4.
 
     
 

Lorsque Gurnemanz au 1er acte du Parsifal de R. Wagner demande à Parsifal son nom, ce dernier répond : Ich hatte viele, doch weiß ich ihrer keinen mehr. Il ne se souvient que du nom de sa mère "Ich hab' eine Mutter Herzeleide sie heißt.
Au second acte Kundry le nomme, "Parsifal" .Il s'étonne, croit se souvenir : "So nannte träumend mich einst die Mutter"
Elle précise :
So rief als in arab’schem Land er verschied /dein Vater Gamuret dem Sohne zu / den er, im Mutterschoss verschlossen /mit diesem Namen sterbend grüßte.
C’est donc au nom du père qu’il se nomme Parsifal.
Kundry relate recueille le nom de la bouche du père mourant. Le rapporte à la mère puis au fils. Elle nomme en errant, dés-irante, elle est la mère de Parsifal. Elle se défend, plus qu'il ne se défendra lui-même à grands cris cependant d'en être la maîtresse (la mise en scène de Syberberg n’imagera rien d'autre – Cf. mon article).Recevant son nom Parsifal prend consistance d'être. Il se réalise en déployant les sens de son Nom. La psychanalyse ne déloge pas ce parcours mythique mais le répète, le restreint peut-être, sous la plume de F.Dolto; "Alors que le prénom est symbolique du sujet par-delà la mort le nom, lui, est symbolique de la castration du désir incestueux, signifie la filiation, qui d'un sujet indissocié de son corps, fait l'objet représentatif d'une lignée que tout être humain est aussi pour lui et pour autrui" .

Le Nom apporte le langage au corps. Le langage, dans lequel avant même sa naissance l'enfant est baigné, tresse (allusion aux tressages des Nornes, figures du Destin) l'histoire du sujet. En le nommant il l'origine et barre strictement l'accès, désormais poésie pure ou simple folie, à l'être s'originant de lui-même. La nomination, ainsi comprise, exclut d'une certaine manière le problème de l'origine, elle l'engage, y met ce point finale;le sujet s'inscrit dans l'histoire de sa ligne -il s'efface en devenant familier. II n'a pas d'origine hors du cercle familial, Mais en même temps, cet acte nominal, dépassant largement les limites de l'Etat Civil, est son introduction au monde. Il a une valeur initiatique dans le sens où notre existence est intimement liée à la passe du Nom. Qui rate son nom, rate, en quelque sorte, sa vie. Toute l'aventure Lovecraft se joue dans cette passe. Il signe Howard Phillips. Il signe du nom de la mère ,de cette mère qui démarque ou dégriffe le père, en fait le solde. Lovecraft, le nom du père, il ne veut pas en entendre parler.
Deviendra-t-il le monstre, l’Autre-Dieu de son texte, de ses écrits ? Nyarlathotep, Azathoth = lovecraft "whose name no lips dare speak aloud" ou encore « whose name no Philled - LIPS dare speak aloud ». Ce qui opère, c'est le nom de la mère. Au nom de la mère, Howard est un love /craft. Le triangle des initiales l'étrangle:

P(hillips) Mère

L (ovecraft) Père H(oward)Fils

Outre qu'elle crie « Howard, Coward ! » elle souligne les risques de filiation; tel père, tel fils. Love : on n’en connaît que trop les sens, les suites synonymiques, les fuites analogiques et antinomiques(love vs. hate) – les lectures anatomiques. On sait ce qui en, anglais se joue entre love et like, comment like est une atténuation de love et désigne aussi le semblable alike, like, likeness. Avec CRAFT la chose est plus complexe, plus tricky. Le craft nous trompe, il ruse.
CRAFT; skill ; ingenuity ; dexterity. 2. skill or art applied to bad purposes ;cunning ;deceit; guile. 3 .an art, trade, or occupation requiring special skill, esp. manual skill ; a handycraft. 4. members of a trade or profession collectively ; a guild . 5.(construed as pl) boats, ships, and vessel collectively. 6. a single ship. 7. aircraft collectively 8. a single aircraft. Love/craft, une ruse d'amour, une ruse avec l'amour;tromper l'amour s'en détourner, être trompé par l'amour. Lovecraft ou Howard est convié /sommé de prendre destin, de s'embarquer et d’être à la fois mener en bateau tout en conduisant sa barque. Lovecraft s'écrirait-il B(I)AISE ?

Ainsi ne manque-t-il pas d'une certaine adresse pour nous faire croire,~ nous-lecteurs innocents, qu'il nous écrit des « gothic fictions » alors qu'il nous appelle ( nous-analystes ) J (ou) qu'il désespère.
Il ne manque pas d'adresse.
Il suggère qu'il se détourne (de) lui-même de ce qu'il (se) demande
Il nous maintient à distance de ce qu'il cherche, son Heim en nous donnant à lire une certaine Unheimlichkeit ( produire une (in)certaine peur de l'Unknown, l'Inconnu, pour nous induire à faire l'article avec lui d'un « supernatural horror in litterature » cet article qu'il nous écrit en 1926-27.) Il nous demande d'oublier qu'il chercha auprès de cet Unknown l'adresse de son être, avant de nous abandonner au doute concernant une lettre "in the moon-light" et de se dérober finalement à l'intérieur du "rêve" , dans ses terres imaginaires de Celephais -pour ne saisir que l'Exemplaire.
L'ordre ne saurait être chronologique. Il ne suit guère l'ordre de composition des textes. S'agirait-il plutôt de synchronicité ? Synchronicité sonne plus juste.
Chaque moment se rassemblant dans l'acte même d'écrire. Il se confie à l'écrire pour, à la fois dérober et mettre en évidence son désespoir. Le désespoir d'être déplace de son être . La clef se dérobe. Révélée, elle est aussitôt disposée à n'être que mensonge.
Elle est mise dans la bouche de Nyarlathotep, parole vaine, parole du Chaos Rampant, ou prise au pied de la lettre par un certain Kuranes, parole magique réalisant douloureusement le rêve « Celephais ».
D’une manière ou l’autre, il se trouve privé de la jouissance. De cette jouissance simple ; la jouissance du lieu (de l’être).
(TABLEAU A).
D'un "For know you that your gold and marble city is only the sum of what you have seen and loved in youth" ouvrant les perspectives du paysage d'être, il passe, aux passe-passes des tours de la "clef d'argent" "...that...would help him unlock the gates of his lost boyhood" (Through the gates of the silver key) au labyrinthe sans perspective "prismatic vista" d'un délire. L'appropriation de l’enfance c'est-à-dire des paysages ou lieux où l'enfant se choisit et échappe aux lieux aménagés en vue de l'enfance standard par les éducateurs est retenue. Il ne parvient pas à dénouer la métaphore familiale. « Phillips » retient « Howard » dans « Lovecraft ». Ce qui discrètement invalidait un Freud deviendrait une preuve de ce même discours freudien qui n'entendait pas libérer l'enfance de l'emprise du roman familial aussi simplement. Lovecraft se retrouve aussitôt en famille. Reprochant à Freud son symbolisme puérile, il ne s'en trouverait pas moins pris au même aveuglement, atteint de sexité. Avec un Freud il se dé-corps réfute la possibilité (qu’il s’était donné) d’un paysage où l'enfant est toujours déjà à l'insu du discours parental avec le Langage, avec lui-même. Mais malgré lui il indique ces paysages où la métaphore familiale ne fonctionne plus sinon à titre allégorique. Qu’il indique l'élasticité du lieu et la faiblesse des maillons tressés par la résistance du milieu. Il l'indique en se faisant monstre, une peau de monstre d'une élasticité redoutable (C. infra La griffe monstrueuse).Mais il rate sa peau. Et un Freud lui fait la peau. Mais encore il résiste. Il nous jouera des tours, il nous glissera des mains. "To place again" ne signifie pas revenir sur une enfance perdue , revenir vers les douceurs évanouies de la dépendance familiale (maternelle).Il indique le rejaillissement du corps propre avec l'élasticité de son désir et de sa parole avec un monde en permanente extension ou simplement extensible. L'élasticité du milieu matriciel et sa liquidité ne serviraient donc guère plus que d'aide ou support métaphorique. Nul désir de retour à la "vie intra-utérine est véritablement en jeu. Un tel retour ne peut être voulu que par la résistance de la métaphore familiale qui, s'imposant, jette l'enfant dans un monde sec, contingent. Seule 1a résistance de cette métaphore parvient à voiler la continuité pulsative des "mondes",refusant ainsi de saisir la naissance comme le passage d'une matrice restreinte à une matrice plus vaste l’élasticité liquide est remplacée par l'élasticité du corps langageant. Elle seule retient le langage dans la solidité supposé d'un réel rationnel, insiste sur l'impossible. Elle seule échoue sans cesse. Même si elle réussit à écarteler le sujet, l'élasticité gagne toujours sur la rigidité. L’Inconscient coûte que coûte ramène le desêtre à l'être, aux lieux de la jouissance. A ne rien s'avoir, l'inconscient com-prend ou co-naît que si l'existence n'avait pas de sens il n'y aurait guère d'existence possible. L’Inconscient ne s'oriente pas sur la pulsion de mort, ne s'oriente pas sur une fiction... Il peut toujours jouer avec elle. Aussi un HPL y insiste, un autre s'en départit.
Howard se faufile, s'enmonstre. Mais s'enfamille encorps, pour retrouver un Howard tel qu'il jouissait avec sa parole et son corps propre nous aurons certes à nous débarrasser ou bien déjouer le puzzle biographique où il s’in-forme. Nous ne pourrons hélas l'empêcher de dévaster la beauté, en laissant mourir Kalos (Cf. The Tree) et réduire la Grèce, où il essayait de reprendre corps sculpté, une statue de Tyche en compétition avec son ami Musides" (Cf The Tree livré aux ruines de The Nameless City, hantées par le Crawling Chaos; le dé-corps victorien de la Nouvelle Angleterre.
Ce n'est plus notre à faire.

6. Les initiales H.P.L.
Le nom de Lovecraft demeurent familiers inscrits sépulcralement sur des couvertures de livres offerts aux lectures anonymes. ais Lovecraft n'est plus ici. Il a rêve son nom à Celephais un lieu imaginaire mais capital, halte de la Dream-Quest mais aussi une short story. Une entente;
Celephais sur les bords de l'Oukranos';
Ce + Le + Pha + Is = ce + pha + le = Kephale ( grec; tête)
pha + le + is = phallus
+ pha ;de phanein apparaître - phéo, lumière.
Oukranos = ouranos + kronos

Arimé à ce lieu "programmatique HPL perd ses initiales, il se rêve un autre nom ; Kuranes. Tout un programme que nous devons entendre avec Celephais Oukranos ;
oukranos + ur +a + nes = kura
cura (nes);cura (Latin; souci traduit en Anglais par " care " ) = cure = care (Anglais; soin, to take care prendre soin = kranes + kronos.
la temporalité du programme nominal temporalise une cure inquiète du désir. Kuranes installe Lovecraft dans la croyance [111] ce que la castration (ici, double castration de Ouranos/Kronos) opérée dans le réel permet d'atteindre l'autre côté du désir, la jouissance. Ce guérir du désir c'est atteindre à la quiétude de l'être. En fait c'est simplement biaiser. Car quoique nous fassions nous sommes toujours déjà parlêtre ;entre, nous n'avons pas à nous dé-doubler (ce qui est précisément le sens de la jouissance pour nous êtres-parlants, l'animalité demeure une hypothèse). Kuranes se sera donc pas la nominalisation de la jouissance HPL, un HPL jouissant. Pas plus que Carter (dans la Dream-quest) Kuranes ne réalise ses désirs. Ils demeurent de simples traces, des effets d'écriture. D'une écriture qui se voudrait cure mais qui n'écrivant à personne ne peut dialoguer, créer des effets d'interprétation (des effets analytiques) Lovecraft écrit au sujet de quelque "un" (un Kuranes par exemple) pour qui écrire n'est qu'une passe amoureuse; quelqu'un qui y continue d'aimer son délire comme soi-même (c'est-à-dire effaçant le désir de l'autre s'interdit l'accès au corps propre, reste donc dans le négatif du narcissisme). HPL écrivant sur Kuranes échappe à ce qui prend possession de ce dernier;la psychose. HPL choisit d'écrire /Kuranes choisit la psychose, pour lui il n'y a plus de différence, il n'y a plus d'autre, mais pourtant il y a toujours la souffrance.
"He did not care for the ways of the people about him, but prefered to dream and write of his dreams". Il rêve, il écrit (retranscrit) ses rêves. Kuranes est encore proche de Lovecraft ou d'un Freud. Cependant il n'écrit pas [112] vraiment pour des lecteurs. Aussi il ne s'étonne pas vraiment que "What he wrote was laughed at by those he showed it"
Il ne continuera pas d'écrire "...after a time he kept his writings to himself and finally ceased to write".
Kuranes ne désire qu'une chose rêver. L'écrire doit prolonger l'état de rêve. Il demande l'impossible ; l'écrire ne laisse rien d'autre que des traces, des empreintes...pour prolonger l'état de rêve, il doit avoir recours à la drogue. Kuranes se sépare ici de HPL. Mais en même temps HPL est l'écrire de Kuranes. Ils reste solidaires l'un de l'autre. On ne peut imaginer ce récit à première personne; il s'arrêterait des l'instant ou Kuranes, cesserait d'écrire. II n'y aurait pas d'histoire. On se demandera cependant ou HPL peut bien prendre son point de vue pour suivre ainsi Kuranes.
Carter (Dream-Quest) l'a connu en rêve. Ils se sont rencontrés dans les terres du rêve; le point de vue de HPL. Chaque "personnage" lovecraftien est en quelque sorte l'expression d'un rapport particulier au rêve, règle le rapport du rêver et de l'écrire qu'est l'écrire - signer de HPL. Ecrire s'adresse à l'autre, à des lecteurs. Lorsque j'écris, j' écris toujours en vue d' être lu', cet "en vue d'être lu" travaille, corrige les brouillons ,me prévient de retranscrire simplement ce qui me vient à l'esprit. Ecrire constitue un rapport pratique à l'autre ,entraîne mon être-avec-autrui, le démontre sans cesse.
Ecrivant je donne à lire mon être-avec- autrui et en même temps, 'je m'engage avec autrui.
Rêver ne s'adresse qu' à moi-même et moi-même comme autre. L'autre n'y est impliqué qu'en tant que cette implication me nomme, que je m'y nomme. Le rêve ne s'adresse pas à un [113] autre particulier;il m'inscrit, moi comme un autre, dans !'mon" système de relations. Jamais le rêve (sa grammaire) ne produit un récit. L'articulation des contenus du rêve par rapport à la logique du récit est strictement a-grammaticale. Elle rompt la logique commune de l'action/décision en ne l'imitant pas. En décalant l'imitation de ce qui se prétend réel, elle n'infirme ni affirme cependant rien d'autre qu'une certaine différence; elle n'est pas en elle-même une poétique Pour être poème le rêve doit être symbolisé, imager les mots les rendre au Langage comme tel - ce qui suppose une élaboration supplémentaire. Sans cela le rêve demeure une affaire privée entre les divers instances psychiques du rêveur, la "solution" détachée d'un problème non-explicitement posé; la constitution existentielle elle-même. En ce sens le rêve nécessite toujours une interprétation; être relancé vers l'autre.
Sans retour on n'écrit pas un rêve, on en rêve.
Notre HPL recourra donc à l'artifice voulant coûte que coûte maintenir l' impossible " écrire-rêver ". L'artifice est simple, il décroche le rêve de l'existence. Le rêve est une autre existence, un autre plan : "I cannot doubt that man when lost to terrestrial consciousness, is indeed sejourning in another and uncorporeal life of far different nature from the life we know, and of which only the slightest and most indistinct memories linger after waking!' Beyond the wall of sleep. Le rêve risque toujours de devenir la véritable existence.

[114]Une véritable existence toujours manquée. Dans les terres du rêve notre Kuranes désespère. Mort au monde de la veille, il ne peut y revenir. Il est prisonnier du rêve et rêve de s'éveiller , à nouveau. Regnant alternativement dans son palais de cristal ou dans son palais de nuage, Roi d'Ooth-Nargai. « It seemed that he could no more find content in those places, but had formed a mighty longing for the English cliffs and downlands of his boyhood (...) He could not go back to these things in the waking world because his body was dead; but he had done the next best thing and dreamed a small tract of countryside » Dream-Quest.
L'écart entre les deux mondes, l'ici-bas et l'au-delà (ou l'ailleurs),n'est pas résolu. Ce qui était l'au-delà devient ici-bas et réciproquement ce qui était ici-bas devient au-delà. Tant que nous demeurons avec des histoires d'enfance cela se comprend " là où c'était il ne peut advenir "(ou plutôt revenir). L'enfance n'est pas un rêve.
HPL à Celephais, HPL dans la Dream-Quest vit l'alternative, le jeu dialectique des deux mondes. Le réglage entre écriture et rêve est en mouvement, est mis en mouvement par un désir d'enfance. Le décrochage n'est pas encore complet, figé. Dans la Dream-Quest Kuranes met en garde Carter en cherchant l'enfance dans l'autre plan, au plan du rêve, il risque tout simplement d'être mis en souffrance. L'entre n'ouvre pas les perspectives, il se ferme ici en un ( ) s'accentue à mesure que rêver-ecrire cesse d'être réglé par le désir d'enfance, se dérègle en se solidifiant. Ainsi dans la plupart des nouvelles de HPL l'Autre monde envahit l'ici-bas qui peut être relaté par un [115] ou des témoins oculaires (The Case of Charles Dexter Ward, At the Mountains of Madness, The colour out of space etc. ) par un témoin entraîné vers cet au-delà, le plus souvent malgré lui.
Parfois encore l'écart se resserre, l'au-delà possède le corps d'une personne de l'ici-bas.
Désormais le rêve cède la place au cauchemar, l'écart entre les deux :plans figure la distance du "je" dans le cauchemar; il se voit pris et ne peut se reprendre. Il est enlevé. Il n' est :pas ravi. Ce qui lui échappe (a), l'inconscient, est objectivé, nommé, identifié. Il se voit enlevé. Et d'abord un je regarde le je-autre, met en re-garde le paysage ; "Three times Randolph Carter dreamed of the marvellous sunset city and three times was he snatched away while still he paused on the high terrace above it" Dream-Quest.
Ecrire (rêver) sera encore réduire la distance.
Dans le fragment intitulé The Thing the Moon Light quelqu'un a cessé d'écrire, rassemble un texte qu'un illettré, Morgan, signe du Rom de la "chose" qui jadis était Howard Phillips et s'adresse à Lovecraft ; "Morgan is not a literary man; in fact he cannot speak English with any degree of coherency. That is what makes wonder about the words he wrote, though others have laughed. Suddenly an unconquerable urge to write came over him, and taking pen in hand he wrote the following; my name is Howard Phillips. I live at 66 College street, in Providence ,Rhode Island. .." Adresse réelle de HPL [116] Il y pivote, s'y adresse - la hante.

A. ( La main de ) Morgan . ECRIT

B. POUR ce qui fut Howard Phillips ICI-bas
Mais n'est plus que cette chose (mindless, voiceless;
un monstre, Cf. infra Chapitre IV) entée sur l'autre plan.

C. UNE LETTRE, un écrit,

D. LOVECRAFT

Le quadrille danse macabrement la signature au complet. Il exclut le lecteur, l'interlocuteur. La lettre demande son dû. Le corps amorphe de la chose (= H.P) demande sa forme, son âme (= L). Mais voilà, la lettre laisse " L " " voiceless ", pétrifié, sans VOIX.
L. est aussi une chose et adresse sa demande à H.P , d'être son âme.
Il est le "tramp" dont le corps est rejeté par les vagues contre les rochers d'Innsmouth, ici-bas, tandis que sur l'autre plan , Kuranes règne... "He reigns there still, and will reign happily for ever, though below the cliffs at Innsmouth the channel tides played mockingly with the body of a tramp who stumbled through the half-deserted village at dawn..."

H.P est la chose privée de langage, de voix, est le corps abandonné du tramp. Jeté, rejeté de Phillips en Lovecraft, de Lovecraft en Phillips Howard est-il le reste tiraillé d'un choix branlant, qui adresse en appel au lecteur-analyte, la gothic-fiction déplace, replace le sujet d'un roman familial. Indéfiniment, apparemment HPL aura écrit, joué au puzzle familial, aura [117] essayé d'ouvrir le coffret mystérieux qui contient le secret familial; l'accès au nom du père. Toujours il en manquera, de justesse, l'accès en croyant que le coffret c'est le rêve comme autre plan et le lieu de l'interprétation du rêve ,sa relance vers l'autre ; la communication. Il ne communique pas car il reste dans l'ordre familial des initiales;la parole de la mère Phillips interdit , le nom du père Lovecraft, le rature. Howard biaise, n'accède pas à la mesure de la signature, les variantes phonétiques infinies, sa poétique, il demeure en-mèré, il désespère. Désormais le paysage est impossible; encerclé ,enfamillé il laisse un coffret ; "In the car they found the hideously carved box of fragrant wood, and the parchment which no man could read" Through the Gates of the Silver Key.
Mais pour ouvrir le coffret qui l'engouffre, la boite de Pandore d'un rêve compris comme autre-plan, il prend la clef "The silver key was gone..." Il veut ouvrir les portes successives
"that bar our free march down the mighty corridors of space and time to the very Border which no man has crossed..." (idem). Il se perd. Il est pris au désespoir d'être soi-même. il désire être un autre. Autre il se re-garde...dans le cauchemar. Il perd la foi en l'être. Faute de pouvoir errer, il se pend au desêtre de ne pouvoir être ce qu'il était. L'enfance réfute le paysage qu'elle contenait; la potentialité du paysage est remise à la nécessité de l'enfance, du passé qu'il ne peut être. Désormais le passe tord l'écrire, il dé-lire. L'In-connu confond l'Echappée (L'Inconscient) qui [118] la retient pour l'y enlever. Le lecteur commun est enlevé. Seul l'analyste désormais peut dénouer l'écheveau ;revenir de la gothic-fiction qui retient ce qui échappe, l'Objective au(x) lieu(x)de jouissance qu'elle recèle, interdit. Il revient à la Dream-Quest, à ce dessin d'enfant qui ne cache rien de ce qu'il dérobe et qui montre ce qu'il "nous" dérobe afin d'être en son lieu propre, une parole-corps.
La Dream-Quest est la clef ouvrant toutes lectures libératrices de la jouissance HPL. Elle relance, HPL vers l'autre qu'il a manqué en lui restituant sa différence, en délestant l'Inconnu. A un HPL enlevé, elle substitue un HPL ravi. Mais alors il n'écrit plus de gothic-fictions, il ne biaise plus, ne s'enfamille plus...il est le love-craft, pouvoir d' aimer à lèvres pleines, "filled-lips". Il est évident alors que le HPL que nous connaissons habituellement n'a pas été du moins ouvertement, aussi loin. Le plus loin qu'il ai jamais été demeure sa Dream-Quest. D'elle nous tirerons donc les HPL potentiels . Elle seule nous demande l'interprétation. Elle nous enseigne l'analyse différentielle (elle nous libère de la psychanalyse) ouvre sur les perspectives du paysage où l'être s'espace.

[119] HPL (S) s'écrira ici Randolph Carter et évitera la complète triangulation ou inévitablement est conduit S
Phillips = mère (m),Lovecraft = père(p) m + (-p) = (Howard)
La Dream-Quest ne sera pas tout à fait la biographie; elle sera élaborée.
S' sentant le " maddening need to place again. .. ", le presser à retrouver sa Marvellous Sunset City (a') qui lui a échappé par 3 fois : "Three times he dreamed of the Marvellous Sunset City ,and three time he was snatched away..." décide hardiment d'aller demander aux dieux (Great Ones) dans leur chateau d'onyx de Kadath (a') les raisons qui le maintiennent à distance de son but. Bien que S' sache la direction à prendre pour se rendre à Kadath "in the cold waste", le "nord" l'orientation ne suffit pas le castel se dérobe nul homme ne s'y est aventuré avant lui.

[120 – 122] De plus les Great-Ones sont protégés ou même à la merci des Autres Dieux. Ces derniers menacent tout le territoire du rêve, en maintiennent les frontières dont ils désignent l'hors. Le risque de la quête est en quelque sorte pour S' d'être débordé, jeté par-dessus bord ou peut être, d'être emporté dans la crue des autres-dieux... Ils sont partout aux aguets. Guettant ST dans les 19 lieux ou topoi (t) qu'il devra traverser/pour joindre a' :
(TABLEAU B : TOPOI DE LA DREAM-QUEST).
Certains de ces topoi sont familiers à S', essentiellement à S' et à la Dream-Quest, d'autres ouvrent sur d'autres textes ( = et échappent d'une- certaine manière à la Dream-Quest, l'éclate en univers lovecraftien. Ainsi t4 ouvre sur The Cats of Ulthar, et t.15. ouvre sur un court récit intitulé Celephais, etc.
(TABLEAU C : intra-textualité & « jeux des topoi »)
[123 – 124] saut vers Kadath, vers a'.
En fait E. l et E.2 déterminent deux arc "intentionnels":
a) arc de S'et
b) où S' est le jouet des Autres-Dieux. L'un se dirige vers a', est donc articulé sur ce but, l'autre détourne le but, dérive.
Deux arcs sans lesquels la carte du territoire de la quête reste amorphe, un vrac de lieux sans orientation. Si la carte demeure impossible à tracer, et l'orientation vague, les parcours organisent leur propre espace de "topoi". Mais, c'est en vain que nous chercheront des traits distinctifs dans les descriptions des " t " qui insistent dans une plus ou moins grandes indifférences les une aux autres;ils sont tous ou ont tous plus ou moins été des Marvellous Sunset City, tous contiennent les traits de l'objet (a) - l'objet qui enclenche la quête. Seuls des réseaux commerciaux entre les villes, les " t " laissent supposer une organisation da territoire. Ce sont sur de tels réseaux que S' compte pour se déplacer lorsqu'~l n'est pas simplement enlevé. Nous aurions donc un autre couplage possible: + commerce / - commerce .Ce dernier ne recouvre cependant pas le précédent progression / enlèvement, La route des carrières entre t.16 et t.17 ou S' est enlevé pour t.17 est un parcours marqué de + commerce. D'autre part t17 est en relation commerciale avec t.5 et t.6 est un relais comme l'est t.19. + / - commerce ne fait que justifier les parcours.
Nous n'en avons pas moins un sac de nœuds: [124] La carte " impossible "

[124. A] Remarques supplémentaires.
Aux jeux d'intra-textualités (ensemble(s) de relations s'établissant à l'intérieur d'un texte donné dans son rapport au corpus d'un auteur déterminé ; Cf. supra les relations verticales / horizontales entre T. et t. ) finis mais toujours ouverts tant pour le lecture que l'écriture répondent les jeux plus complexes ( c'est-à-dire plus ouverts) d'intertextualités qui replacent le texte et le sujet-écrivant "hors" écriture en commençant par le reprendre dans des jeux de citations ,de réminiscences ,de lectures etc. Si les jeux intra-textuels désignent, construisent les frontières, les bords du texte spécifique, les jeux inter I textuels les débordent. Ce n'est cependant que dans la mouvance des deux intra/inter que l'irréductibilité d'un point de vue univers émerge dans sa complexité qu'une écoute authentique est vraiment possible. Conceptualité provisoire)le "texte",les "jeux" inter/ intra-textuels nous libèrent seulement des affirmation jusqu'ici maintenues par la critique (qu elle se fonde sur les domaines psychologiques ou sociologiques ou qu'elle se réclament simplement de méthodes documentaires) affirmations sur la dépendance du texte et de son milieu, de la détermination du texte par le milieu ou contexte. Il est temps de saisir que le texte n'est pas pris à du hors-texte qui viendrait après coup, ou une fois de plus, le corroborer. Le "hors" essentiel est nommé par le jeux textuels dans leur mouvance. Le "texte" désigne ce tissu, cette tessiture jamais achevée, toujours à faire, à poursuivre, mêler au dit " réel ", et [124B] le composant. II ne saurait donc trouver sa vérité dans une "existence" hors de lui;il est la vérité-existante.
Il dépasse donc nécessairement les s1mples problèmes d' écriture/lecture.

"Texte" faute de mieux, graphes si cela ne nous forçait, une fois de trop, vers les mathématiques. Donc en attendant autre chose. La Dream-Quest pour nous préparer a cet accès à d'autres concepts. Elle montre suffisamment qu'elle n'existe que d'un certain aménagement spatial, quasiment indépendant de tout contenu, puisqu étant le véritable contenu. Elle se présente comme un jeu de parcours plus ou moins ordonnés produisant des relations avec d'autres écrits de HPL (écrits qui peuvent lui être antérieurs ou postérieurs) ; l'ensemble produisant, à son tour, des relations plus vastes montrant comment le texte particulier participe, et donc produit, le " hors " plus ample, l'univers, se pose en point de vue univers.
Nous aurons ainsi, outre les topoi ; t.1, t.2, t.19 et les T. des topoi supplémentaires ; t.a, t.b. etc. recouvrant plus ou moins des lieux géographiquement repérables ( Boston, Providence etc.}ou situés dans une autre géographie, celle de la terre du rêve, des T. d'ensembles représentant des domaines couverts ou découverts par l'écriture HPL, des textes lus par HPL ou qu'il conseille de lire (Cf. son Guide de lecture, par exemple ou son article sur le surnaturel), des notes ou notules. [124C] Représentation à trois dimensions
[125] L'armature générale du récit reste elle-même vague. Si entre l'initiale de la Quête et la finale il y a bien l'inversion d'inversion nécessaire à la position d'un contenu le contenu posé est lui-même une inversion de contenu. Quant aux couplages des séquences ils sont strictement impossibles . Outre qu'il n'y a pas à proprement parler de, séquences mais seulement des "stations", S' ne subit, pas plus qu'il ne fait face à des Epreuves, il n'est lui-même que le produit des parcours. La Dream Quest par sa structuration différente nous apprend ainsi à déplacer notre point de vue d'un modèle a priori (type greimasien, Cf. Du Sens : Pour une théorie de l'interprétation du récit mythique) aux fondations de cet a priori ; les différentielles, ce qui le rend déplacé. La structuration en carré que Greimas met au point construit purement et simplement une théorie du Sens unique, elle n'en rend pas compte. Ce sens n'est pas antérieur à tout énoncé. Il est énoncé comme l'l-des-sens. N'est qu'un possible retenant l'Echappée sur l'arbitraire d'une nécessité scientifique. Est le produit d'un positivisme. Si le carré peut subir des torsions, ce sont ses torsions, qui rendent le carré à la vérité qu'il occulte, le sens s'espace, à jouis-sens. Le sens est accessoire par rapport à l'enjeu de la communication, le lien, le lieu. {N.B. A son insu le carré sémiotique de A.J Greimas opère une mise en lieu du sens, l'annule. A son insu, car ce que ce carré propose explicitement c'est un modèle canonique (a priori) capable de produire le Sens avant toute manifestation d'énoncé particuliers. Explicitement il propose une sémiotique kantienne.} [126] Nous ne communiquons que pour dire ce qui nous échappe. Or ce qui nous échappe toujours d'autant plus essentiellement qu'il s'y refuse n'est-ce pas ce Sens, c'est-à-dire qui fait, verser le sang (de l'être),ce non-lieu où nous prétendons assoire notre certitude ? Certes. Cela explique que la plupart du temps nous ne communiquons pas. Moins encore communiquons nous en insistant méthodiquement sur le doute. Doute et certitude retiennent ce qui nous échappe et avec quoi nous nous échappons. Doute et Certitude s'informent. Nous y cherchons la perpétuité d'une information ; aussi règne-t-il un silence de mort... parmi les machines. Nous refusons de communiquer mais malgré nous, ça nous échappe l'axiomatique de la communication prenant aussi bien la forme inattendue de la partition (d'orchestre)…
{N.B. L'implicite, la musique le restitue. Elle travaille le carré en Textkomposition (Cf. C.Miereanu, Musique en Jeu, numéro 13),sans donc cautionner nécessairement l'embourbement métaphysique des tores ou ronds de ficelle, lacaniens, elle tord, courbe, rend élastique les bords du carré. Sans rien demander aux mathématiques (qu'aurait-il d'ailleurs à leurs demander, ces dernières ayant beaucoup plus à apprendre d'elle) elle déplace les privilèges abstraits du Sens en le relançant vers l'intensité d'une formule corporelle (cela devra être repensé ). Le corps sonore (comprenant la vibration de la lettre, si bien saisie dans le mantra, et la vibration de la note...les deux étant identiques si nous avons entendu justement le mot mantra; le son corporel juste - ou tout simplement si nous pouvons a nouveau écouter notre musique française; la jouissance théorique du CORPS SONORE chez Rameau...} [127] forme inattendue de la partition (d'orchestre),qu'elle s'inscrit en "réserve orientale" comme mandala. Pour notre HPL la communication se constitue du dérapage, de la carte "manquée" (Ainsi) Lorsque S'arrive par progression / enlèvement, selon des trajets marqués + commerce/- commerce,'a Kadath a' il n'y trouve pas les interlocuteurs qu'il supposait, les Great-Ones (A) mais Nyarlathotep le messager et l'âme (c'est-à-dire la Parole) des Other-Gods, privés de voix et d'esprit (voiceless and mindless) (A barré).Aux dieux supposés savoir (to know) se substitue Nyarlathotep, parole "rampante" et chaotigue ("Nyarlathotep the crawling chaos) des dieux supposés ronger (to gnaw). Avec cette substitution, le style même de la Dream-Quest change, l'apparition de Nyarlathotep s'effectue dans une atmosphère presque étrangère à Lovecraft, celle d'une peinture symboliste, il y a là peut-être là l'une des rares expériences de la beauté de toute la textualité lovecraftienne. Carter(S') seul, dans la forteresse vide de Kadath est soudainement envahie par des musiques étheriques où "echoed all the wonder and melody of ethereal dream; exotic vista of unimagined loveliness floating from each strange chord and subtly alien cadence"
des odeurs indescriptibles (les parfums d'A Rebours de Huymans ?) "came to match the golden notes". Des couleurs se manifestent changeantes in cycle unknown to earth's spectrum des colonnes d'esclaves noirs parés de Joyaux s' avancent...Nous oublions alors l'horreur, ravis de l'apparition .I qui couronne la procession des sensations retrouvées ; [128] "Then down the wide lane betwixt the two columns a lone figure strode ; a slim figure with the young face of an antique Pharaoh, gay with prismatic robes and crowned with a golden pshent that glowed with inherent light" Mais aussitôt HPL se ressaisit, l'apparition esthétique se brise sur l'image tentatrice, l'icône démoniaque ;
"...proud carriage and smart features had in them the fascination of a dark god or fallen archangel,(...) It spoke, and in its mellow tones there rippled the wild music of Lethean streams ." S' ne pourra donc reconnaître l'identité des manifestations paisibles / irritées Les séparant il ne saurait accéder à la quiétude de qui co-na1t l'identité de ce qu'il pro-duit. Il ne reconnaît pas l'identité poétique fondamentale entre (a) et a'. Projetant A hors de lui, il ne peut percevoir qu'il se barre l'accès, qu'il choisit de se barrer l'accès .Il écartèle, met (a) sous la tutelle de A et a' de A (barré).Il se prive de sa vérité en l'entendant proférée par ce qu'il suppose être un malin génie, la parole des Autres-Dieux. Désormais doit-il envisager les Great Ones Comme inexistants ou seulement croire que, frivoles, ils ont derobé la Cité Merveilleuse (a) et déserté Kadath. Doit-il croire qui le trompe et précise : "The gods love your marvellous city...The earth has no longer any gods that are gods, and only the Other Ones from outer space hold sway on un- remembered Kadath. Far away in a valley of your own childhood, Randolph Carter, play the heedless Great Ones. You have dreamed too well" Doit-il y croire sans risquer le délire ? Ou prendre ou perdre au pied de la lettre Kadath, le lieu vide ou mort (écrire Ka-death) et y entendre ce qui s'y renverrait alors comme interprétation l'énoncé ; "For know you, that your gold and marble city of wonder is only the sum of what you have [129] seen and loved in youth" qui lui revient en propre ? ( )Hélas, malgré la Justesse de cet énoncé, le ( ) entendu comme ( ) Nyarlathotep met la barre, la parole des Autres-Dieux. S' ne peut entendre que la menace de dévoration qui se tient aux limites de l'espace "raisonnable" : "...the boundless sultan daemon Azathoth...who gnaws hungrily..." ( Cf. infra Chapitre IV).
Il ne réalise pas qu'il se barre pour s'assurer de rester en famille, de rester pris au poids et à la mesure de la signature.

 

Chapitre 2 - 3 Double Headed

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