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« la mort accomplit un fulgurant montage de notre vie (…)
Ce n’est que grâce à la mort que notre vie nous sert à nous exprimer »
Pasolini, l’expérience hérétique
L’amère mort n’est pas un texte spontané. Il n’y a pas de spontanéité lorsqu’on a travaillé (été travaillé par) du Texte depuis l’âge de raison pour n’être (naître) capable d’autre chose qu’écrire, s’écrire dans une langue propre entre la langue commune, le Français, cette langue que me donna cette naissance purement contingente, à Paris dans une famille d’en France, bien d’en France, ce pays déjà en chute libre pour lequel je n’ai jamais éprouvé de sympathie particulière (moins d’antipathie depuis cette longue immersion en Amérique, à NY). Une certitude : j’ai depuis l’enfance haïs m’envelopper de son drapeau pour chanter la Marseillaise. Ça m’était plus répugnant que la messe où je n’allais pas. Je n’étais pas Marthe Chenal, ni pour sombrer dans le grotesque, Jessie Norman. Le bleu blanc rouge ne me va pas au teint. Dans le blanc je m’en lyse, le rouge, mon sang pour mon suicide, le bleu je t’aime mélancolie. Je sépare bien. Il y va de ma peau, pas d’un drapeau. L’amère mort ne m’envoie pas en guerre. J’écris de la mort injustifiée. La guerre fait des héros. La mort mort c’est zéro. Le parfait zéro qui n’est donc pas un élément du calcul. La mort mort c’est le but de la vie comme vie. Et la vie je ne l’ai jamais aimée. Elle force à vivre c’est tout, à rien. Des gargouillis de boyaux, de la tuyauterie caoutchouteuse, élastique et puis flasque, et puis de la pourriture. La vie c’est laid. Ça me dégoûte. Elle force à vivre, pousse à la mort. Elle pousse à vivre. Elle trouve toujours quelque chose pour vous retenir dans son merdier, un coup de bonheur ou une rémission passagère, toujours relapse. C’est un pousse à la mort auquel certains répondront d’un pousse à jouir, à en jouir. Jouir à en crever. C’est l’art des bons vivants, d’autres par des exploits, des recors (recours à la mort défiée – ridicule ?). le recors refait, retape un temps du corps et puis le sportif, comme tout autre, crève dans la vie. L’amère mort c’est ça un démêlé avec la vie comme vie qui nous rattrape toujours même lorsqu’on a tout fait pour exister - pour sortir de ça ; la vie !
L’amère mort se présente d’abord comme le journal témoin d’une agonie, celle de la mère et puis d’un deuil, celui du fils, unique. C’est le danger d’une première lecture. Mais si le titre contient la mère, la parturiente (j’ai choisi la gravure d’Alfred Kubin pour couverture de mon livre) c’est aussi la mer océane. C’est encore tout autre chose. L’amère n’est pas qu’un goût, c’est un dégoût que marque ici le « a » considéré, ici, comme privatif ; la mort qui ne vous prive de rien mais qui est le but de la vie. Elle vous bute. Trop tard si elle vous rebute pour vous en sortir, pour vous sortir de ce but, rien à faire. De bonnes affaires ne changeront rien. Avec la vie on est toujours perdant.
Je n’ai pas perdu un instant de cette vie pour en accuser les traits, la saloperie, la laideur, les infinies modulations de la vie. J’ai cependant tenté d’en exister - d’en sortir. C’est râpé, l’age le prouve. J’ai essayé d’en sortir et de fonder autre chose. J’aurai dit par l’art si nous étions encore un peu humain, un peu moins bourgeois, toujours jusqu’à dans nos révolutions Bolchoï mao tonton, toujours plus ça ; du dix-neuvième siècle à travers les ages. J’aurai parlé de l’art comme Baudelaire, mais comme nous sommes les cyborgs du meilleur des mondes que le cher Huxley prisait tant (qu’on ne me dise pas le contraire), l’art c’est impensable. J’ai même l’impression que c’est un peu comme lorsqu’on parle de mythes c’est toujours celui de Rosenberg dont on vous accuse. Art Aryen. Alors quoi ? NO EXIT ?! Final exit !
Je n’ai pas perdu ces instants de vie boyaux, de vie manger, de vie péter, de vie chier pour avoir à rechercher du temps perdu. Le temps appartient à cette tuyauterie, il ne perd pas un seul instant pour grignoter, vous grignoter, le ver temps !
C’est certain qu’en assistant (direz vous, oedipianistes) ma mère dans une sorte d’agonie suspendue et de coma relatif (aux éclairs de conscience, lucides, terribles : contre le monde, contre la vie) j’ai appris à ne pas trouver la vie autre que ça. Détrompez vous, oedipianistes, ce n’est pas de ça que j’ai appris ce qu’était la vie comme vie, mais de la vie-même et de son sacré but ; la mort ! La mort qui m’a été donné en héritage.
L’amère mort. Ça ne s’appelait pas comme ça, ce livre au départ quand j’ai commencé de l’écrire c’est-à-dire bien longtemps avant que l’histoire commence, ces mois où ma pauvre mère a été kidnappée par la médecine pour qu’elle reste dans la vie comme vie dans ça, qu’elle n’ai plus même le droit d’exister dans son délire qui la sauvait. Pourquoi croyez vous que vieux on oublie, on invente, on brode, on fabule, on délire ? Et bien pas pour autre chose que tenter UNE DERNIÈRE FOIS L’IMPOSSIBLE : EXISTER ! La mémoire c’est l’horreur ! Nous forcer à se souvenir des routines, des travaux et des jours, c’est l’horreur ! Vouloir confondre information et connaissance, savoir et comprendre, c’est l’erreur que l’on commet en reglissant lentement – mais sûrement - vers l’animal. Par les xénogreffes ? Non ! par la bêtise appropriée à ce mode nouveau d’absence incroyable de la Parole, du langage, Une absence obnubilée par les images que l’on a créées, nos fantômes, des vampires peu poétiques pour des vraies nuits de morts vivants. Mais là encore pas de surprise c’est la vie comme vie qui toujours revient comme dans la chanson de Freud « wo es war soll Ich werden ». Chanson que n’a pas détrôné la plus heureuse ritournelle de Heidegger « Es gibt : das Seyn ! » Mais l’être repensé ne vaut pas plus que sunyata de tatagata gaga bouddha baba ! C’est-à-dire pas plus que des vagissements de nourrissons ; ça – ça la vie à laquelle on sourit tandis qu’on secoue le cocotier pour que le vieux tombe.
A cette version art premier correspond celle art dernier, l’hosto ! Ma mère à l’hôpital, des mois durant ne m’a pas appris ça. Mais ça a fait que, pendant un temps donné, l’amère mort s’appelait « fragments d’un discours de deuil ». D’abord parce que je pensais beaucoup à Roland Barthes, son rapport à la mère – amère ? non lucide. C’est cette lucidité qui l’a suicidé. Qui lui a donné la possibilité d’être renversé en sortant du Flore par une camionnette (avec certainement à bord un jeune homme bien bandant) et de ne pas avoir envi de s’en remettre. Lorsqu’enfin on a compris que la vie n’a aucun sens – que Du Sens n’appartient pas à la vie – je crois qu’on a plus besoin de se suicider, qu’on est suicidé, jeté dans la vie, son but sublime (mais pas Beau), la mort !
L’amère mort c’était un titre qui contrasterait avec « Une mort si douce » où la grande flouée se débat avec son existentialisme biologique qui à travers chaque malaise, chaque maladie cherche non le sens (impossible) des maladies mais fait le panégyrique de la science et de sa volonté de savoir que nous sommes « rien que ça » mais que nous progressons malgré ça. Que nous progressons sur place dans la mort.
L’amère mort. Pour l’anecdote, trottait dans ma tête mélancolique un jeu de
mot banal sur le titre de l’opéra de Donizetti « Lucie de la mère morte »
L’amère mort, c’était aussi en contrepoint à « la maladie de la mort » de Duras. Je ne me souviens que du titre, de quoi parle ce livre ? Mais de Duras morte, je ne peux plus admettre, alors que Yann Andréa crie son nom d’emprunt dans le marais désert, ce qu’elle a écrit sur Barthes pour crier, elle et ses femmes, que seule l’hétérosexualité … et puis, merde ! qu’est-ce que c’est que cette chose là, la sexualité ? Il n’y a qu’écritures et/ou fantasmes – d’un phantasme…
Rien qu’au titre, aux recherches de titre, vous voyez, rien de spontané. Je travaille contre la vie. Pour commencer, recommencer toujours dans le Texte qui n’a pas de commencement. Cet « amère mort », c’est la mort qui nous rappelle dans le Texte. La mort qui essaye de se faire belle. Mais je ne peux pas bander pour elle, alors.
Le Texte. Du Texte, je ne peux être l’enfant, ni le père, ni la mère. Pas de transmission génétique. Écrire, c’est une grève de la génération. Comme tout écrivain, je n’enfante rien. Dans un sens particulier : il y a stérilité. Un livre – heureusement – n’est pas un enfant. C’est une histoire d’amour. L’enfant, non. Après on peut se persuader qu’on l’aime, mais ce n’est pas une histoire d’amour à moins que l’inceste à la clef… Mais pas une histoire d’amour. Les grands amants de l’histoire, disons plutôt de la littérature (l’histoire c’est pour justifier la vie, c’est une forme d’hystérie) n’ont pas d’enfant. Schopenhauer a écrit de très belles pages là-dessus – et sur tant d’autres choses. Cioran n’en est pas revenu, il l’a repris en style magnifique, aphorismes, fragments. Quand on est lucide, on ne peut qu’être schopenhauerien. Lucide et cynique. Moi aussi si mon appartement avait une position stratégique pour la police, pour tirer sur cette jeunesse (relative) qu’on ne peut, ni ne doit aimer, je lui ouvrirais grande ma porte ! Bon, si vous faites attention, vous comprendrez que là encore c’est le texte qui agit c’est l’intertextualité : ni faits, ni document. Appel du Texte. Du texte d’où je (re)commence par cette « amère mort » à écrire ce que j’écris, depuis que j’écrit, c’est-à-dire depuis toujours, depuis la seule chose que je sais faire, qui m’a entrepris, missionné – grève générale - contre la vie, qui m’ait fait risquer d’exister, d’en sortir, de m’accorder de moi-même, mon propre daïmon, mon séjour.
Mais, bon c’est râpé, raté, moi aussi je suis floué, récupéré par la vie, par la vieillesse, la vie .
Et pourtant dans le Texte, il se passe bien quelque chose qui dépasse ça. Et cet écrit là est le « fruit » de tout ce travail d’écriture qui m’entraîne d’Opéra (1972-73) - écrit matrice, bien que « résiduel » par rapport à un autre écrit perdu – jusqu’à Concerto de chambre (1999) pour finir par mon Ane Yversaire poursuivre jusqu’ici et par-delà, posthume.
C’est de ce parcours que s’impossibilise, dépassée, toute spontanéité (dont l’impression à la lecture peut être tenace du à l’organisation apparente en journées de cet écrit amère) même dans la tentative de s’arranger cette part « possible », cet asile, qui finalement n’octroie que pouvoir ex-ister ma mort !
En être surpris serait être niais. Car d’abord comment pourrait-il y avoir de spontanéité alors qu’il n’y a déjà à peine de liberté, intérieure c’est-à-dire indémontrable, démontable.
Les dés lancés (un coup tiré fut-il d’amour une salve) il n’y a de « liberté » qu’un enchaînement réactif – acausal – dans le chaos !
Les termes pourront étonner, ceux qui s’enroulent encore – malgré les défis qui lui sont lancés - dans le trinitaire drapeau où au couleurs défraîchies répond le martèlement du savoureux triple mensonge : liberté, égalité, fraternité. Les termes étonneront tout autant ceux qui par goût de la tyrannie proclament un éternel jugement de dieu en trois plis ou replié en l’1 seul – aux dieux laissons le crépuscule, hélas !
Cette amertume à mort ne s’écrit donc pas qu’à la mère quant à l’amour il n’y est qu’affaire de mensonges ou d’enjolivures à mort – cet asile, ce séjour, cet imaginal improbable.
Il ne s’écrit pas pour amerrir sur les rives de l’Hadès, ni ne prétend plus avoir été inspiré par quelque Béatrice même si je projette (ou justement parce que j’ai esquissé un tel projet) une Divine… Tragédie :
1) EN FAIRE ; le métabolisme, les boyaux ,
2) LA PURGE ; le système rythmique, la pompe cardiaque
3) PARADE ; le système neurosensoriel, l’encéphale.
Quelque chose comme ça, une valse à 3 temps, la vie ! La vie, telle qu’elle prend sa revanche contre l’existence grâce à la biologie, la génétique et toute la paraphernalia scientifique, technique. Plus de mythe rien que l’impossible : le réel !
Cette amère mort s’écrit de la vie vers l’existence, de l’existence à la vie : sauvé des eaux, réduit en os. C’est le parcours d’une écriture, d’une situation dans le Texte.
Opéra, texte que je date de 1972 était déjà un recommencement plus qu’une répétition d’un geste entamé par des projets de théâtre expérimental, par des poèmes Beat ou surréalistes. On ne saura jamais car les Beat comme les surréalistes se renvoyèrent la balle (la gardai-je alors dans mon camp ?). Toujours est-il que Xavière G. m’invita à en lire des passages (puisque Roland Barthes y avait reconnu un « écrit de jouissance, non de plaisir » elle m’avait aussitôt interviewé sur mes « perversions » qu’elle délivra avec d’autres dans un ouvrage dont j’ignore à jamais le titre) mais fut fort choquée de la performance que je fis dans son UER d’esthétique : à chaque page tournée, montrant une boite de lessive, un emballage de produits alimentaires, un paquet de cigarettes prenant la mine d’un speaker de télévision, je scandais «grâce à la marque (x) vous avez pu entendre cette page fabuleuse». Xavière fut très colère. Mais qu’est donc Opéra ? Un texte expérimental ? D’abord la déconstruction d’un texte que n’écrivait pas ma vie. La vie, par principe, ne sait pas écrire. Un style hachuré répondant à la musique de Berio mais totalement immergé dans celle de Wagner, tenté par la Beat mais repris par le romantisme allemand, voulant être un Hyperion. Opéra ? Compenser ma carence de connaissances en technique musicale en attaquant la langue avec la violence nécessaire. Opéra s’écrit parallèlement à mon mémoire sur la Tétralogie de Wagner. Ce mémoire isole 6 fonctions dont une résolutive ; 1)Versagung, 2) Verträgen, 3) Verfluchen, 4) Sorgen, 5) Lieben, 6) (Spannung/lösung) Erlösen, lesquelles définissent les conditions de possibilités des ensembles de " melodic moments of feeling " (Stimmungen), et toute l'organisation des livrets, du Hollandais Volant à Parsifal. Projet ambitieux, mémoire partiel et controversé d’autant que je soulignais la dimension philosophique et poétique de l’œuvre wagnérienne à travers la structure que je mettais en avant ; un pentagramme centré. Peut-être pire, j’affirmais que cette structure sauvait Wagner de l’emprise politique, qu’il n’y avait plus aucune raison de revenir là-dessus. C’était aller trop loin.
Avec Répliques (ou Vestiges) qui suit Opéra de peu, il y a comme une accalmie. Ce serait presque un roman classique s’il n’y avait cette absence de caractères campés, de descriptions déductibles d’un réel supposé « en masse ». Les 4 chapitres alternant :
1) première histoire ; un couple moderne (référence implicite à l’opéra de
Schönberg
« Von heute bis Morgen » - une scène de ménage),
2) premier dialogue sur le dé-corps homo
3) deuxième histoire ; la petite schizophrène
4) deuxième dialogue sur le dé-corps homo.
Des extraits de ces 2 dialogues parurent plus tard dans Libération sous un titre idiot souligné de dessins festifs. Cela n’arrangea rien. Donné à lire à « l’avant-garde » ce texte n’a pas plu. C’était avant India Song de Duras, avant que je découvre Lol. V. Stein. Avant que l’intelligentsia n’eut reconnu, unanime, la beauté de l’ennui. Répliques, Vestiges une installation de l’ennui ?
Avec Parthénide ou l’héroïque Invisible (autobiographie poétique ?) commencé en 1983 alors que j’essaye de vivre à New York, ressaisit mon passé, reprend racines, et tente de me construire un « avenir radieux ». Mais déjà, le titre ne vaut-il pour explication ? Parthénide, né de lui-même. Parthénide ; héros invisible aux autres, ces autres qui sont nés dans leurs diplômes, leurs carrières dans des familles qui les ont contraints ainsi, formés.
La disposition en 12 chapitres correspondant à la structure zodiacale (ou mandala)
Première partie : (soit les maisons 1 vs 7, 2 vs 8)
Chapitre 1 – Le corps du héros,
chapitre 2 – le héros et ses associations,
chapitre 3 – Habiter & construire – les lieux du héros,
chapitre 4 – politique de l’invisible
Deuxième partie : (soit les maisons 3 vs 9, 4 vs 10)
chapitre 5 – le compte et l’innée, les acquisitions du héros,
chapitre 6 – Le don du héros,
chapitre 7 – l’amour et le poème,
chapitre 8 – Amitiés héroïques
Troisième partie : ( soit maisons 5 vs 11, 6 vs 12)
chapitre 9 – Intelligence et Comport,
chapitre 10 – Voyage initiatique,
chapitre 11 – le travail de la vie,
chapitre 12 – l’épreuve
Cette disposition valu à ce Parthénide d’être lu (et plébiscité) par des éditeurs ésotérisants qui sous le titre de « Horoscopie » avec des aménagements, des interprétations astrologiques développés l’auraient bien vue paraître dans leur « espace bleu ». Ce qui les gênaient c’était la brièveté des chapitres, les phrases extrêmement courtes, la poétique même surtout le ton héraclitéen d’un combat mené contre la vie, l’exaltation d’une seule « spiritualité » possible ; l’art lyrique à corps (sans âme). L’avenir annoncé, radieux était donc improbable. Ce que confirmait ma Demeure du Serpent.
La demeure du serpent (avec illustrations en noir et blanc) est explicitement l’odyssée des « NO FUTURE », c’est un recueil de poèmes (mot écueil lorsqu’on entend des airs d’Eluard et autres Aragon). Le « fouture » c’est ce qui empêche d’exister, alors il ne peut pas y en avoir. Si on prête attention il y aurait là, il y a une touche « optimiste ». Si on balance le « fouture » il y a quelque chance d’être saisi par l’existence, d’être dans le Texte. C’est pourquoi je ne peux être « punk » (malgré tout mon désir pour les petites gueules de punk) car les punks sont hors texte, dans la vie, à leur manière ils agissent, ils sont, pour être plus exact, dans la production d’anti-production. C’est aussi un business d’être punk. Comme il n’y a pas de hasard, que des chaos qui s’organisent, rien d’étonnant à ce que cette Demeure se situe juste après que j’ai quitté mon désespoir sans traité : l’Amérique ! New York !
Ce qui ne veut pas dire que depuis 1987 ( ?) je ne sois pas retourné à New York, non ! d’ailleurs mon « roman » américain s’intitule Mary Proctor ou l’Amérique on y repassera . J’y repasse, y reviens pour d’autres raisons que l’Amérique même. Sur ce fascicule d’une centaines de pages, je n’ai aujourd’hui plus rien à dire qui n’ait été dit dans les lettres d’éditeurs qui le lurent « on a pas le droit d’être (que) subjectif avec l’Amérique ». Ha, bon ? L’Amérique lieu de toute objectivité donc ? Et bien oui de l’objectivation. Pour moi, il suffit de prendre l’Amérique par le DSM IV (et même déjà le III) cette saloperie acceptée désormais par tous les spécialistes de la psychiatrie « du reste du monde », pour se rendre compte à quel point on a perdu la Parole. Je me suis trop expliqué ailleurs là dessus (avant même de connaître ces DSM, dans mon petit traité Pour une anté-psychiatrie de 1976 !). Fatigue ! En tous les cas, Mary Proctor n’est pas mon texte préféré. J’en retiens surtout les très amusantes (pour moi ?) lettres à Clarisse, à Julie et autres dames de ma court d’alors quand j’étais à New York. Lettres d’un Précieux à New York qui alternaient avec des « descriptions effroyablement subjectives » et une vague caractérisation de deux français (une femme, l’autre pas) se rencontrant « par hasard » au bord de l’Hudson.
Après cette Mary la repasseuse – j’imaginais volontiers d’engager une bonne américaine au lieu d’une portugaise, par exemple la Kennedy, au repassage ! à la lessive ! Après donc ce choc cultureux, je n’ai pas cessé d’écrire et entre tous ces « romans », romans poèmes il y a tout un ensemble, d’écrits qui seraient théoriques si le ton n’était quelque peu fictionnel selon certains. Selon moi, il n’y a que moi. Comme tout le monde je suis le centre du (d’un) monde. Mais tout le monde n’ose pas se l’avouer : me, myself and I. Il est vrai que la vie s’en fout du moi. Lorsqu’elle se revomit en termes spirituels, elle invente le Soi, une abstraction, sans singularité, comme le concept d’humanité ! C’est du terrorisme sans spectacle, sans kamikaze – c’est tout. La vie gagne toujours ! Elle nous aime à mort !
Après Mary proctor j’ai commencé Rêve volté , appelé plus tard « Symphonie inachevée ». Rêve volté » ne peut qu’être inachevé puisque c’est une tentative d’œuvre complète où le théorique naît de mes fictions et où des fictions balayent le théorique entre dialogues théâtraux, fragments de roman et promenade d’un cauchemardeur solitaire. Trois grands mouvements : Premier mouvement : commencer, écrire, rencontres et confluences.
Second mouvement ; matrices d’amour et la chute de Phaéton (fragment d’un roman sur la mort d’Alberto). Troisième mouvement ; Armand, le philosophe de la montagne et son livre d’heures (exposition d’un enseignement imaginaire).
Entre tous ces temps, temporisation, il y eut diverses pièces de théâtres dont mes 9 No occidentaux (à la mémoire de Mishima, 1994), suivi de French Cinéma, précédés de Si nous revenions à Sumer. Sur ce théâtre je me suis déjà engagé dans ma présentation « Pas de Gants », vous pourrez la lire parallèlement à cette introduction amère.
Puis il y eut le Concerto de chambre, en partie travail en procès (éléments de Rêve Volté), en partie écrit à la demande de Guillaume Dustan (et oui ! je raconte dans cet « Amère mort » cette curieuse rencontre). Ce titre pour deux raisons, Guillaume avait écrit « Dans ma chambre » je répondais, concertant, à ce titre. D’autre part je travaillais sur et avec la partition d’orchestre du Concerto de chambre d’Alban Berg ; cette partition donnait plus qu’un plan, une armature.
MOTTO : Devant l'Image évocation de Lui, Ewig-Männliche, par Elle devenant musique, Hamsa ! Évocation de Lui, devant toi, possibilité de mon désir, décomposition aux rythmes infinis du temps...., je deviens l'autre sexe, d'Elle je verse les larmes d'extases, Saham ! pour revenir à moi, transfiguré, Homme, en mantra vibrant, mais par Elle je m'élève : Soham !- Ewig-Weibliche, Svaha !
VARIATIONS
Variation 1 Mais comme il s’agit de toi ou plutôt de Lui (cette majuscule déjà vous encombre, qui risquera cette élévation à une dimension d’où tu es proscrit ?) de cette image encadrée au-dessus du lit de mes chambres exiguës, de ces collages... (en rondo) tu lui feras seulement l’honneur, le démérite d'être, en un sens bien affaibli, une série de fantasmes ?,Idée du désir.
Variation 2 Avant toi, avant elle ? Il ne s'agissait ni de toi, ni de lui, ni d'elle. Mais d'écrire ! AVANT ...
Variation 3 : S’il ne demeurait ton image... son regard... ? Que resterait-il ?
Variation 4 : Puisqu'il s'agit de Lui... Qu'il s'agit de toi, de ton absence en forme d'images... De mon attente de toi parmi les genêts… je bande…
Variation 5 : S’il s’agissait de parler d’elle, de chanter la forme de belles mortes, Laure, Béatrice conduisant d’enfer en Paradis vous seriez déjà accoutumés... Cet amour dirait son nom… Alors j'inventais le personnage d'Armand
ADAGIO Je me souviens des fenêtres d'or ... Golden windows ... » / « Tu te souviens donc des fenêtres d'or que nous voyions là-bas, au loin derrière les barreaux des fenêtres de notre chambre… » « Quels barreaux ? Notre chambre ? Je ne me souviendrais que des fenêtres d'or » / « Nous décidâmes un jour d'aller vers le château aux fenêtres d'or , aux murs de sucre d'orge ... Nos parents nous avaient interdit d'y aller. Ils disaient que le curé nous y mangerait » / «Sucre d'ogre ... Il n'y avait pas de château mais cette grande usine que vous voyiez toujours resplendir de toute son incandescence musclée, de son travail incessant, grandiose ! L'usine au loin, à travers vos fenêtres de petits enfants gâtés .. ».
RONDO rythmique avec une introduction :
Avant la fête, avec le piano je resterai catatonique, autiste, percussions, naître : donc n'aître ?
As three times I dreamed of the marvellous city, (You ? Him ? or the fabulous landscape painted by Meister Dürer ...?) and three times was I snatched away while still pausing on the high terrace above it. Pendant la fête, paroxystique, je serai extatique ou condamné à mort, en suspend joyeux néant ? Entre la fumée, La surface tremblante.
Toi ? Lui ? J’entends les cuivres mais déjà la mélasse masse violacée des cors (...) EURO PEACE AND WAR ! EUROPISSE & BAISE ! NO FUTURE EUROPEE ! Tags, étiquetages à perte de journées entière dans les lieux bannis no future yes c’était demain c’était oui es war einmal depuis avant nous étions gays (l’autre me dit, me souffle « erreur nous étions gays tu n’étais qu’amoureux !). Nous devenions une identité cartée tu te perdais /
Coda : Cette vision, au bord de la rivière, te revoyant, toi Béatrice ma Belle Morte ... alors que je redeviens Paysage ... Et, toi mon Héros, Possibilité d'un Désir ... effacé ? Toi, moi entre nous, donnant naissance à quelque enfançon alchimique...
Cette armature, les illustrations (photos, collages) incluses contraignit le roman à s’écrire au format html ce qui n’arrangeait pas l’édition…
Il resta dans ma chambre …
Alors au cas, où le lecteur, ne croyant pas au Texte qui déborde le lit et le lu, reprend à la vie, la mort, le prenne « au père », me voilà dans de beaux draps oedipiens … de la mère à la mort… (dans la marge, écrivez : Mauvaise introduction, à refaire !)
Non ! il suffit de ne pas prendre de gants, de braire avec l’âne Yversaire d’autres contes d’Apulée aux « aspects du mythe » pour comprendre que j’écris toujours
©Alain Giry décembre 05