Sprache
Wann werden Wörter
wieder Wort ?
Wann weilt der Wind weisender Wende ?
Wenn die Worte, ferne Spende,
sagen - nicht bedeuten durch bezeichnen -
wenn sie zeigend tragen
an den Ort uralter Eignis,
-Sterbliche eignend dem Brauch -
wohin Gelaut der Stille ruft,
wo Früh-Gedachtes der Be-Stimmung
sich fügsam klar entgegenstuft.
Martin Heidegger (1972) |
Langue
Quand les mots se feront-ils
de nouveau parole ?
Quand le vent sera-t-illevé d'un tournant dans le signe ? Lorsque
les paroles, lointaine largesse,
diront -
sans qualifier pour donner sens -
lorsque montrant elles mèneront au lieu d'immémoriale convenance,
-rendant les mortels à l'Usage convenant -
là où le choeur du silence appelle,
où le matin de la pensée, vers l'unisson,
en docile clarté se hausse.
traduction Roger Munier |
Temps
Quelle ampleur ?
Ce n'est que lorsqu'elle cesse de battre, l'horloge,
le va et vient du pendule,
que tu entends: elle va, elle allait
et ne va plus.
Déjà tard dans le jour, l'horloge,
rien que pâle sillage vers le temps ;
lui, à l'orée de la finitude,
c'est à partir d'elle qu'il s'en vient.
Chemins
Chemins,
chemins de la pensée; ils vont d'eux-mêmes,
ils s'échappent. Quand donc amorcent-ils à nouveau le dégageant la vue
sur quoi
?
[tournant,
Chemins allant d'eux-mêmes,
jadis ouverts, soudain refermés,
plus tard. Montrant de l'antérieur,
jamais atteint, voué au non-dit -
relâchant les pas
à partir de l'accord d'un fiable destin.
Et à nouveau presse
une ombre incertaine
dans la lumière qui tarde.
Signes
Plus ils sont importuns, les planificateurs,
plus la vie commune perd la mesure.
Plus rares ceux qui pensent,
plus solitaires les poètes.
Plus oppressés ceux qui entendent,
pressentant le lointain
de la salve des signes.
Site
A ceux qui pensent le Même
dans la richesse de son être-même,
dure est la longueur des chemins
qui vont au toujours plus uni, au simple -
dans l'inaccessible,
il renonce à se dire, son site.
Cézanne
Il donne à penser, le repos de la figure, tranquille
dans l'ouvert, du vieux jardinier Vallier,
lui qui cultivait l'inapparent tout au long
du chemin des Lauves.
Dans l'oeuvre tardive du peintre, la différence
de ce qui vient dans la présence et de la présence
[ elle-même
s'unifie en simplicité, elle est « réalisée » et
simultanément remise à elle-même,
transfigurée en identité d'énigme.
Un sentier s'ouvre-t-il ici, qui mènerait à une commune présence du
poème et de la pensée ?
Prélude
Laisse le dire d'une pensée, s'il s'expose
au Jeu lui-même, en paix dans le calme
de sa rigueur.
Ainsi quelques-uns, maintenus dans l'épreuve
du feu, sauront-ils -rarement alors - oser pour
des chants possibles aux seuls poètes
un pauvre prélude, si longuement
inentendu.
Ils diffèrent, chants et pensées, jaillissant
d'un unique rameau :
rendre grâce des signes soudains
que dans l'obscur la source destine.
Reconnaissance
Rendre grâce: se laisser dire que tout a place dans
l'éclair qui en use, le remettant à soi.
Quelle ampleur, le chemin avant ce site, depuis lequel
la pensée, selon le rythme, peut lever pensée contre elle-même, afin de
sauver ainsi
la réserve de sa pauvreté.
Mais le pauvre, c'est sereinement qu'il sauve son peu.
De ce peu, ce qui, sans parole, lègue sa puissance,
il le garde grand en mémoire :
Dire l'Alêtheia comme: la clairière
:
Déclore permis de s'échapper.
Traduit par Jean Beaufret et François
Fédier. |
Il peut être lu (ou bien chanté version Karl Orff) devant un défilé de
peinture de Cézanne, comme Hölderlin retrouve la Grèce à Bordeaux,
Heidegger la retrouve plus proche que dans son voyage des années 60 dans
les paysages de Cézanne et encore chez René Char en Provence.
La caméra pourra se rendre à la Sorgue ...
Et l'oeil découvre des objets artisanaux ; la Main de la pensée, la
Lettre Artisanale ...(tu te souviens cette expression tu la trouvais en
essayant l'impossible réconciliation d'une idéologie, Marx (usage /
échange) et SZ, une pensée dans l'acharnement de la Sorbonne occupée
par les étudiants refusant ce joyeux statuts, et cette Sorbonne toujours
et désormais occupée par les sinistres entrepreneurs...)
1. La meule encore Cézanne.
|
3. Et Agrigente de C.D Friedrich.
|
2. Et les souliers de Van Gogh.
|
4. Mais quelle musique ? La musique ignorée rejetée avec Wagner par M.H...
, ou pour entendre toujours et encore un Mozart, un Beethoven ? Non ?
alors Zimmermann. Et une voix qui lit les poèmes de M.H à René Char…
Et pour finir dans une stridence qui est celle noire du final de Die
Soldaten, enfin ce dernier espoir |
René CHAR :
le poème, la pensée.
L’organisation de cette méditation poétique repose sur la
« disposition », la lecture musicale de Pierre Boulez (Le
Marteau sans maître). Les citations des poèmes et textes sont données
à partir de l’édition des œuvres dans la Bibliothèque de la
Pléiade. Une division en 9 parties :
1. Avant l’artisanat furieux : situer René Char
entre des dates qui signifieraient toujours si peu (surtout lorsque l’on
ne croit plus à l’inscription d’un destin dans les Constellations)…
Cet instant, une existence, compris entre ces dates muettes 14 juin 1907
(aux « Névons »), 19 février 1988, 13h 45 (au Val de
Grâce, à Paris).
Situer Char « à côté » du surréalisme et près d’un
Paysage « la Fontaine de Vaucluse », (qui n’évoquera pas
gratuitement, ici accotés, les Canzoniere de Pétrarque, le Maquis de
la Résistance). Char, en aucun cas, réductible au surréalisme,
une méthode (un autre discours de la méthode) mais avec ses alliés
substantiels dans la recherche de la base et du sommet – de l’existence…
2. Commentaire 1 de « Bourreaux de solitude » :
Char inimitable, préhensible à côté du surréalisme mais dans la
proximité de ces alliés radicaux, proche de Héraclite ( lire in
Œuvres pp. 720-21), de l’homme héraclitéen (dans le sens donné par
Ludwig Binswanger), de Hölderlin… La rencontre avec Heidegger n’est
alors pas fortuite et à elle seule, disculpe, sans controverse
possible, ce dernier des accusations de « nazisme »… Lire
dans les Œuvres pp. 734-735 « Réponses interrogatives à une
question de Martin Heidegger » et l’étude de Jean Beaufret
« l’entretien sous le marronnier » pp. 1137-43.
3. L’artisanat furieux :
Le roulotte rouge au bord du clou
Et cadavre dans le panier
Et chevaux de labours dans le fer à cheval
Je rêve la tête sur la pointe de mon couteau le Pérou.
Œuvres, p. 26. accotement au surréalisme, la structure musicale de
Boulez donne une autre piste qui n’est pas nécessairement calcul sans
imagination. Bien au contraire.
4. Commentaire 2 de « Bourreaux de solitude »
Lecture de CONFRONTS pp. 38-39 :
« Dans le juste milieu de la roche et du sable de l’eau
et du feu des cris et du silence universels.
Parfait comme l’or
Le spectacle de ciment de la Beauté clouée
Chantage.
( …)
Mais voici le progrès… (…)
Au chevet de la violence dilapidé
Dans l’animation de l’amour
Lorsqu’elle passera devant le soleil
peut-être le dernier simple incarnera la lumière.
5. Bel édifice et les pressentiments (version première)
J’entends marcher dans mes jambes
La mer morte vagues par-dessus tête
Enfant la jetée-promenade sauvage
Homme l’illusion imitée
Des yeux purs dans les bois
Cherchent en pleurant la tête habitable.
6. Bourreaux de solitude
Le pas s’est éloigné le marcheur s’est tu
Sur le cadran de l’Imitation
Le Balancier lance sa charge de granite réflexe.
7. Après l’artisanat furieux :
«Nous sommes, à ce jour plu, près du sinistre que le tocsin
lui-même, c'est pourquoi il est temps de nous composer une santé du
malheur. Dût-elle avoir l'apparence de l'arrogance du miracle. »
(p. 748)
+ « qu’est-ce qui agonise au plus secret de la vie et des
choses, malgré l'espoir matériel grandi et l'aiguillon du verbe humain
?"» (p. 749).
8. Commentaire 3 de « Bourreaux de solitude »
Le souhait, le constat : "Le philosophe... (...) grâce à lui
soudain un dieu non dignitaire se trouve dans les tissus de l'homme
comme un minerai dans l'air. (...)
Le poète fonde sa parole à partir de quelque embrun, d'un refus
vivifiant ou d'un état omnidirectionnel aussitôt digité. (...)
Le physicien devra prendre scrupule qu'il est le bras droit du souverain
très temporaire, obtus et probablement criminel. Ce qu'il modifie ou
transpose ce sont des lois graduées, tenues au secret dans la chair
tractive des hommes. Canon d'extérieur retourné, il tire sur cible
d'âme. (...)
Lequel des trois aménagera l'espace conquis et les terrasses
dévastées ?
Œuvres, p. 745
+ pp. 578-79 : "Les utopies sanglantes du 20ième siècle" ;
"L'hémophilie politique de gens qui se pensent émancipés.
Combien sont épris de l'humanité et non de l'homme ! Pour élever la
première ils abaissent le second. L'égalité compose avec l'agresseur.
C'est sa malédiction. Et notre figure s'en accommode. (...)
"N'incitez pas les mots à faire politique de masse. Le fond de cet
océan dérisoire est pavé des cristaux de notre sang.
Depuis l'opération des totalitarismes nous ne sommes plus liés à
notre moi personnel mais à un moi collectif assassin, assassiné. Le
profit de la mort condamne à vivre sans imaginaire, hors de l'espace
tactile, dans des mélanges avilissants."
9. Bel édifice et les pressentiments - double :
René Char... un chemin, plus qu'une oeuvre...
Pourquoi ce chemin plutôt que cet autre ? Où mène-t-il pour nous
solliciter si fort ? Quels arbres et quels amis sont vivants derrière
l'horizon de ces pierres, dans le lointain miracle de la chaleur ? Nous
sommes venus jusqu'ici car là où nous étions ce n'était plus
possible. On nous tourmentait et on allait nous asservir. Le monde, de
nos jours, est hostile aux Transparents. (...)"
Oeuvres p.803 (le texte cité date de 1949).
En guise d’excuse nous pourrions citer le poème de Jean Sénac ,
« Pardon à René Char » (Œuvres poétiques de J. Sénac,
p. 677).
"Par la beauté l'homme sensible est
conduit à la forme et à la pensée; par la beauté l'homme spirituel est
ramené à la matière et rendu au monde des sens"
Schiller, dix-huitième lettre sur l'éducation esthétique de
l'homme.
"Produire (travailler à selon les
lois de l'utilité, mais que cet utile ne serve à travers tous qu'à la
personne de la poésie. (Valable pour, un, un encore, un ensuite, un tout
seul...
Ah ! s'efforcer ici de n'être pas nouveau - fameux - mais de retoucher au
même fer s'assurer de son regain guérisseur.) L'appétit de
quelques esprits a complètement détraqué l'estomac des hommes. Pourquoi
cette perte de noblesse entre la révélation et la communication ?
Comment l'éviter ?" René Char (O. p. 752)
Je reprends avec René Char dont la présence est encore plus
prégnante aujourd'hui où « Nous sommes plus près du sinistre que
le tocsin lui-même » - comme il l'écrit en 1952 et comme il
prévient (en 1959) les riverains de la Sorgue, combien « L’homme
de l’espace dont c’est le jour natal sera un milliard de fois moins
lumineux (…) que l’homme granité, reclus et recouché de
Lascaux » …
Il y a, ici, Char présent par ces citations, mais il y a, la musique
de Gustav Mahler dont j’aurai aimé donner à entendre ici le rondo
burlesque de sa neuvième symphonie… son chaos organisé, ses
grincements , la montée d’un thème « consolateur »
qui apparaît un instant pour être presque aussitôt réabsorber …
Effondrement, déconstruction… Dérisoire.. On pourrait lire ce que Berg
dit de cette symphonie, puis écouter son concerto pour violon dit
« à la mémoire d’un ange », ses dernières mesures comme
…
Vor uns bleibt
Allerdings
Nur
das
Nichts...
Un Brin de Rien… Ce, dire adieu au monde pour laisser émerger la
Terre ("Monde / Terre" une opposition... un thème mahlerien
..).
Je reprends avec Char et je relie à Hölderlin ; "là où
est le Péril, croît / aussi ce qui sauve" quand cependant et
définitivement nous nous rendons à l’évidence : « L’action
seule ne changera pas le monde, parce que l’être sous l’aspect d’efficacité
et d’activité rend tout étant aveugle en face de ce qui a lieu »
(Martin Heidegger).
Nous ne pensons pas l’essence de l’agir et pour l’homme d’aujourd’hui
penser c’est ne pas agir, c’est être inutile (non productif) – une
inutilité impensable !
C’est pourtant là que ce situerait la Beauté ; dans l’impensable.
Impensable pour l’homme – si c’est un homme – qui se reconnaît
par et pour la science comme n’étant RIEN QUE … rien qu’un
mammifère à peine supérieur (dont atteste la multiplication, sur nos
tristes écrans, des documentaires animaliers !).
retour |