ECRITURE (s) & PHANTASME 


(1977, Thèse de Doctorat Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales & Université de Paris VII - Une analyse de la Dream Quest de H.P Lovecraft (version augmentée, scannée d’après tapuscrit original 1984)

« Enfin et plutôt avant tout, une œuvre d’art n’est pas une production pulsionnelle. Elle met en œuvre fondamentalement une dimension existentielle, laquelle fait fond sur certaines pulsions, ces dernières étant bien « fond » mais non pas « fondement » - c’est là une distinction décisive » Henri Maldiney

 
CHAPITRE .
POIDS & MESURES DE LA SIGNATURE
 
 

Introduction.
La question du texte (son écriture et sa lecture)n'est pas une question nouvelle. Elle insiste avec une tradition. Curieusement cette tradition se suspend. Elle va au musée. on fait comme si on découvrait le texte pour la première fois avec une technique, des outils sans pareils dans l'Histoire. Éventuellement (en France, certainement) tout commence avec le Cours de linguistique de F. de Saussure.
Les dites sciences humaines y trouvent, dit-on, leur dénominateur commune une méthode. La science des sciences serait donc née au début de ce siècle et commencerait avec le Verbe.
Une fois de plus on oubliait qu'une telle Science n'avait cessé de naître, mourir et renaître de ses cendres d'un tronc commun, caché.
En fait de ce Totem, la toute puissance de la pensée... Elle était née primitivement comme toujours. Hegel, au siècle précédent, nous l'avait étatiquement parée de splendeurs perdues en posant le savoir absolu sur les restes angoissés du pauvre Kant, de son Dieu qui faute d'exister en soi devait être pratiquement imaginé ! Nous n'en pouvions plus.
La science gardait précieusement, méthodiquement sa place habituelle en se faisant croire qu'elle perdait simplement son nom de métaphysique, qu'elle en effectuait les fins.
Nous n'en pouvions plus.
La science, enfin, régnait partout. Le texte lui-même s'élevait en ramenant sa Science ; la sémiologie (ou sémiotique). Tout texte pouvait prétendre à l'universalité. Partout il y avait du « sens ».
Le sens était la mesure de l'homme et de toute chose. Greimas établissait une Sémantique Structurale en repérant la signification comme centre des préoccupations humaines. Sans doute n'était-il pas seul.
Sartre répétait inlassablement page après page dans l’Être et le Néant : «l'homme est l'être par qui le sens arrive au monde» (au moins prenait-il soin de ne pas retomber, tel Greimas, dans l’(im)passe kantienne, voire husserlienne d'une possibilité d'un Sens a priori ). Une façon comme une autre d'inverser la question toujours actuelle de la signification de l'existence - même, de l'oublier. Une façon de s'endurcir. Une manière un peu trop facile de se dispenser d'un garant, Dieu, et d’une mascarade théologique. L'homme seul apporte le sens. En-dehors de lui il n'y a aucun sens. Il y a, tristement, rien. Alors... Il n'y a plus aucune raison de ne pas laisser la place à toute méthode qui rendra toute signification égale à de la pure extériorité, qui trouvera par exemple son garant dans un délire d'écriture «tout est écrit dans les réseaux ADN/ARN» comme jadis on vous renvoyait des versets de la Bible.

Qui y-t-il de si beau dans le refus d'être libre pour que nous soyons captés par la science, prêts à accepter n'importe quel déterminisme, encore et toujours ? A nous considérer avec les animaux, sans inconscient, la science s'applique. Avec un inconscient, une parole, une liberté, pas d'application. C'est suffisant...

Parcourez donc le dialogue de sourd entre Piaget et Chomsky pour saisir comment de tels radotages nous en jouent pas moins entre l'inné et l'acquis, le coup de l'applicabilité. Demandons-nous « A qui cet inné ? ». Et tout bonnement la question surgit « comment faire aimer à nos enfants, comment leur enseigner la société industrielle ? »
Question unique qui tracasse toutes les dites théories du langage et de l'apprentissage, les sémiotiques. Elles réclament d'effacer méthodiquement, des questionnements pus essentiels mais moins sécurisants sur les processus de signification. Elles réclament que nous n'ayons rien à communiquer afin d'être simple information parmi d'autres informations Des informants – rien d’autre ! On préfère tout naturellement les réponses données à des questions jamais posées. Nous rappelant, mais distraitement, la tradition des Écritures... On nous demandait simplement de les lire comme des réponses, des voix qui nous parlent et qui s'explicitent textuellement par un commentaire en règle. Rien de plus. Tout notre Occident, rien de moins, construirait ainsi son Histoire sur la monumentalité du texte, la fidélité à l'esprit vivant, la méfiance envers la vétusté de la lettre – mais, en même temps un appel constant "à la lettre".

Toute cette Histoire qui nous ébahit encore serait-elle que le simple remaniement perpétuel d'une fiction ? Heidegger fait déraper l'Histoire sur un défaut de traduction et un oubli conséquent de la question fondamentale, la question de l'Être. La position la plus radicale est tenue non par Foucault qui laissera glisser le Mot vain sur la Chose tout aussi vaine( poussant jusqu'à sa limite la longue habitude nominaliste;l'absurdité de tout rationalisme opposé à son envers supposé irrationaliste) mais par Pierre Legendre qui traite des manigances textuelles en se situant au difficile point de vue de l'irréparable du savoir; le discours (ou la lettre) d'amour et la jouis-sens. Position difficile à assumer ou suivre dans ses conséquences sinon politiquement, elle n'en dénonce pas moins la mollesse de ses contemporains qui en restaient au seul plaisir du texte, à sa belle retenue, celle d'une convenance gardant met1culeusement le fantasme dans l'ordre des indicibles ou des ineffables. A cela la psychanalyse ordinaire ne change rien en faisant le rabâchage des fantasmes, elle ne leur réclame pas moins d'être sages comme images ( dans une société de l'audiovisuel rien de plus actuel que cette sagesse proverbiale...) en prétendant qu'ils nous innocentent en se substituant à l'acte criminel, en calant, cramponnant le désir ( Cf. mon « Pour une anté-psychiatrie »).Car pour elle, il s'agit de rentrer en science, de garder une certaine distance.

Pourtant des brèches interviennent et relèvent la science de sa vocation de nonne. Scientifiquement nous nous emmêlons malgré nous avec du désir. Avec de désir, nous n’en restons pas moins scientifiques.

Il nous faut seulement apprendre à laisser tomber la raison classique, lentement, avec sérénité. Si le psychanalyste est attentif, ne reste pas longtemps dans l’endroit commun, ne cherche pas à rejoindre ou disjoindre l’institution, s’il ne laisse pas tomber le fantasme avec le reste ,il redécouvre l'intensité de l'inconscient, la logique du Phantasme, l'autre (de la) logique. Il mise sur la différentielle : l’espacement du temps (voir infra « sur la temporalité du phantasme ») . .. .

Nous allons donc ici marquer plus strictement le PAS, poursuivre plus radicalement la mise à pied, la débauche de la psychanalyse. Se défaire de son habitude d’avoir l'oreille ou plutôt l’œil en coin, pour se jouer d'effets d'incidence, pour ne pas tenir compte de ce qu'elle clamait être l’essentiel, l'inconscient ? Ou sera-ce pour se régler sur l'évidence de son aveuglement, avoir l'oreille familière plutôt que musicale ?

Pour tout cela, et, question de méthode, pas à pas, un certain. H.P Lovecraft avec sa Dream-Quest of Unknown Kadath nous y aidera. Par ses tours il détourne la psychanalyse en s'y laissant prendre. Elle s'y laisse prendre et enfin se libère, s'y annule tranquillement sans spectacle.

Nous demanderons, nous quêterons, enquêterons en route vers cet « unknown » dans le rêve : Le rêve est-il un texte ? Le texte, un rêve ? Un rêve dans un texte est le rêve du texte;il en réalise d'une certaine façon, le désir. Il se détache de l'auteur au point de ne plus être tout à fait un rêve de l'auteur. S'il renvoie a sa «vie » ce sera en "à coté".
D'ailleurs rien de moins certain que les traces biographiques. Comme le reste, elles glissent. Pourtant pour H.P Lovecraft elles s'imposeraient, biographie en rêves de retranscriptions de rêves plus ou moins arrangés en une histoire cohérente. Dans ce cas la biographie fonderait-elle le texte ? Ne nous précipitons pas sur cette aubaine. Dans les oeuvres véritables note, au passage d'un Chemin Heidegger « l'artiste reste, par rapport ~ l’œuvre quelque chose d’indifférent, à peu près comme s’il était un passage pour la naissance de l'œuvre »

Pour le marché des oeuvres seule la biographie n'est pas un passage indifférent, compte pour œuvre. Freud en ce sens ouvre un marché, il rend intéressant ce qu'il y a de plus inintéressant, la biographie, le reste d'existence. Mais en même temps lorsqu'un Freud approche un Jensen ou plus encore un Schreber peut-il faire autrement - il n'y a que des restes ? L’un nous écrit pour nous raconter des histoires, un récit qui peut bien prendre la tournure d'un récit de cure type (après tout rien de plus banal) l'autre ne nous écrira pas afin de se (nous) raconter des histoires. Notre Lovecraft se situe entre les deux. Nous ne savons pas a priori s'il nous écrit ou si quelqu'un d'autre s'écrit pour nous à travers lui.

D'autre part le titre du récit qui nous retient, nomme aussitôt le champ du rêve ; Dream Quest of the Unknown Kadath. Lovecraft souligne qu'il écrit entre rêve et veille, qu'il retranscrit ses rêves. Dans ce cas texte et rêve se confondent presque et le destinataire risque de ne pas être un lecteur, un simple nous anonyme mais cet autre que manque toujours Schreber pour nous communiquer quelque chose.

 
 

Question de méthode 

A. Le Langage, le Phantasme et la Temporalité.
L'inconscient, c'est par là que le texte interroge et est interrogé. C'est par là que texte et rêve s'associent pour différer. Car l'inconscient au même moment où il vient renforcer la réalité pour et par la science vient en même temps «pulser» la science par et pour la réalité comme hétérogène. L'appui souterrain est uniquement dans cet «en même temps». Ne nous assure de rien. Ne peut pas plus rendre quelque chose «certain» qu'il ne peut donner la «sécurité», puisque pris dans un temps dédoublé, un «en même temps». Cette temporalité dédoublée, cet «en même temps» est précisément le lieu où s'avance la théorie freudienne tout en l'esquivant. Cette temporalité est la temporalité du «phantasme» sa logique qui se déploie étrangement avec et à travers le présent (die Gegenwart) et en même temps en déployant toutes les formes de la présence adj.: gegenwärtig, anwesend, vorhanden; être présent à, se dit bei-wohnen et aussi la forme latine (Präsens), le passé (das Vergangene, die Vergangenheit), le futur (die Zukunft, das Futurum). Cette temporalité nous est présentée dans un petit article de Freud qui nous parle du «poète» (Dichter) et du «fantasme» qui fait partie de ce qu'il est convenu d'appeler «Essais de psychanalyse appliquée» et s'inscrit en français sous le titre de «La création littéraire et le rêve éveillé». Le texte parle «d'estampille temporelle» du fantasme et de la signifiance de son «rapport proportionnel» (Verhältnis) au « temps ». Ce rapport proportionnel (ou proportionné) il l'entretient parce qu'il est sensé produire une « réalisation du/d'un désir » (Wunscherfüllung). La traduction anglaise que nous avançons ici donne:

«the relation of phantasies to time is altogether of great importance. One may say that a phantasy at one and the same moment hovers between three periods of time -the three periods of our ideation (Vorstellen). The activity of phantasy in the mind is linked up with some current impression (Arbeit = work) occasioned by some event (Anlass) in the present, which had the power to rouse an intense desire. From there it wanders back to the memory of an early experience (Erlebniss).
(De même pour « memory » le texte allemand a utilisé plus exactement « Errinerung » qui comporte une dimension d'intériorisation que ne comporte pas le mot « memory » ), generally belonging to infancy, in which this wish was fulfilled. Then it creates for itself a situation which is to emerge in the future, representing the fulfilment of the wish -this is the day-dream or phantasy, which now carries in its traces both of the occasion which engendered it and of some past memory. So past, present and future are threaded, as it were, on the string of the wish that runs through them all ».
Et Freud reprend plus loin avec concision après avoir tenté un exemple: « the wish employs some event in the present to plan a future on the pattern of the past ». Nous donnerons ici aussi la citation en langue originale:

« ...der Wunsch einen (Anlass) der Gegenwart benützt, um sich nach dem Muster der Vergangenheit ein Zukunftsbild zu entwerfen ».

Car seule en langue originale la question du rapport proportionné du fantasme par le désir qu'il accomplit au temps est « pensable ». En anglais comme en Français, le présent, le passé, le futur ne disent rien de plus que ce qu'ils sont quotidiennement: des repères dans le temps ; le présent « est », le passé « était » et le futur « sera », et la conjugaison «être» ne peut même plus faire problème.

Or avec Lovecraft il faudra penser la « temporalité » dans le fantasme comme ce retour qui s'annonce au futur. Or il faudra éclater Lovecraft avec Freud qui enferme le retour dans un retour de l'enfance ou un retour à l'enfance. Le retour qu'effectue le fantasme est un « retour » tout à fait retors qui ne s'effectue que du « temps ». Et c'est là précisément où Freud fait un saut, ou du moins questionne la métaphysique. Derrida en fait la remarque dans l' écriture et la différence à la p. 314 dans une articulation de son texte intitulée « Freud et la scène de l'écriture ». Ecoutons cette remarque: « ...que le présent en général ne soit pas originaire mais reconstitué, qu’il ne soit pas la forme absolue, pleinement vivante et constituante de l'expérience, qu'il n'y ait pas de pureté du présent vivant, tel est le thème, formidable pour l'histoire de la métaphysique, que Freud nous appelle à penser à travers une conceptualité inégale à la chose même ».
Sans report à cette problématique de la « temporalité », l'inconscient reste à la merci des errances contemporaines et ne peut être perçu comme un « appui » égal à la résistance souterraine. Mais encore faudra-t-il que cette temporalité questionnée s'ouvre à l'intérieur du Langage. Sans cette ouverture (avec) vers le langage, l'inconscient demeure dans une région que l'on peut déterminer comme lieu des maniements (divers) qui, sous le nom de psychologie(et plus effrontément) de psychanalyse, s'annoncent et se multiplient un peu partout -avec une élection cependant pour les entreprises -à titre de « formation permanente » personnelle ou collective, et l'on se doit d’ajouter «formation permanente à la soumission heureuse » S'il peut prétendre dans cette ambiance à une dimension de concept, il ne peut s'agir que d'un concept fondé extérieurement sur ce que je risquerais d'appeler encore essence de l'homme et dont le langage a la garde (1)

Il n'y a d'inconscient que pour l'être parlant
Il n'y a pas d'inconscient chez l'animal, il y a seulement un in-conscient au sens de la « perte » de conscience (Bewusstlos). L'inconscient c'est ce qui fait qu'il ne puisse y avoir pour l'homme de « corps » au sens d'un Vorhandensein ce parce qu'il consiste avec le langage. Pour l'homme, on ne peut pas dire que « le corps animé n'est pas un attribut d'un sujet, mais -qu'il est plutôt lui-même substrat (ousia) et matière (hylé), que le « corps », lui, est seulement ce qui est en puissance » (Aristote, De l'âme, Il 412 a et Il 413 a). Parce que l'homme s'origine au langage, il n'a pas de corps, non pas au sens où l'histoire occidentale avec son christianisme l'expulse en l'identifiant au mal, l'expulse en fait dès son aube grecque comme sépulture de l'âme. Il n'a pas de corps au sens où corps signifie une expulsion, un être animal de l'homme. Que le corps langage, voilà qui aurait dû mettre radicalement fin aux expérimentations qui isolent la maladie sur un organe et donnent à la maladie une existence indépendante. En fait, que le corps langage, c'est ce qui ne peut pas encore s'entendre. Nous proposons cependant à l'Ordre des Médecins, qui est en fait devenu l'ordre de tous, de réfléchir sur ce qui concrètement a pu être reconsidéré de la médecine dans l'expérience chinoise et en même temps avec la psychanalyse et ce que l'on pourrait suggérer en partant en particulier de l'hystérique... Mais voilà qui est bien dur à envisager aujourd'hui où la science fait tant de progrès et quadrille avec de plus en plus de précision la « réalité ».

L'inconscient est incompatible avec la science telle qu'elle se détermine comme expulsion du (corps) sujet et plus encore comme rejet du rapport de projet entre le sujet et l'objet, son rapport proportionné. La science, c'est la sortie de soi de l'objet qui ne peut revenir à soi que comme réalité objective indépendante de soi. Or l'inconscient rétablit un rapport du sujet à la science. C'est ce qu'encore on ne voit pas, parce qu'on évite à chaque fois de le voir, parce qu'il est encore trop facile d'admirer la réalité telle que nous la présente le quadrillage de la science actuelle. Le plus souvent, cette facilité s'exprime par le fait que toute interrogation critique de la science est perçue comme retour sur le passé et non comme annonce d'autre chose.
Mais quelle est cette « autre chose » qui s'annonce ? Et depuis quand s'annonce-t-elle ? Cette autre chose est tout simplement ce qui dans le rassemblement de l'autre et du même qui pointe son « ou l'un ou l'autre menaçant »,le Logos , comme « autre » c'est toujours déjà avancé en même temps. A la question « depuis quand ? » nous avons donc répondu « toujours ! ». Toujours et en même temps ce qui s'annonce s'est annoncé. Ce, dans les textes limites, si de tels textes peuvent être entendus autrement que dans leur « publicité » du côté de Tel Quel et aussi hors de textes, mais cependant en même temps, avec des textes les plus à même d'inspirer le « respect » culturel. L'expérience des limites, disons ce qui risque l'autre (hétérogénéité) peut être rencontrée dans tous les textes, dans le sens où cette rencontre suppose un lire avisé « capable » en même temps d'écrire, ce que nous appelons un corps à corps. C'est dire qu'il ne suffit pas de savoir lire et écrire.

 
 

B. Ecrire avec (un) Freud.

« Nous » profane, novice en la matière, « nous » Freud, le médecin qui se retirait avec peine de la médecine, ne pouvons saisir « appréhender » immédiatement. quoi ? La Dichtung. La Dichtung, que l'on traduira quelque fois par « Poésie », alors qu'il existe en Allemand, pour désigner la « poésie » un mot, « die Poesie ». La Dichtung, dira-t-on, « création », « production », production-textuelle. La Dichtung n'a pas nécessairement de « limite », elle ne détermine pas nécessairement une « région » de pratique comme la « poésie ». Nous garderons Dichtung, pour l'instant, avec ce « nous-novice » qui est toujours et avec (la) force (de l'admiration, de l'hébétude même) pousser à savoir. A savoir ce qui « pulse », non pas à écrire, mais à lui écrire, écrire à ce « nous » profane, le médecin qui aime tant lire, se cultiver. Car nous-freud sommes un médecin cultivé, nous savons nous référer à nos petits classiques. ... Nous écrire c'est-à-dire non pas « pourquoi » le Dichter écrit, mais bien « comment » il écrit de telle sorte qu'il nous émeut. Soit comment il vient vers nous, nous « public », nous seuls qui avons en notre pouvoir, par notre « innocence » d'écriture, le publiciter. Nous les « innocents », les « vierges » d'écriture, nous qui « voulons », en fait, garder notre virginité d'être parlant, d'être « parole », parole vive et donc plus apte à nous émouvoir de ce qui émeut « vraiment », ce qui « touche » ; nous-freud, nous les nouveaux critiques, les annonciateurs de la critique nouvelle. Nous qui faisons avec des « comment » des « comment -taires » sans « pourquoi », nous toute oreille, toute grosse et gonflée. Nous gros oeil pour lire, nous qui ne pouvons pas écrire et n'avons pas de mains, nous voulons être la parole du public qui montre au public comment il nous écrit. COMMENT IL NOUS ECRIT, c'est le leitmotif de toujours et, c'est encore la bannière de victoire des sémiotiques. Comment il nous écrit et nous « fabrique » du « discours » strictement « vivant », « organisé », etc. Pourquoi il écrit, qu'est-ce que cela peut, nous-freud, faire ? On sait qu'il « sublime » - nous verrons comme il « lime » sous le fantasme à la « racine » pour le rendre lisible-supportable à « nous ». C'est suffisant.
C'est ainsi que se trouve manié le texte-leonardo et peut-être encore plus outrancière ment le texte-jensen (nous y reviendrons). Et si l'on reconnaît à Freud le mérite de se pencher sur le « pourquoi écrire », on peut le reconnaître lorsqu'on est encore emberlificoté dans le texte freudien. ...mais en vérité en vérité il vous le dit, il s'en contre fout jusqu'au bord de la mort car là le vieillard tranquillisé par la prise de pouvoir de la psychanalyse privée de l'Inconscient se met à « pondre de l'écrit » en trafiquant, sans hasard, avec les origines sauvages et scriptuaires de Moïse l'égyptien et du texte solaire. Ne nous fait-il pas encore le coup de Platon (le Phèdre naturellement, mais aussi le Philèbe, mais encore plus étrangement le Critias) un regard descendant dans l'antiquité caverneuse et scriptique. Mais la question, pour l'instant, demeure « comment il nous écrit » et comment nous écrivant il écrit avec nous: il communique alors ?! Mais oui, chez Freud aussi la « communication » (que notre Lacan ne voit que chez nos voisins d'outre atlantique) marche à fond. Chez Freud comme dans tous les textes, il y a tout ce qu'on veut: nous-anglosaxons disons
« ça » communique, nous-lacan disons « ça » ne communique pas, nous-freud ne savons pas toujours ce que ça fabrique. Eh oui il nous écrit, qu'il écrive cela est une autre paire de manches ; dans le texte-freud, ça branle dans le manche. Il nous écrit et écrit avec ce « nous ». Alors on peut toujours feindre une admiration hébétée devant la remarquable personnalité du Dichter. Nous-freud allons chercher dans les « textes » uniquement ce qui illustre (ou nous rend illustres) notre psychanalyse. Et pour mieux aller chercher nos illustrations, il nous faut donner un contenu à cette admiration de profane. Nous-freud aménagerons préalablement ce filet pour y prendre le Dichter. Le filet le voici. C'est aussi le filon. Alors, filons filous avant de s'y faire prendre... Le Dichter est celui qui, d'une certaine matière, « sait » quelque chose qui échappe (de prime abord) à l'homme de science. Il sait ce qui revient à l'être de l'homme le fameux « Kern unseres Wesens » c'est-à-dire pour la psychanalyse - et là déjà le Dichter ne devient que le dicteur - quelque chose qui ne peut tenir que d'un aménagement (fragile, dit Freud, mais en fait bien réel)d'une région déterminée par deux points, le normal et le pathologique, c'est-à-dire la nouvelle version du Bien et du Mal. Cela mériterait de longs développements, de longues répétitions de ce qui déjà traité, certes, n'en demeure pas moins à entendre dans la « croissance du désert »...
Nous-freud, en esquissant un inconscient tout aussitôt bafoué, rayé, raturé (beurk, pas propre, s'écrie l'écrivain de boulevard, le docteur Freud) sous le pathologique, nous refermons les quadrillages policiers dans le champ de la « psyché » et de son « noyau » essentiel; nous l'inscrivons sur l'organisme « hystériquement », hystoiriquement. Avec une plus grande subtilité, ce qui permet un « aveuglement » tel que des forces subversives peuvent aujourd'hui s'armer de ce qui les contre; une psychanalyse telle que l'inconscient ne figure que dans ce qui l'étrangle : le discours du policier freud. Comment il (le Dichter) nous (Freud, la psychanalyse...) écrit (nous parle, nous é-meut). C'est en fait l'affaire d'un quadrillage de la page, ou d'une rhétorique (en gardant bien en vue les fins juridictionnelles de la Rhétorique) c'est un « poliçage » du discours, la mise en avant de recettes choisies pour leur efficacité sur l'auditoire. Et si le Dichter, il sait « quelque chose » de plus que le médecin qui fait semblant d'être en retrait et profane en la « matière » littéraire, il ne sait rien de plus en fait que cette technique , car le contenu, nous-freud, nous avons vite fait de le servir en illustration. Le Dichter nous écrit afin de nous émouvoir, c'est-à-dire qu'il dispose d'une « rhétorique », et, nous le verrons plus loin, mettant le texte « proprement » en forme rend possible des « émotions » insoupçonnées par nous-freud, des « émotions » appuyées sur des fantasmes dont normalement nous aurions honte et culpabilité s'il n'y avait pas précisément un « comment ça se dit » ; une Rhétorique Le « comment ça se dit proprement » est finalement la seule question de nous-freud, celle du « choix de la matière » n'est qu'une enseigne et un bouclier ( « choix de la matière » Stoffwahl, une enseigne das Schild, un bouclier der Schild). Il y a quelque part encore un modèle a priori qui décide de l'artitude de l'art : sa région et son pouvoir. Freud part du fait qu'il y a une « région » de l'art constituée, en faisant cependant tourner légèrement les choses en se situant du côté d'une « mauvaise » littérature (le second rayon): « Halten wir uns an die Letzteren und suchen wir für unsere Vergleichung nicht gerade jene Dichter aus, die von der Kritik am höchsten geschätzt werden, sondern die anspruchs-loseren Erzähler von Romanen, Novellen und Geschichten, die dafür die zahlereichsten und eifrigsten Leser und Leserinnen finden ». Der Dichter und das Phantasieren.

Mais c'est bien là un tour de Freud, un tour de médecin de quartier qui n'entend pas forcément parler des grands maîtres, mais aussi de Nous Deux ou de France-Dimanche. Nous Profanes (Uns Laien), nous-freud qui sommes hors du temple (Latin : fanum) qui sommes du moins devant ses portes, nous-freud par cela même, nous ne pouvons nous salir les mains, nous ne pouvons subir les aveuglements de ceux qui, à l'intérieur du temple de l'Ecriture, sacrifient à Thot.

Hors du temple, nous sommes nous-freud ceux qui répétons inlassablement dans l'admiration hébétée du profane (du péquenot) mais comment donc il nous écrit, c'est-à-dire mais comment donc peut-il dans le sombre du temple empli de fantasmes ob-scènes écrire pour nous qui sommes parfaitement sains (ou du moins comme tout le monde, puisque tout le monde est névrosé, mais c'est tout le monde que nous sommes et non un névrosé, un cas. ) Comment peut-on même l'instant d'un jeu de « présentation » de rhétorique parler même ainsi « Uns Laien ». Mais enfin ? pas pour longtemps, rassurez-vous, vous-freud, aux portes du temple. Nous-freud percerons le « secret » du Dichter comme nous perçons le fond (Bestand) du langage (die Sprache). Il suffira de le chopper au signifiant près et vous le refiler en signifié. Car en fait il n'y a que ça de vrai, le reste n'est que travestissement!). Tiens, Jensen, prends ça, je te dis que tu fais sans le savoir une étude/histoire de cas. Jensen ne répond pas. Quand je vous disais, partout le même thème, un névrosé ce Jensen (nous-freud se frotte les mains) il ne veut rien entendre à la psychanalyse en plus. Freud se console en se chauffant au feu de bois de la biographie de Jensen. Il fallait bien ça, car un texte cache quelque chose de pas sain. Et seul nous-freud pouvons savoir que finalement ce défilé articulé de signifiants a un contenu, un signifié. ...Nous-freud, ne pouvons pas nous contenir, ne voulons pas de secret; nous, profanes, profanerons pour construire notre temple de vérité sur les cendres de ce qui nous précède pourtant: car en fait je vous le dis, en vérité, Moïse Freud n'était pas juif, mais Egyptien. C'est là toute l'ironie presque déchirante du texte freudien c'est toute la force de l'inconscient bafoué qui s'aménage sa retraite. C'est là le mauvais tour au flic-freud. C'est que Freud n'a pas l'unité « génital » que prescrit (médicalement) son « système » ; il y a plusieurs freud partialisés par le texte-freud en tant que s'y réserve ouvertement le re-trait de l'inconscient.
Re-trait » que la note peut-être… Le re-trait est une affaire du texte-freud avec ses Verbergen, Verstecken, Verhüllen et Enthünen. Le re-trait, le with-draw qui doit s'entendre avec le trait, le dessin (drawing), avec le « tissu », les « voiles » (hüllen) qui est la texture du texte. Le retrait, hors du temple, nous-freud profane interrogeons le comment ça (qui peut-être l'inconscient bafoué) nous (é)crit proprement, c'est-à-dire nous é-meut. Comment il nous écrit à nous, dans la propreté qui est notre propre, c'est le coup d'un cadeau qu'il nous assène. Le « plus » qui semble être gardé par le Dichter, cette enjolivure est capitale. C'est une « lettre » capitale qu'il nous dédie, c'est un divertissement offert aux Dames. Nous-freud nous sommes des Grandes-Dames qui chastement recevons le « cadeau ». Cadeau, désigne en français d'abord une « lettre capitale » avec enjolivures et est donc en rapport à l'enluminure. C'est ensuite simplement une « enjolivure » au propre comme au figuré. Molière utilise « cadeau » dans la direction d'un divertissement offert aux Dames et prend par la suite la signification de « présent », du provençal « capdel » chef, issu du Latin « capitellum », dérivé de caput tête. Le verbe cadeler signifie « enjoliver ». Affaire « capitale » le « cadeau » chez Freud est une « chiure » enjolivée le remerciement pour un « caca » un caca dodo et « pan pan cucu ». C'est dans l'orifice anal que s'organise le « cadeau » la « chiure ». Tiens voilà mon « caca'» s'écrit celui qui offre le cadeau sans le savoir. Et le « cadeau » en proximité du « cul » nous raconte des histoires de fric et ce depuis la sombre et sacrificielle Babylone

« The excrement of Hell » is « Gold » (Cf. Freud CP II Character and anal erotism). « It is probable that the first significance which faecal interest develops is not gold-money, but 'gift'. The child bas no knowledge of money other than that received as a gift, no idea of money earned or belonging to it, inherited. Since its faeces constitute its first gift, the child easily transfers interest from this substance to the new one that meets it as the most valuable form of gift in life... » Freud, CP II On the Transformation of Instincts.

Il, le Dichter, écrit, à nous-freud. Il nous fait ce « cadeau » cette chiure enjolivée. Ce de par l'agencement, la disposition, le quadrillage, la rhé- torique. Ce qui « pousse » à écrire, c'est sans doute pareil que ce qui pousse à chier; du moins des expressions comme coucher sur le papier, pondre un texte, accoucher d'un texte, mettre bas, tracent-elles un rapport entre faeces, enfant, pénis de la mère qu'il nous faudra développer selon la thématique; il n'y a pas de paternité d'un texte, mais toujours une maternité où l'écrivant dit: je suis une femme, la femme (et où il est bien entendu que le psychanalyste qui travaille avec une stricte anatomie du sexe ne voudra pas s'aventurer: il prendra position dans/avec la seule parole). Nous-freud tiendrons bon la rampe ; il nous écrit. Mais comment il nous écrit, il nous fait un « cadeau », dans quel espace cela se structure-t-il, où la sommation à ce comment-écrire (à nous) prend corps ? Qu'est-ce que le Dichter porte-t-il dans sa « remarquable personnalité », lui qui est dans le temple et (y) puise sa matière... ? Sa matière c'est-à-dire la matière de la lettre qu'il nous écrit. L'écrit et la matière serait-ce la même chose ? La lettre d'amour et l'écrit sont une seule et même chose. Le texte est lettre d'amour. C'est pourquoi, bien qu'il nous écrive, le Dichter ne s'adresse pas à nous. C'est bien ce que nous-freud faisons consister dans le fantasme qu'il faudrait ici écrire « phantasme », car il y va de quelque chose de plus fondamental que l'imagerie des fantasmes. La lettre, l'écrit. La lettre d'amour s'adresse à l'amant/l'aimé, bien qu'il ne soit pas sûr qu'il y ait autre chose que l'adresse sur l'enveloppe pour dire qu'elle lui est adressée. L'écrit, comme livre, s'adresse au lecteur, mais il n'y a aucune « adresse ». La couverture d'un livre n'est pas l'enveloppe. Et surtout le lecteur est tout lecteur. Le destinataire est inconnu de celui qui a écrit un livre. Pourtant ce « tout lecteur » est en quelque sorte compris dans l'écrit. Il y est compris comme celui à qui s'adresse « vraiment » le livre. Notre H.P, Lovecraft nous le dit très bien: « the maddening need to place again... » ...

L'écrit est ici nettement « incestueux ». Nous y reviendrons. Disons que le destinataire de l'écrit-lettre n'est pas le lecteur, mais ce qui est sommation dans ce sens, il y va d'un RETOUR, mais d'un Re-tour en re-trait. Il s'agit d'un « détour », d'un détour nécessaire par le « lecteur » qui a le mérite d'être « anonyme », au sens où le livre ne porte aucune adresse. Il faut saisir là une « raison » d'écrire, en ne perdant pas de vue une sommation beaucoup plus nocturne, que laisse très bien percevoir le texte maçonnique de « Die Zauberflôte » en plaçant l'impulse de l'agir dans le Désir (hautement inconscient) de la Reine de la Nuit, et que Freud subit dans la découverte du « phantasme », avec le mérite de la platitude. La platitude est déjà là; mais comment donc il nous écrit, s'écrie-t-il hébété d'admiration en prenant la plume d'un Schreiber scientifique, c'est-à-dire une plume-parlante, essayant un moyen de forcer les portes du temple.
Nous-freud, nous-profanes.
« Wenn wir wenigstens bei uns oder bei unsergleichen einen dem Dichter irgendwie verwandte Tätigkeit auffinden könnten !
Chez nous, auprès de nous-freud, c'est impossible, nous sommes profanes, auprès de nos semblables ce sera sans doute possible; il suffit d'intriguer. On trouvera bien sûr les sources éternelles: l'enfant, la prime enfance, le névrosé, le rêveur, le pervers, peut-être pas le psychotique -on n'en parle que lorsque nous-freud faisons semblant d'entendre parler Schreber à travers son écrit (il fallait le faire: entendre des voix! Il fallait s'appeler Freud). Nous-freud, profanes allons pouvoir trouver un expédient et sans avoir à forcer les portes du temple -gardiens des écritures, nous trouverons un moyen de contourner: il y a toujours des «comme», des moyens de comparer sans se mouiller autrement que dans ses propres histoires. Nous-freud nous ne nous prenons les doigts qu'à la psychanalyse pour en finir avec ce dangereux inconscient qui par mégarde s'est dé-couvert (en) (à) nous. Nous qui ne sommes pas un penseur, avoir à penser l'Etre comme Inconscient, trop de responsabilité. Restons médecin et trouvons vite des garde-fous. L'inconscient est dans le temple et nous-freud, allons contourner le temple. Contourner veut dire n'en pouvoir jamais finir avec ce comment donc celui qui est l'inspiration du temple prend sa matière-textuelle, comment il la porte à stase (zustande bringt) s'arrête aussi pour l'empoigner, la saisir et ce pour nous é-mouvoir (Er-regen) ? Comment il. c'est-à-dire la question de son « effectivité » à nous é-mouvoir.

Nous é-mouvoir, soit nous porter dans le mouvement d'un « savoir » dont nous n'avons pas le savoir, normalement, l'inconscient. Mais on sait qu'avec nous-freud il faut se méfier, car souvent, sous couvert d'une formation de l'inconscient, il fait le coup du Père François à l'inconscient, il le jugule, il en fait une région alors que l'inconscient « est proprement dispersant »... (le temple sans portes, ni murs... donc... le dé-cèle...). Le proprement dispersant de l'inconscient est indiqué, peut-être lu derrière/en avant de ce qui, sous couvert de pathologie, se dessine d'une syntaxe du rêve dans la Traumdeutung, du « Witz » et des para-praxis (nous nommons là le célèbre Triptyque. ) Il ne faudrait pas croire, cependant, qu'une lecture de Freud s'y limita ,par imitation... Est indiqué, et le demeurera, tant que l'on persistera à ne lire que des histoires de cas de cul, tant qu'on marchera à l'un-freud génitalisé et capitalisé, le bon travailleur-freud. Avec Marx, Freud est un bon travailleur et personne n'est dupe que ce soit du côté des freudo-marxistes ou des partisans féroces de l'un OU de l'autre. Nous (c'est-à-dire moi) lisons le texte-freud avec l'inconscient; il n'existe pas de littéralité freudienne, pas plus que de texte-même. Mais revenons donc, si nous nous sommes jamais éloignés de la question du nous-freud s'interrogeant sur le comment le Dichter prend sa matière textuelle, comment il la porte à stases (zustande bringt), s'arrête pour l'empoigner, la saisir, afin de faire monter devant nous, en appelant (hervorgerufen) des é-motions (Er-regungen). Comment encore dans le « comment » nous-freud cernons la vérité effective, l'effectivité - efficace (Wirklichkeit) de la Dichtung. Et il n'est pas trop risqué d'entendre cette Wirklichkeit dans la Gradiva de Jensen autour de ce qui se dit des « personnages » ; malgré la remarque « étrangeante » de « notre lecteur » : « Unsere Leser werden gewiss mit Befremden bemerkt haben, dass wir Norbert Hanold und Zoë Bertgang in allen ihren seelischen Ausserungen und Tätigkeiten bisher behandelt haben, als wären sie wirkliche Individuen und nicht Geschöpfe eines Dichters, als wäre der Sinn des Dichters ein absolut durchlässiges, nicht ein brechendes oder trübendes Medium » p. 41, II Kapitel et encore du côté de « Sonst aber, das wollen wir wiederholen, hat uns der Dichter eine vollig korrekte psychiatrische Studie geliefert... » et encore, la régionalisation de la Dichtung ; son domaine; « Die Schilderung des menschlichen Seelenlebens ist ja seine eigentlichste Domäne ; er (der Dichter) war jederzeit der Vorläufer der Wissenschaft und so auch der wissenschaftlichen Psychologie... » p. 43.

 L'écrire, l'écriture sont donc en quelque sorte exclus. L'écriture n'est que l'artifice permettant au « texte » d'être pleinement illustrant, et donc de « conduire » les personnages de « roman » à. être « comme » de vraies-personnes, de vrais individus. Une affaire de rhétorique, ou plutôt de Poétique. Ce qui situe le texte freudien dans la répétition, non pas de la Poétique d'Aristote, qui nous enseigne encore, mais la répétition des fixations spécifiques offertes par un quotidien de commentaires de cette Poétique. Ce qui peut sembler une innovation, si nous sommes obsédés par l’innovation comme le sont en général les « modernistes », cependant, ce sera la tension de Freud à saisir dans le « comment il nous écrit » un « rapport » au fantasme en tant (et autant) qu'il porte soutien (source) aussi la « sublimation ». Mais cela ne retire pas l'insistance dans le « comment », ne doit pas nous aveugler au point de ne voir chez Freud qu'une « théorie du sujet »... C'est à travers la disposition de la matière et non pas à partir et à travers la matière que le Dichter nous porte à nous é-mouvoir d'é-motions dont nous n'avons pas nécessairement la quotidienne capacité (Fähigkeit) de tenir en notre propre. Il y a de la matière qui n'est pas propre (à nous émouvoir) ou plus justement la matière, si elle n'est pas proprement disposée, ne fait pas une «oeuvre d'art», peut-elle, même, faire «texte» ?. La disposition propre est celle que l'on peut entendre à s'y fixer, dans la poétique d'Aristote en tant qu'elle définira pour Freud la Propreté du texte comme texte, pour être «oeuvre » et non pas seulement texte (de maladie, bien évidemment). De toute manière, nous-freud ne seront rien d'autre que des lecteurs, des « profanes ». C'est dire que Freud ne sait pas lire. Car ne sait lire que celui qui « peut » écrire. Mais Freud « peut » écrire en constatant en même temps qu'il n'est pas un Dichter. Il sait donc lire, à la manière d'un Freud, c'est-à-dire avec un REGARD EN COIN. Et l'on connaît la place que l'existentialisme (de Sartre, cf. L'Etre et le Néant, psychanalyse existentielle) et avec lui Lacan, ont su par la suite donner au REGARD: la clarté et l'évidence métaphysique (Cf. à ce sujet Heidegger). Quant à l'Oreille, il faut la disposer dans l'espace de la séance... Le regard en coin est par deux fois nommé dans l'article dont nous nous occupons ici; « das Ich mit der Rolle des Zuschauers », le Je de Freud comme « héros » d'une histoire, d'un roman à bon marché, mais fleuve (18 volumes !)la psychanalyse. Le Je de Freud en tant que psychologie d'individu non créateur nous « ayant habitués » à voir le je dans le rôle de l'en-train-de-regarder dans le rêve diurne avec quoi nous-freud « comparons » (c'est-à-dire ramenons, réduisons) le « texte ». Freud, le lecteur en train de regarder, avec envie, la simplicité du roman bon marché, s'exaspérant du caractère « bigarré » dispersant, morcelé, que « nous offrent les caractères humains dans la réalité ». Le roman bon marché et le rêve diurne, qui accordent cette simplicité enviable qui nous rendent les choses si évidentes, nous laissant tranquille dans cette position de l' « en-train-de-regarder ». Regarder ce qui se passe en sachant bien que ce qui se passe « réalise nos désirs » - à savoir que dans le roman à bon marché il y a les bons, les méchants, le héros auquel nécessairement le lecteur s'identifie, ce dans un espace clos et achevé... Ici « réalisation de désirs » signifie seulement la « simple assurance », le texte en tant qu'il réassure, en tant qu'il n'est que texte, même s'il peut laisser de l'Unheimlichkeit transparaître; ce n'est que de la littérature ! ouf il était temps. (Voilà ce que nous appelons ici réalisation des désirs.) De ce point de vue d'un Je-Freud en train de regarder (lecteur, spectateur, car le spectacle constitue aussi un ancrage du texte sous le couvert du Spielen) une position se dessine au passage, « wie in vieler Altarbildern in einer Ecke das Bildnis des Stifters sichtbar ist ». Quelque chose est caché en coin dans le tableau. Ici, dans cet article, c'est la Dame - de l'amour courtois - qui se lit comme celle pour qui le héros travaille à être héros, c'est-à-dire accomplit des exploits. Dans un autre article, le donateur au coin du « tableau » en tant qu'il se fait présenter, illustre ce qui est incompatible avec les conditions de la psychanalyse. Dans ce même article qui n'est rien d'autre que celui que nous trouvons dans nos chers Collected Papers titré « Homosexuality in a woman », nous trouvons encore ces deux figures

« ...the first passionate adoration of a youth for a celebrated actress whom he regards as far above him, to whom be scarcely dares lift his bashful eyes » (CP II p. 218), and : « Once when l expounded to her a specially important part of the theory, one touching her nearly, she replied in an inimitable tone 'How very interesting', as though she were a grande dame being taken over a museum and glancing through her lorgnon at objects to which she was completely indifferent » (CP II p. 221).

L’œil de l'amour courtois et l’œil discourtois envers la théorie analytique... Ayons cet œil double à l'oeil jusqu'où il crève les yeux : l'Oedipe crève les yeux et Freud met une chape sur l'inconscient comme il fabrique cette silencieuse patiente homosexuelle; une femme et qui plus est homosexuelle! Il était impossible de relater ce qu'elle pouvait dire d'autre, qu'en coin, noter et montrer combien Freud en son coin tremble; pas de transfert, je ne suis pas le père, je ne suis pas (je ne veux pas être la mère) alors seulement ceci: HOW VERY INTERESTING ! dit-elle, lui tendant deux doigts pointés vers ses deux yeux, prête à les lui enfoncer au bon moment; ça crève les yeux, que tu trembles, le transfert marche trop bien, il ne marche pas, rien ne va plus et Freud dévoile une vérité (de son être) qui n'est pas (comme on a trop tendance à le faire)limité à ce cas: le fameux en tant que je suis la psychanalyse

« it (the psycho-analytical work) leaves THE REST to biological research »

Et là toutes 1es adaptations, corrections de Lacan ne peuvent pas grand chose ; Freud aussi travaille à améliorer la race avec le modèle parfait du biologiste, le biologiste nazi. Mais certes il ne travaille pas dans le même sens. C'est avec de Bons Sentiments que Freud veut améliorer la race des « bons travailleurs », Pas d'immondes tortures, pas de camisole de force, mais simplement un dispositif d'encadrement des pulsions. Un tableau : un divan. Derrière le divan et en coin un fauteuil, l'envers du décor ou quant au « reste » : HE LEAVES IT TO THE BIOLOGICAL RESEARCH.
« ...wie in vieler Altarbildern in einer Ecke das Bildnis des Stifters sichtbar ist » et les prémisses : « nous-freud profanes s'interrogeant sur le comment le Dichter prend sa matière textuelle, comment il la porte à stases, s'arrête pour l'empoigner, la saisir, afin de faire remonter vers nous des é-motions où il dé-cèle l'effectivité (efficace) de la Dichtung jusqu'à la conclusion :
« you will remember that we said the day-dreamer hid (verbirgt) his phantasies carefully from the other people because he had reason to be ashamed of them. I may now add that even if he were to communicate,
(mitteilen: mit-teilen « partager » ou démembrer, diviser, avec, ensemble...)
them to us, he would give us no pleasure by his disclosures (Enthüllung). When we hear (erfahren : expérimenter, faire l'expérience) such phantasies they repel us or at least leave us cold
(le texte allemand dit plutôt quelque chose comme demeureront hautement froids auprès d'elles).
But when a man of literary talent (Dichter) presents (vorspielt, plutôt to perform) his plays (seine Spiele) or relates (erzählt: raconte) what we take to be his personal day-dreams. we experience (empfinden) great pleasure arising probably from many sources. How the writer (Dichter) accomplishes this is his innermost secret (le texte allemand : ce que le Dichter porte à stase (das zustande bringt) c'est son propre secret (avec tout ce que Ge-heim-nis peut comporter de plus « constructif » ) ; the essential ars poetica lies in the technique by which our feeling of repulsion (Abstossung) is overcome (in der Technik der Uberwindung jener Abstossung) and this has certainly to do with those barriers (Schranken) erected (erheben) between every individual being (Ich) and all the others (und den Anderen) (chaque "je" dans son unicité et les autre) et son extrémité: The writer softens the egotistical character of the day- drearo by (durch, à travers) changes (Abanderungen : corrections) and disguises (Verhüllungen: Enveloppement en Anglais serait à situer de « embroidered...)

LE REGARD EN COIN: Perhaps much that brings about this result consists in the writer's putting us into a position (in den Stand setzt) in which we can enjoy without reproach (Vorwurf, reproche à entendre avec Entwurf : projet, Verwurf; déjet...). Le comment il nous écrit consisterait donc dans le comment il nous posture en un coin proprement rassurant, nous pose en lecteurs voyeurs, incapables d’écrire…(suite du chapitre 1)

 
 

NOTE 1
Le langage se rencontre chez Freud en bien des endroits et les recherches de Lacan qui sont en la matière analytique les seules autorisées, dit-on, après Freud nous ont sans doute accoutumé à les repérer. Cependant il n'est pas dit que cette accoutumance soit à même de nous faire mesurer l'ampleur du rapport de l'inconscient au langage. Le terme d'accoutumance que nous traduirions en anglais par addiction doit être entendu. Et addiction ne s'applique pas essentiellement au rapport aux écrits de Lacan, mais à ce qui se déplace dans une certaine ambiance et qui prétend à une interrogation du domaine, que nous appellerons encore, de l'âme. Un domaine qui cherche, ou prend orientation vers/dans la pensée. Malgré les précisions que la formule, aujourd'hui un peu trop systématique, l'inconscient structuré comme un langage (outre qu'elle mériterait une révision mot à mot), a reçues depuis sa première formulation (cf. Scilicet n° 4 L'Etourdit) et que J'on sache alors qu'il ne puisse y avoir d'inconscient que pour l'être parlant (le parlêtre), le rapport au langage (die Sprache) demeure obscurci – déjà comme langage de la linguistique.
Obscurci d'abord parce que l'inconscient continu avec/après Freud, à se lire essentiellement en liaison avec la pathologie et donc avec le secteur médical (où le langage malgré tout ne peut viser autre chose qu'à une intention: signifier le (les) symptômes).
Obscurci par la consonance même d'inconscient qui ne sait faire le départage entre le Bewusstlos et l'Unbewust (Sein). L'absence du départage créant un espace difficilement reportable sur le langage. Obscurci par Lacan lui-même en ce qu'il appelle la linguistique (saussurienne) à la rescousse pour (re) saisir le texte freudien, qui serait sensé manquer à la perfection uniquement de ce qu'il manqua (historiquement, à supposer) son rapport à Saussure.
Obscurci par cet appel à une technique, dont on manque complètement l'inscription (métaphysique) en la rattachant tant bien que mal à une interrogation plus essentielle, celle de Heidegger en chemin vers la Sprache. Or, plutôt que rattachement, il faudrait parler de ficelage, si nous ne risquions pas de nous emmêler dans les nœuds . Ficelage comme ficelé à la six quatre deux de tout un corps citationnel, d'emprunt littéraire ou philosophique chez Lacan. Car si le rapport entre philosophie, littérature et psychanalyse est débordant, fait presque crue dans les écrits et parlures lacaniennes, c'est toujours à titre d'illustration et rien d'autre: le texte cité demeure non travaillé dans la textualité. Hors de ce qui veut se faire jour comme effet ou théorie analytique, le texte retombe dans le texte, la citation revient dans son corpus d'origine inaltérée - pure comme une citation de toute atteinte à sa virginité de texte" historiquement " respecté et respectable. Excepté pour le « texte freudien ", la citation n'est pas un rapport" textuel ", elle est une simple" illustration » à la fois du texte en procès, Je texte analytique et une illustration de la culture (pour et par la culture ). Que les obscurcissements dont nous accusons Lacan, et plus encore les épigones de l'Ecole Freudienne de Paris, n'incombent en rien à ce que l'on peut désigner par authenticité thérapeutique et même qu'ils la renforcent, ne devrait pas nous étonner outre mesure. C'est même en un sens évident - ob-vious. Une thérapeutique, au sens où cela demeure entendu dans le cadre de la Sécurité sociale, c'est-à-dire de tout le corps médical rompu qu'il le veuille ou non à l'Ordre des médecins, une pétainerie, n'est envisageable qu'au moment où l'interrogation, le questionnement – autre chose qu'illustration -avec le texte occidental comme culture fait défaut dans la pratique même et au jour le jour. Mais la difficulté tient au questionnement. Celui-ci n'a rien à voir avec les éternelles et interminables blablateries qui ont lieu entre soignants/soignés dans les hôpitaux et les centres, depuis que mai 68 a prôné le règne de l'expression et ce jusqu'à forcer un remaniement, un supplémentaire tour de vis (invisible cependant) dans les codes concernés. Qu'est-ce alors qu'un questionnement ? Lacan frôle sa possibilité en frôlant dans sa ligne thérapeutique toujours d'un peu plus près l'impossibilité de la thérapie. Et ce, parce que sa ligne essaye de tenir à l'essence de l'être de l'homme (Da-sein) d'ek-sistant le langage et ses rapports avec l'inconscient. Les rapports de ce qui traditionnellement (métaphysiquement aussi, bien qu'il ne faille surtout pas confondre les deux choses) est dévolu à l'âme (le langage) et de ce qui est le propre du corps (l'inconscient, avec ses pulsions, impulsions, compulsions, pulsations, etc.). C'est que le corps (se) langage, nous forgeons volontairement ce verbe « langager » pour éviter la proximité de « parole » à « expression », qui nécessairement se fait entendre dans le mythe de la « prise de parole » (qui en est le vol voire le viol). Or doublement tranchante est cette proposition: « le corps (se) langage ». Car il ne se langage qu'à s'inscrire dans une temporalité tout autre que celle attendue d'une parole. Langager pour le corps ne veut pas dire une mise au présent, mais comme nous l'avons déjà dit plus haut un « détour » et par ce détour il joue des « tours » et un mauvais tour de « malin génie ", il remet en « doute » et dé-double le sens.

Et si c'est plus net si l'on 's'éloigne de ce que nous appelons philosophie, en voyant ce que le corps langage pour la médecine, il n'est pas dit par là que nous aurons avancé. Cependant tournons ce regard de ce côté (qui est en fait le même côté, comme nous le verrons en étant attentif et sans hâte). Le corps (se) langage.
Voilà qui est gênant, voire choquant pour la médecine (il faut entendre la médecine aussi là où aujourd'hui elle exerce ,ses fonctions d'Expert de la vérité dans les Tribunaux, comme médecin légiste, médecin psychiatre...) qui s'y connaît uniquement en organisme ou en corpse, comme on dit en anglais pour désigner le cadavre. Le corps (Leib) elle ne le connaît pas, car avec la religion et la sainte famille, le corps c'est ce qui se donne sous les modalités des trois sacrifices: le père (Joseph) est frustré de sa paternité, la mère (Marie) ne peut connaître le plaisir -le couple vit sans relation sexuelle et le fils (Jésus) est crucifié puis offert, dans la messe, par l'ingurgitation - identification (au crucifié), à ses fidèles. La médecine occidentale se différencie précisément de ce, qu'avec hésitation je nommerai, médecine orientale, par et uniquement par, la position du corps dans le sacrifice de sa parole, de ce qu'il langage. Pour la médecine, toujours en fait occidentale, le corps doit être une simple présence (Vorhanden) au sens de l'être-disponible sous la main (Vorhanden-sein) ; cela seul rend les opérations médicales possibles. Et c'est ce qu'elle risque de perdre si l'inconscient prend ses droits et son pouvoir (Vermögen) uniquement du langage. Mais cet « uniquement du langage » doit se questionner aujourd'hui où ce langage devient dans les sciences dites humaines un lieu commun. Ce questionnement, nous pouvons le conduire dans les dédales de la différence écrit / parole, problématique qui n'est pas absente du texte freudien et sa butée sur le rêve et ses comparaisons avec l'écriture, avec l'hiéroglyphe, mais encore, mais moins visible, dans des rapports avec les écrits de Schreber, ou encore plaçant dans un passage révélateur intitulé « incertitudes et critiques » de son introduction à la psychanalyse une sorte de fresque d'histoire des écritures... Nous reviendrons sur ces points tout au long de notre travail et, ce sans trêve. Cependant la position de foot-note permet d'aller en quelque sorte plus loin encore. Et si certains la foulent aux pieds et refusent d'y prêter garde, nous insistons pour notre part à toujours lire le texte par les notes d'abord; ensuite dans les figures rhétoriques, les citations de textes propres (auxquelles il faut toujours se référer, et plus encore avec la complicité d'une figure rhétorique et le corps des textes étrangers (qu'il ne faut pas non plus manquer de compulser, au moins). C'est dire le travail qu'est une lecture, une manière de faire croître le texte en le gardant. Pour en revenir à la question de l'inconscient qui (se) langage, disons que nous pourrions déjà tracer un chemin. Interroger l'écrire en tant que simple consignation par écrit d'un dit (un recording ) ou comme simple Ersatz fur Sprechen ou symbole du coït, en passant bien sûr par la LETTRE d'AMOUR tous les cas où l'écrit, radicalement, se composera pour une parole c'est-à-dire circonstanciée. L'écrit n'a pas d'intérêt propre, il se réduit toujours à une parole -et quoi qu'il advienne -à une parole absente. L'ECRIT C'EST LA PAROLE (de l’ ) ABSENCE. (retour)

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