité caverneuse et scriptique. Mais la question, pour l'instant, demeure « comment il nous écrit » et comment nous écrivant il écrit avec nous: il communique alors ?! Mais oui, chez Freud aussi la « communication » (que notre Lacan ne voit que chez nos voisins d'outre atlantique) marche à fond. Chez Freud comme dans tous les textes, il y a tout ce qu'on veut: nous-anglosaxons disons « ça » communique, nous-lacan disons « ça » ne communique pas, nous-freud ne savons pas toujours ce que ça fabrique. Eh oui il nous écrit, qu'il écrive cela est une autre paire de manches ; dans le texte-freud, ça branle dans le manche. Il nous écrit et écrit avec ce « nous ». Alors on peut toujours feindre une admiration hébétée devant la remarquable personnalité du Dichter. Nous-freud allons chercher dans les « textes » uniquement ce qui illustre (ou nous rend illustres) notre psychanalyse. Et pour mieux aller chercher nos illustrations, il nous faut donner un contenu à cette admiration de profane. Nous-freud aménagerons préalablement ce filet pour y prendre le Dichter. Le filet le voici. C'est aussi le filon. Alors, filons filous avant de s'y faire prendre... Le Dichter est celui qui, d'une certaine matière, « sait » quelque chose qui échappe (de prime abord) à l'homme de science. Il sait ce qui revient à l'être de l'homme le fameux « Kern unseres Wesens » c'est-à-dire pour la psychanalyse - et là déjà le Dichter ne devient que le dicteur - quelque chose qui ne peut tenir que d'un aménagement (fragile, dit Freud, mais en fait bien réel)d'une région déterminée par deux points, le normal et le pathologique, c'est-à-dire la nouvelle version du Bien et du Mal. Cela mériterait de longs développements, de longues répétitions de ce qui déjà traité, certes, n'en demeure pas moins à entendre dans la « croissance du désert »...
Nous-freud, en esquissant un inconscient tout aussitôt bafoué, rayé, raturé (beurk, pas propre, s'écrie l'écrivain de boulevard, le docteur Freud) sous le pathologique, nous refermons les quadrillages policiers dans le champ de la « psyché » et de son « noyau » essentiel; nous l'inscrivons sur l'organisme « hystériquement », hystoiriquement. Avec une plus grande subtilité, ce qui permet un « aveuglement » tel que des forces subversives peuvent aujourd'hui s'armer de ce qui les contre; une psychanalyse telle que l'inconscient ne figure que dans ce qui l'étrangle : le discours du policier freud. Comment il (le Dichter) nous (Freud, la psychanalyse...) écrit (nous parle, nous é-meut). C'est en fait l'affaire d'un quadrillage de la page, ou d'une rhétorique (en gardant bien en vue les fins juridictionnelles de la Rhétorique) c'est un « poliçage » du discours, la mise en avant de recettes choisies pour leur efficacité sur l'auditoire. Et si le Dichter, il sait « quelque chose » de plus que le médecin qui fait semblant d'être en retrait et profane en la « matière » littéraire, il ne sait rien de plus en fait que cette technique , car le contenu, nous-freud, nous avons vite fait de le servir en illustration. Le Dichter nous écrit afin de nous émouvoir, c'est-à-dire qu'il dispose d'une « rhétorique », et, nous le verrons plus loin, mettant le texte « proprement » en forme rend possible des « émotions » insoupçonnées par nous-freud, des « émotions » appuyées sur des fantasmes dont normalement nous aurions honte et culpabilité s'il n'y avait pas précisément un « comment ça se dit » ; une Rhétorique Le « comment ça se dit proprement » est finalement la seule question de nous-freud, celle du « choix de la matière » n'est qu'une enseigne et un bouclier ( « choix de la matière » Stoffwahl, une enseigne das Schild, un bouclier der Schild). Il y a quelque part encore un modèle a priori qui décide de l'artitude de l'art : sa région et son pouvoir. Freud part du fait qu'il y a une « région » de l'art constituée, en faisant cependant tourner légèrement les choses en se situant du côté d'une « mauvaise » littérature (le second rayon):
« Halten wir uns an die Letzteren und suchen wir für unsere Vergleichung nicht gerade jene Dichter aus, die von der Kritik am höchsten geschätzt werden, sondern die anspruchs-loseren Erzähler von Romanen, Novellen und Geschichten, die dafür die zahlereichsten und eifrigsten Leser und Leserinnen finden ». Der Dichter und das Phantasieren.

Mais c'est bien là un tour de Freud, un tour de médecin de quartier qui n'entend pas forcément parler des grands maîtres, mais aussi de Nous Deux ou de France-Dimanche. Nous Profanes (Uns Laien), nous-freud qui sommes hors du temple (Latin : fanum) qui sommes du moins devant ses portes, nous-freud par cela même, nous ne pouvons nous salir les mains, nous ne pouvons subir les aveuglements de ceux qui, à l'intérieur du temple de l'Ecriture, sacrifient à Thot.

Hors du temple, nous sommes nous-freud ceux qui répétons inlassablement dans l'admiration hébétée du profane (du péquenot) mais comment donc il nous écrit, c'est-à-dire mais comment donc peut-il dans le sombre du temple empli de fantasmes ob-scènes écrire pour nous qui sommes parfaitement sains (ou du moins comme tout le monde, puisque tout le monde est névrosé, mais c'est tout le monde que nous sommes et non un névrosé, un cas. ) Comment peut-on même l'instant d'un jeu de « présentation » de rhétorique parler même ainsi « Uns Laien ». Mais enfin ? pas pour longtemps, rassurez-vous, vous-freud, aux portes du temple. Nous-freud percerons le « secret » du Dichter comme nous perçons le fond (Bestand) du langage (die Sprache). Il suffira de le chopper au signifiant près et vous le refiler en signifié. Car en fait il n'y a que ça de vrai, le reste n'est que travestissement!). Tiens, Jensen, prends ça, je te dis que tu fais sans le savoir une étude/histoire de cas. Jensen ne répond pas. Quand je vous disais, partout le même thème, un névrosé ce Jensen (nous-freud se frotte les mains) il ne veut rien entendre à la psychanalyse en plus. Freud se console en se chauffant au feu de bois de la biographie de Jensen. Il fallait bien ça, car un texte cache quelque chose de pas sain. Et seul nous-freud pouvons savoir que finalement ce défilé articulé de signifiants a un contenu, un signifié. ...Nous-freud, ne pouvons pas nous contenir, ne voulons pas de secret; nous, profanes, profanerons pour construire notre temple de vérité sur les cendres de ce qui nous précède pourtant: car en fait je vous le dis, en vérité, Moïse Freud n'était pas juif, mais Egyptien. C'est là toute l'ironie presque déchirante du texte freudien c'est toute la force de l'inconscient bafoué qui s'aménage sa retraite. C'est là le mauvais tour au flic-freud. C'est que Freud n'a pas l'unité « génital » que prescrit (médicalement) son « système » ; il y a plusieurs freud partialisés par le texte-freud en tant que s'y réserve ouvertement le re-trait de l'inconscient.
Re-trait » que la note peut-être… Le re-trait est une affaire du texte-freud avec ses Verbergen, Verstecken, Verhüllen et Enthünen. Le re-trait, le with-draw qui doit s'entendre avec le trait, le dessin (drawing), avec le « tissu », les « voiles » (hüllen) qui est la texture du texte. Le retrait, hors du temple, nous-freud profane interrogeons le comment ça (qui peut-être l'inconscient bafoué) nous (é)crit proprement, c'est-à-dire nous é-meut. Comment il nous écrit à nous, dans la propreté qui est notre propre, c'est le coup d'un cadeau qu'il nous assène. Le « plus » qui semble être gardé par le Dichter, cette enjolivure est capitale. C'est une « lettre » capitale qu'il nous dédie, c'est un divertissement offert aux Dames. Nous-freud nous sommes des Grandes-Dames qui chastement recevons le « cadeau ». Cadeau, désigne en français d'abord une « lettre capitale » avec enjolivures et est donc en rapport à l'enluminure. C'est ensuite simplement une « enjolivure » au propre comme au figuré. Molière utilise « cadeau » dans la direction d'un divertissement offert aux Dames et prend par la suite la signification de « présent », du provençal « capdel » chef, issu du Latin « capitellum », dérivé de caput tête. Le verbe cadeler signifie « enjoliver ». Affaire « capitale » le « cadeau » chez Freud est une « chiure » enjolivée le remerciement pour un « caca » un caca dodo et panpan cucu.

  C'est dans l'orifice anal que s'organise le « cadeau » la « chiure ». Tiens voilà mon « caca'» s'écrit celui qui offre le cadeau sans le savoir. Et le « cadeau » en proximité du « cul » nous raconte des histoires de fric et ce depuis la sombre et sacrificielle Babylone

  « The excrement of Hell » is « Gold » (Cf. Freud CP II Character and anal erotism). « It is probable that the first significance which faecal interest develops is not gold-money, but 'gift'. The child bas no knowledge of money other than that received as a gift, no idea of money earned or belonging to it, inherited. Since its faeces constitute its first gift, the child easily transfers interest from this substance to the new one that meets it as the most valuable form of gift in life... » Freud, CP II On the Transformation of Instincts.

  Il (Dichter) à nous-freud écrit. Il nous fait ce « cadeau » cette chiure enjolivée. Ce de par l'agencement, la disposition, le quadrillage, la rhé- torique. Ce qui « pousse » à écrire, c'est sans doute pareil que ce qui pousse à chier; du moins des expressions comme coucher sur le papier, pondre un texte, accoucher d'un texte, mettre bas, tracent-elles un rapport entre faeces, enfant, pénis de la mère qu'il nous faudra développer selon la thématique; il n'y a pas de paternité d'un texte, mais toujours une maternité où l'écrivant dit: je suis une femme, la femme (et où il est bien entendu que le psychanalyste qui travaille avec une stricte anatomie du sexe ne voudra pas s'aventurer: il prendra position dans/avec la seule parole). Nous-freud tiendrons bon la rampe ; il nous écrit. Mais comment il nous écrit, il nous fait un « cadeau », dans quel espace cela se structure-t-il, où la sommation à ce comment-écrire (à nous) prend corps ? Qu'est-ce que le Dichter porte-t-il dans sa « remarquable personnalité », lui qui est dans le temple et (y) puise sa matière... ? Sa matière c'est-à-dire la matière de la lettre qu'il nous écrit. L'écrit et la matière serait-ce la même chose ? La lettre d'amour et l'écrit sont une seule et même chose. Le texte est lettre d'amour. C'est pourquoi, bien qu'il nous écrive, le Dichter ne s'adresse pas à nous. C'est bien ce que nous-freud faisons consister dans le fantasme qu'il faudrait ici écrire « phantasme », car il y va de quelque chose de plus fondamental que l'imagerie des fantasmes. La lettre, l'écrit. La lettre d'amour s'adresse à l'amant/l'aimé, bien qu'il ne soit pas sûr qu'il y ait autre chose que l'adresse sur l'enveloppe pour dire qu'elle lui est adressée. L'écrit, comme livre, s'adresse au lecteur, mais il n'y a aucune « adresse ». La couverture d'un livre n'est pas l'enveloppe. Et surtout le lecteur est tout lecteur. Le destinataire est inconnu de celui qui a écrit un livre. Pourtant ce « tout lecteur » est en quelque sorte compris dans l'écrit. Il y est compris comme celui à qui s'adresse « vraiment » le livre. Notre H.P, Lovecraft nous le dit très bien: « the maddening need to place again... » ...

  L'écrit est ici nettement « incestueux ». Nous y reviendrons. Disons que le destinataire de l'écrit-lettre n'est pas le lecteur, mais ce qui est sommation dans ce sens, il y va d'un RETOUR, mais d'un Re-tour en re-trait. Il s'agit d'un « détour », d'un détour nécessaire par le « lecteur » qui a le mérite d'être « anonyme », au sens où le livre ne porte aucune adresse. Il faut saisir là une « raison » d'écrire, en ne perdant pas de vue une sommation beaucoup plus nocturne, que laisse très bien percevoir le texte maçonnique de « Die Zauberflôte » en plaçant l'impulse de l'agir dans le Désir (hautement inconscient) de la Reine de la Nuit, et que Freud subit dans la découverte du « phantasme », avec le mérite de la platitude. La platitude est déjà là; mais comment donc il nous écrit, s'écrie-t-il hébété d'admiration en prenant la plume d'un Schreiber scientifique, c'est-à-dire une plume-parlante, essayant un moyen de forcer les portes du temple.
Nous-freud, nous-profanes.
« Wenn wir wenigstens bei uns oder bei unsergleichen einen dem Dichter irgendwie verwandte Tätigkeit auffinden könnten ! « Freud, Der Dichter und das Phantasieren.

  Chez nous, auprès de nous-freud, c'est impossible, nous sommes profanes, auprès de nos semblables ce sera sans doute possible; il suffit d'intriguer. On trouvera bien sûr les sources éternelles: l'enfant, la prime enfance, le névrosé, le rêveur, le pervers, peut-être pas le psychotique -on n'en parle que lorsque nous-freud faisons semblant d'entendre parler Schreber à travers son écrit (il fallait le faire: entendre des voix! Il fallait s'appeler Freud). Nous-freud, profanes allons pouvoir trouver un expédient et sans avoir à forcer les portes du temple -gardiens des écritures, nous trouverons un moyen de contourner: il y a toujours des «comme», des moyens de comparer sans se mouiller autrement que dans ses propres histoires. Nous-freud nous ne nous prenons les doigts qu'à la psychanalyse pour en finir avec ce dangereux inconscient qui par mégarde s'est dé-couvert (en) (à) nous. Nous qui ne sommes pas un penseur, avoir à penser l'Etre comme Inconscient, trop de responsabilité. Restons médecin et trouvons vite des garde-fous. L'inconscient est dans le temple et nous-freud, allons contourner le temple. Contourner veut dire n'en pouvoir jamais finir avec ce comment donc celui qui est l'inspiration du temple prend sa matière-textuelle, comment il la porte à stase (zustande bringt) s'arrête aussi pour l'empoigner, la saisir et ce pour nous é-mouvoir (Er-regen) ? Comment il. c'est-à-dire la question de son « effectivité » à nous é-mouvoir.

  Nous é-mouvoir, soit nous porter dans le mouvement d'un « savoir » dont nous n'avons pas le savoir, normalement, l'inconscient. Mais on sait qu'avec nous-freud il faut se méfier, car souvent, sous couvert d'une formation de l'inconscient, il fait le coup du Père François à l'inconscient, il le jugule, il en fait une région alors que l'inconscient « est proprement dispersant »... (le temple sans portes, ni murs... donc... le dé-cèle...). Le proprement dispersant de l'inconscient est indiqué, peut-être lu derrière/en avant de ce qui, sous couvert de pathologie, se dessine d'une syntaxe du rêve dans la Traumdeutung, du « Witz » et des  para-praxis (nous nommons là le célèbre Triptyque. ) Il ne faudrait pas croire, cependant, qu'une lecture de Freud s'y limita ,par imitation... Est indiqué, et le demeurera, tant que l'on persistera à ne lire que des histoires de cas de cul, tant qu'on marchera à l'un-freud génitalisé et capitalisé, le bon travailleur-freud. Avec Marx, Freud est un bon travailleur et personne n'est dupe que ce soit du côté des freudo-marxistes ou des partisans féroces de l'un OU de l'autre. Nous (c'est-à-dire moi) lisons le texte-freud avec l'inconscient; il n'existe pas de littéralité freudienne, pas plus que de texte-même. Mais revenons donc, si nous nous sommes jamais éloignés de la question du nous-freud s'interrogeant sur le comment le Dichter prend sa matière textuelle, comment il la porte à stases (zustande bringt), s'arrête pour l'empoigner, la saisir, afin de faire monter devant nous, en appelant (hervorgerufen) des é-motions (Er-regungen). Comment encore dans le « comment » nous-freud cernons la vérité effective, l'effectivité - efficace (Wirklichkeit) de la Dichtung. Et il n'est pas trop risqué d'entendre cette Wirklichkeit dans la Gradiva de Jensen autour de ce qui se dit des « personnages » ; malgré la remarque « étrangeante » de « notre lecteur » : « Unsere Leser werden gewiss mit Befremden bemerkt haben, dass wir Norbert Hanold und Zoë Bertgang in allen ihren seelischen Ausserungen und Tätigkeiten bisher behandelt haben, als wären sie wirkliche Individuen und nicht Geschöpfe eines Dichters, als wäre der Sinn des Dichters ein absolut durchlässiges, nicht ein brechendes oder trübendes Medium » p. 41, II Kapitel et encore du côté de « Sonst aber, das wollen wir wiederholen, hat uns der Dichter eine vollig korrekte psychiatrische Studie geliefert... » et encore, la régionalisation de la Dichtung ; son domaine; « Die Schilderung des menschlichen Seelenlebens ist ja seine eigentlichste Domäne ; er (der Dichter) war jederzeit der Vorläufer der Wissenschaft und so auch der wissenschaftlichen Psychologie... » p. 43.

  L'écrire, l'écriture sont donc en quelque sorte exclus. L'écriture n'est que l'artifice permettant au « texte » d'être pleinement illustrant, et donc de « conduire » les personnages de « roman » à. être « comme » de vraies-personnes, de vrais individus. Une affaire de rhétorique, ou plutôt de Poétique. Ce qui situe le texte freudien dans la répétition, non pas de la Poétique d'Aristote, qui nous enseigne encore, mais la répétition des fixations spécifiques offertes par un quotidien de commentaires de cette Poétique. Ce qui peut sembler une innovation, si nous sommes obsédés par l’innovation comme le sont en général les « modernistes », cependant, ce sera la tension de Freud à saisir dans le « comment il nous écrit » un « rapport » au fantasme en tant (et autant) qu'il porte soutien (source) aussi la « sublimation ». Mais cela ne retire pas l'insistance dans le « comment », ne doit pas nous aveugler au point de ne voir chez Freud qu'une « théorie du sujet »... C'est à travers la disposition de la matière et non pas à partir et à travers la matière que le Dichter nous porte à nous é-mouvoir d'é-motions dont nous n'avons pas nécessairement la quotidienne capacité (Fähigkeit) de tenir en notre propre. Il y a de la matière qui n'est pas propre (à nous émouvoir) ou plus justement la matière, si elle n'est pas proprement disposée, ne fait pas une «oeuvre d'art», peut-elle, même, faire «texte» ?. La disposition propre est celle que l'on peut entendre à s'y fixer, dans la poétique d'Aristote en tant qu'elle définira pour Freud la Propreté du texte comme texte, pour être «oeuvre » et non pas seulement texte (de maladie, bien évidemment). De toute manière, nous-freud ne seront rien d'autre que des lecteurs, des « profanes ». C'est dire que Freud ne sait pas lire. Car ne sait lire que celui qui « peut » écrire. Mais Freud « peut » écrire en constatant en même temps qu'il n'est pas un Dichter. Il sait donc lire, à la manière d'un Freud, c'est-à-dire avec un REGARD EN COIN. Et l'on connaît la place que l'existentialisme (de Sartre, cf. L'Etre et le Néant, psychanalyse existentielle) et avec lui Lacan, ont su par la suite donner au REGARD: la clarté et l'évidence métaphysique (Cf. à ce sujet Heidegger). Quant à l'Oreille, il faut la disposer dans l'espace de la séance... Le regard en coin est par deux fois nommé dans l'article dont nous nous occupons ici; « das Ich mit der Rolle des Zuschauers », le Je de Freud comme « héros » d'une histoire, d'un roman à bon marché, mais fleuve (18 volumes !) la psychanalyse. Le Je de Freud en tant que psychologie d'individu non créateur nous « ayant habitués » à voir le je dans le rôle de l'en-train-de-regarder dans le rêve diurne avec quoi nous-freud « comparons » (c'est-à-dire ramenons, réduisons) le « texte ». Freud, le lecteur en train de regarder, avec envie, la simplicité du roman bon marché, s'exaspérant du caractère « bigarré » dispersant, morcelé, que « nous offrent les caractères humains dans la réalité ». Le roman bon marché et le rêve diurne, qui accordent cette simplicité enviable qui nous rendent les choses si évidentes, nous laissant tranquille dans cette position de l' « en-train-de-regarder ». Regarder ce qui se passe en sachant bien que ce qui se passe « réalise nos désirs » - à savoir que dans le roman à bon marché il y a les bons, les méchants, le héros auquel nécessairement le lecteur s'identifie, ce dans un espace clos et achevé... Ici « réalisation de désirs » signifie seulement la « simple assurance », le texte en tant qu'il réassure, en tant qu'il n'est que texte, même s'il peut laisser de l'Unheimlichkeit transparaître; ce n'est que de la littérature ! ouf il était temps. (Voilà ce que nous appelons ici réalisation des désirs.) De ce point de vue d'un Je-Freud en train de regarder (lecteur, spectateur, car le spectacle constitue aussi un ancrage du texte sous le couvert du  Spielen) une position se dessine au passage, « wie in vieler Altarbildern in einer Ecke das Bildnis des Stifters sichtbar ist ». Quelque chose est caché en coin dans le tableau. Ici, dans cet article, c'est la Dame - de l'amour courtois - qui se lit comme celle pour qui le héros travaille à être héros, c'est-à-dire accomplit des exploits. Dans un autre article, le donateur au coin du « tableau » en tant qu'il se fait présenter, illustre ce qui est incompatible avec les conditions de la psychanalyse. Dans ce même article qui n'est rien d'autre que celui que nous trouvons dans nos chers Collected Papers titré « Homosexuality in a woman », nous trouvons encore ces deux figures

  « ...the first passionate adoration of a youth for a celebrated actress whom he regards as far above him, to whom be scarcely dares lift his bashful eyes » (CP II p. 218), and : « Once when l expounded to her a specially important part of the theory, one touching her nearly, she replied in an inimitable tone 'How very interesting', as though she were a grande dame being taken over a museum and glancing through her lorgnon at objects to which she was completely indifferent » (CP II p. 221).

  L’œil de l'amour courtois et l’œil discourtois envers la théorie analytique... Ayons cet œil double à l'oeil jusqu'où il crève les yeux : l'Oedipe crève les yeux et Freud met une chape sur l'inconscient comme il fabrique cette silencieuse patiente homosexuelle; une femme et qui plus est homosexuelle! Il était impossible de relater ce qu'elle pouvait dire d'autre, qu'en coin, noter et montrer combien Freud en son coin tremble; pas de transfert, je ne suis pas le père, je ne suis pas (je ne veux pas être la mère) alors seulement ceci: HOW VERY INTERESTING ! dit-elle, lui tendant deux doigts pointés vers ses deux yeux, prête à les lui enfoncer au bon moment; ça crève les yeux, que tu trembles, le transfert marche trop bien, il ne marche pas, rien ne va plus et Freud dévoile une vérité (de son être) qui n'est pas (comme on a trop tendance à le faire)limité à ce cas: le fameux en tant que je suis la psychanalyse « it (the psycho-analytical work) leaves THE REST to biological research ».

Et là toutes 1es adaptations, corrections de Lacan ne peuvent pas grand chose ; Freud aussi travaille à améliorer la race avec le modèle parfait du biologiste, le biologiste nazi. Mais certes il ne travaille pas dans le même sens. C'est avec de Bons Sentiments que Freud veut améliorer la race des « bons travailleurs », Pas d'immondes tortures, pas de camisole de force, mais simplement un dispositif d'encadrement des pulsions.
Un tableau : un divan. Derrière le divan et en coin un fauteuil, l'envers du décor ou quant au « reste » :

HE LEAVES IT 
TO THE BIOLOGICAL RESEARCH !

« ...wie in vieler Altarbildern in einer Ecke das Bildnis des Stifters sichtbar ist » et les prémisses : « nous-freud profanes s'interrogeant sur le comment le Dichter prend sa matière textuelle, comment il la porte à stases, s'arrête pour l'empoigner, la saisir, afin de faire remonter vers nous des é-motions où il dé-cèle l'effectivité-efficace de la Dichtung jusqu'à la conclusion :

« you will remember that we said the day-dreamer hid (verbirgt) his phantasies carefully from the other people because he had reason to be ashamed of them. I may now add that even if he were to communicate,

(mitteilen: mit-teilen « partager » ou démembrer, diviser, avec, ensemble...) them to us, he would give us no pleasure by his disclosures (Enthüllung). When we hear (erfahren : expérimenter, faire l'expérience)

such phantasies they repel us or at least leave us cold

(le texte allemand dit plutôt quelque chose comme demeureront hautement froids auprès d'elles). But when a man of literary talent (Dichter) presents (vorspielt, plutôt to perform) his plays (seine Spiele) or relates (erzählt: raconte) what we take to be his personal day-dreams. we experience (empfinden) great pleasure arising probably from many sources. How the writer (Dichter) accomplishes this is his innermost secret (le texte allemand: ce que le Dichter porte à stase (das zustande bringt) c'est son propre secret (avec tout ce que Ge-heim-nis peut comporter de plus « constructif » ) ; the essential ars poetica lies in the technique by which our feeling of repulsion (Abstossung) is overcome (in der Technik der Uberwindung jener Abstossung) and this has certainly to do with those barriers (Schranken) erected (erheben) between every individual being (Ich) and all the others (und den Anderen) (chaque “je” dans son unicité et les autre) et son extrémité: The writer softens the egotistical character of the day-dream by (durch, à travers) changes (Abanderungen : corrections) and disguises (Verhüllungen: Envelop- pement en anglais serait à situer de « embroidered...)

  LE REGARD EN COIN: Perhaps much that brings about this result consists in the writer's putting us into a position (in den Stand setzt) in which we can enjoy without reproach (Vorwurf, reproche à entendre avec Entwurf : projet, Verwurf; déjet...).

  Le comment il nous écrit consisterait donc dans le comment il nous posture en un coin proprement rassurant, nous pose en lecteurs voyeurs, incapables d’écrire… 

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