H
(ouellebecq)
P

L
(ovecraft) ou la littéralité du nihilisme européen
H.P Lovecraft's Dream Quest : the disabled mandala or when knowing becomes gnawing…

 

 
« Savoir questionner signifie; savoir attendre, même toute une vie. Toutefois, une époque pour laquelle n'est réel que ce qui va vite et se laisse saisir des deux mains, tient le questionner pour "étranger à la réalité", pour quelque chose qui "ne paie pas". Mais ce n'est pas le chiffre qui est l'essentiel, c'est le temps convenable, c'est-à-dire l'instant convenable et la persévérance convenable » Heidegger, Introduction à la métaphysique. 

« Entre télescope et microscope, c’est là que nous sommes, en mer des tempêtes, au centre de l’écart, arc-boutés, cruels, opposants, hôtes indésirables » 
René Char

« Une science autoritaire, se détache du groupe de ses sœurs modestes et brocarde le prodige de la vie dont elle tire une monnaie de peur. Toujours l’idée avilissant l’objet. Le bête est devenue fabuleuse et spumeuse » 
René Char 

« Dieu l’arrangeur, ne pouvait que faillir. Les dieux, ces beaux agités, uniquement occupés d’eux-mêmes et de leur partenaire danseuse, sont toniques. De féroces rétiaires refluant du premier, mais en relation avec lui, nous gâtent la vue des seconds, les oblitèrent » ibid.

 

 « Tous les pays qui n’ont plus de légende
seront condamnés à mourir de froid…
 » 
Patrice de La Tour du Pin 

La Quête de Kadath, l’Inconnue, malgré la réticence de Lovecraft lui-même mais surtout des critiques qui tiennent surtout au « mythe de Cthulhu » et s’assurent que HPL n’y croyait pas autrement que comme à une fiction (au sens faible du mot).

· Sinon le chef d’œuvre du moins l’œuvre qui permet de circuler dans toute l’œuvre de HPL qui comme toute œuvre n’est pas un processus linéaire mais un développement « en spirale », pas plus qu’une autobiographie « explicative ».

· La Quête de Kadath est l’Aventure de R. Carter qui va rechercher dans la cité inconnue de Kadath les « dieux » pour qu’ils lui révèlent l’emplacement de cette ville merveilleuse du couchant dont il n’a cessé de rêver mais qui lui a échappé…

Quête qui se fait à travers le rêve comme « territoire », espace non-freudien… où se construit un monde alors que le « réel », hors rêve, est immonde…

· Le parcours les « topoi » et l’intra / inter- textualité :
Sa " Dream Quest ", sa quête en rêves, impose d' évidence l'impossibilité de dresser la carte de ses territoires, donc de dessiner un " mandala " et rend en même temps impossible le soutien de sa propre subjectivité qui se " disperse ". Le but de la Quête est « interdit ». Là où devraient se trouver les Dieux se trouvent les Autres Dieux. La Référence Absolue qui rend vivable l'Abîme se révèle comme Abîme. Le monde est inhabitable. L'histoire est " bouclée ". Nouée. La signature n'est plus qu'une griffe monstrueuse.

Lire la Quête de Kadath l’Inconnue c’est lire l’échec spirituel (un mot à distinguer de religieux) du monde moderne (sous la dominance « mono(a)théisme) dans sa littéralité.


L’échec spirituel entièrement contenu dans ce retrait des dieux dont Freud se vante, sans aucun cynisme comme tout bon citoyen épris de la Vérité :

« Dans le cours des siècles, LA science a infligé à l’égoïsme naïf de l’humanité deux graves démentis.

1. La première fois ce fut lorsqu’elle a montré que la terre, loin d’être le centre de l’univers, ne forme qu’une parcelle insignifiante du système cosmique etc.

2. Le second démenti fut infligé à l’humanité par la recherche biologique, lorsqu’elle a réduit à rien les prétentions de l’homme à une place privilégié dans l’ordre de la création, en établissant sa descendance du règne animal etc.

3. Un troisième démenti sera infligé à la mégalomanie humaine par la recherche psychologique qui se propose de montrer au moi qu’il n’est seulement pas maître dans sa propre maison etc.

C’est la « dogmatique industrielle » qui va pouvoir s’installer et poussée jusqu’à ses conclusions nécessaires : la « fin du monde ». Ragnarök.
La Terre et l’Homme sont livrés à la démence sacrée de Fenrir… Même pas ! Ils sont livrés à un « panthéon » de dieux ou plutôt d’entités qui n’ont rien à faire de l’homme quantité négligeable …

La Dream Quest se lira donc comme une Divine Comédie qui ne peut pas aboutir car il n’y a plus de Référent Absolu…Il n’y a pas d’autre Béatrice que la méthode scientifique et ses coups portées à la « réalité humaine ». Même la M. S. C ne peut, malgré ses enseignements, parvenir à l’intensité de l’Initiatrice. Il ne peut y avoir de Vita Nova !

La citation de Freud, motif lancinant d’un mot d’ordre de la société moderne fondée, non sur une métaphysique, mais sur la méthode, nous invite à repenser avec Schopenhauer et Comte – en même temps.

Ce que sans surprise Houellebecq effectue à sa manière et depuis Lovecraft qui est son point de non retour… Lovecraft qui a lu Schopenhauer et qui est un sectateur du darwinisme … N’aurait-il été de fond « dépressif » il aurait entièrement souscrit à l’OBJECTIVISME d’Ayn Rand…

Alors là où se trouvent les dieux, c’est « ses jeux d’enfants » et là où devrait se tenir cette Vérité (Aletheia) de Parménide, se tient le Chaos Rampant, l’ouverture sur l’abîme infini !
Cet abîme s’ouvre plus grand que jamais …

Quand cette quête impossible se pense (philosophiquement) à partir de l’échec de l’idéalisme allemand, la grandeur de sa pensée, son affirmation de la Mission Européenne (Hespérie) à partir du Retour prospectif à la Grèce.

Europe aujourd’hui trahie économiquement de part en part dans sa mission de Bildung !

Lovecraft vit à corps perdu cette finalité : corps perdu car il méprise ce corps qui est confondu avec la stricte physiologie en optant ironiquement pour la conception « puritaine » du monde sans pouvoir l’assumer entièrement. Il l’avoue lui-même. Il est 3 personnes…

"I should describe mine own nature as tripartite, my interests consisting of three parallel and dissociated groups

– (a) Love of the strange and fantastic.

– (b) Love of the abstract truth and of scientific logic.

– (c) Love of the ancient and the permanent.

Sundry combinations of these three strains will probably account for my odd tastes and eccentricities"

Mais après ce moment de lucidité, d’acceptation des contradictions on peut se laisser prendre à cette affirmation, que tous les spécialistes de HPL -fussent-ils du LHP – Lovecraft est avant tout un matérialiste radical, ce qui le conduit à cette évidence « matérielle », l’existence humaine n’a pas de sens.

Mais avant ce matérialisme radical, il y a la revendication du polythéisme, de la Grèce et de la Romanité. Il y a la référence « celtique », là où se trouverait le « culte de la bête blonde » c’est-à-dire justement rien que du darwinisme (l’Angleterre du 18ième … et Victorienne) rien d’authentiquement traditionnel. Et sa défense des « valeurs » occidentales est compensatrices donc vaine quant au fond :

« Amidst this variability, there is only one anchor of fixity we can seize upon as the working pseudo-standard of « values » which we need in order to feel settled and contented – and that anchor is tradition. (…) Tradition means nothing cosmically, but it means everything locally and pragmatically because we have nothing else to shield us from devastating sense of "lostness" in endless time and space"

" We are all meaningless atoms adrift in the void"

Si pour certains cela est la cause d’une exaltation de la volonté (Pulsion, « instinct ») "de transformer la nature" pour l’homme (position exotérique du fascisme) la conclusion de HPL est un «dégoût » pour cette « vie » sans « monde », immonde qui n’est que cette « avancée » de la science… et non l’Existence qui demeure écrasée par cette « Vérité » remplaçant la Référence Absolue…

Comment peut-il alors lutter contre « l’esprit bourgeois » et le « capitalisme » sans Tradition que cette « vérité » qui n’est plus cette « déesse » parménidienne ?

« Bourgeois capitalism gave artistic excellence and sincerity a death blow by enthroning cheap amusement value at the expense of that intrinsic excellence which only cultivated, non-acquisitive persons of assumed position can enjoy…"

HPL a lu des textes de l’hermétisme occidentale mais c’est seulement la littérature scientifique qui lui donne cette satisfaction morbide teinté de nostalgie aristocratique.
Le refus du travail servile, reconnu comme esclavage déguisé.
Mais peut-il y avoir une aristocratie sans « les dieux »… sans la Référence Absolue ?

Sans la Référence Absolue, il n’y a que « cancer » et psychopathes.

Il y a la dérision provocatrice qui ne doit s’entendre qu’à partir d’une revendication : le retour des dieux !

Les dieux refoulés réapparaissent sous la forme du noyau archétypique des complexes symptomatiques.

1. la relation entre Dionysos et l’hystérie

2. et les aspects paranoïdes de la dépression

3. Hermès et Mercure et ce que nous appelons le comportement schizoïde

4. la nature de Pan, à la fois satyre, bouc et phallus, permet de réunir la peur panique et les aspects érotiques du cauchemar en une seule figure…

Pan & le cauchemar, James Hillman, éditions Imago.

Lire Houellebecq, les particules, les hôtes indésirables dans cette prospective c’est faire face à la littéralité « corporelle », d’une société de « psychopathe » retrancher derrière la science qui est la seule science. On peut certes, comme B. Sichère (dont nous reparlerons la prochaine fois pour la Fête de la Pensée) : « plutôt que de pousser les cris indignés de l’humanisme moralisateur, émettre ce rire grinçant de la fable qui termine Les particules élémentaires  : l’homme est désormais celui qui a décidé de maîtriser sans limites l’homme comme capital biologique, de constituer des banques de sperme, de faire naître des enfants in vitro et de sélectionner les embryons les plus performants au nom de l’eugénisme, toutes données pour lesquelles les médecins nazis ont été manifestement l’avant-garde, préludant à ce modernisme dont s’émerveillent chaque matin les sots » (Seul un dieu, p 241).

Mais de fait le « love devenant craft » est bien ce terrible amour christique qui « interdit » le corps tout en crucifiant l’âme sur le mensonge de son éternité.

La soit disant révolution sexuelle n’est rien d’autre que le mépris du corps (Leib) prôné par le monothéisme mis en acte réduit au Körper, Love devient un making, une machination…

C’est ce que met en relief l’écriture de M. Houellebecq avec Bruno qui se branle englué dans cet ennui qui s’ignore et qui se lit dans les yeux de l’animal rationnel de Michel qui se fait ses fixes de science… dans une parfaite gémellité ! démontrant une fois de trop la « vanité » des vanités, la buée de buée de la réalité humaine ne sortant plus ainsi du débilitant christianisme (qui a infecté toutes les religions en se posant comme « catholique » et « cathodique » par le tube…) par la science, on y rentre radicalement pour mépriser cette Terre et l’Homme Configurateur de Monde ! Ainsi sommes nous inviter 

OU BIEN à un Retournement Natal OU BIEN à accepter la disparition pure et simple de ce qui fut, un Temps (rétrospectif et prospectif) l’ANTHROPOS
à accepter la dissolution, le (maha) Pralaya ?

Sur HP Lovecraft : 3 indispensables

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