(1977, Thèse de Doctorat Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales &
Université de Paris VII - Une analyse de la Dream Quest de H.P Lovecraft (version augmentée, scannée d’après
tapuscrit original 1984)
« Enfin et plutôt avant tout, une œuvre d’art n’est pas une production pulsionnelle. Elle met en œuvre fondamentalement une dimension existentielle, laquelle fait fond sur certaines pulsions, ces dernières étant bien « fond » mais non pas « fondement » - c’est là une distinction décisive » Henri Maldiney
CHAPITRE . POIDS & MESURES DE LA SIGNATURE |
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Introduction. Qui y-t-il de si beau dans le refus d'être libre pour que nous soyons captés par la science, prêts à accepter n'importe quel déterminisme, encore et toujours ? A nous considérer avec les animaux, sans inconscient, la science s'applique. Avec un inconscient, une parole, une liberté, pas d'application. C'est suffisant... Parcourez donc le dialogue de sourd entre Piaget et Chomsky pour saisir
comment de tels radotages nous en jouent pas moins entre l'inné et l'acquis, le
coup de l'applicabilité. Demandons-nous « A qui cet inné ? ». Et
tout bonnement la question surgit « comment faire aimer à nos enfants,
comment leur enseigner la société industrielle ? » Toute cette Histoire qui nous ébahit encore serait-elle que le simple remaniement perpétuel d'une fiction ? Heidegger fait déraper l'Histoire sur un défaut de traduction et un oubli conséquent de la question fondamentale, la question de l'Être. La position la plus radicale est tenue non par Foucault qui laissera glisser le Mot vain sur la Chose tout aussi vaine( poussant jusqu'à sa limite la longue habitude nominaliste;l'absurdité de tout rationalisme opposé à son envers supposé irrationaliste) mais par Pierre Legendre qui traite des manigances textuelles en se situant au difficile point de vue de l'irréparable du savoir; le discours (ou la lettre) d'amour et la jouis-sens. Position difficile à assumer ou suivre dans ses conséquences sinon politiquement, elle n'en dénonce pas moins la mollesse de ses contemporains qui en restaient au seul plaisir du texte, à sa belle retenue, celle d'une convenance gardant met1culeusement le fantasme dans l'ordre des indicibles ou des ineffables. A cela la psychanalyse ordinaire ne change rien en faisant le rabâchage des fantasmes, elle ne leur réclame pas moins d'être sages comme images ( dans une société de l'audiovisuel rien de plus actuel que cette sagesse proverbiale...) en prétendant qu'ils nous innocentent en se substituant à l'acte criminel, en calant, cramponnant le désir ( Cf. mon « Pour une anté-psychiatrie »).Car pour elle, il s'agit de rentrer en science, de garder une certaine distance. Pourtant des brèches interviennent et relèvent la science de sa vocation de nonne. Scientifiquement nous nous emmêlons malgré nous avec du désir. Avec de désir, nous n’en restons pas moins scientifiques. Il nous faut seulement apprendre à laisser tomber la raison classique, lentement, avec sérénité. Si le psychanalyste est attentif, ne reste pas longtemps dans l’endroit commun, ne cherche pas à rejoindre ou disjoindre l’institution, s’il ne laisse pas tomber le fantasme avec le reste ,il redécouvre l'intensité de l'inconscient, la logique du Phantasme, l'autre (de la) logique. Il mise sur la différentielle : l’espacement du temps (voir infra « sur la temporalité du phantasme ») . .. . Nous allons donc ici marquer plus strictement le PAS, poursuivre plus radicalement la mise à pied, la débauche de la psychanalyse. Se défaire de son habitude d’avoir l'oreille ou plutôt l’œil en coin, pour se jouer d'effets d'incidence, pour ne pas tenir compte de ce qu'elle clamait être l’essentiel, l'inconscient ? Ou sera-ce pour se régler sur l'évidence de son aveuglement, avoir l'oreille familière plutôt que musicale ? Pour tout cela, et, question de méthode, pas à pas, un certain. H.P Lovecraft avec sa Dream-Quest of Unknown Kadath nous y aidera. Par ses tours il détourne la psychanalyse en s'y laissant prendre. Elle s'y laisse prendre et enfin se libère, s'y annule tranquillement sans spectacle. Nous demanderons, nous quêterons, enquêterons en route vers cet « unknown » dans le rêve : Le rêve est-il un texte ? Le texte, un rêve ? Un rêve
dans un texte est le rêve du texte;il en réalise d'une certaine façon, le
désir. Il se détache de l'auteur au point de ne plus être tout à fait un
rêve de l'auteur. S'il renvoie a sa «vie » ce sera en "à
coté". Pour le marché des oeuvres seule la biographie n'est pas un passage indifférent, compte pour œuvre. Freud en ce sens ouvre un marché, il rend intéressant ce qu'il y a de plus inintéressant, la biographie, le reste d'existence. Mais en même temps lorsqu'un Freud approche un Jensen ou plus encore un Schreber peut-il faire autrement - il n'y a que des restes ? L’un nous écrit pour nous raconter des histoires, un récit qui peut bien prendre la tournure d'un récit de cure type (après tout rien de plus banal) l'autre ne nous écrira pas afin de se (nous) raconter des histoires. Notre Lovecraft se situe entre les deux. Nous ne savons pas a priori s'il nous écrit ou si quelqu'un d'autre s'écrit pour nous à travers lui. D'autre part le titre du récit qui nous retient, nomme aussitôt le champ du rêve ; Dream Quest of the Unknown Kadath. Lovecraft souligne qu'il écrit entre rêve et veille, qu'il retranscrit ses rêves. Dans ce cas texte et rêve se confondent presque et le destinataire risque de ne pas être un lecteur, un simple nous anonyme mais cet autre que manque toujours Schreber pour nous communiquer quelque chose. |
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Question de méthode «the relation of phantasies to time is altogether of great importance. One
may say that a phantasy at one and the same moment hovers between three periods
of time -the three periods of our ideation (Vorstellen). The activity of
phantasy in the mind is linked up with some current impression (Arbeit = work)
occasioned by some event (Anlass) in the present, which had the power to rouse
an intense desire. From there it wanders back to the memory of an early
experience (Erlebniss). « ...der Wunsch einen (Anlass) der Gegenwart benützt, um sich nach dem Muster der Vergangenheit ein Zukunftsbild zu entwerfen ». Car seule en langue originale la question du rapport proportionné du fantasme par le désir qu'il accomplit au temps est « pensable ». En anglais comme en Français, le présent, le passé, le futur ne disent rien de plus que ce qu'ils sont quotidiennement: des repères dans le temps ; le présent « est », le passé « était » et le futur « sera », et la conjugaison «être» ne peut même plus faire problème. Or avec Lovecraft il faudra penser la « temporalité » dans le fantasme
comme ce retour qui s'annonce au futur. Or il faudra éclater Lovecraft
avec Freud qui enferme le retour dans un retour de l'enfance ou un retour à
l'enfance. Le retour qu'effectue le fantasme est un « retour » tout à fait
retors qui ne s'effectue que du « temps ». Et c'est là précisément où
Freud fait un saut, ou du moins questionne la métaphysique. Derrida en fait la
remarque dans l' écriture et la différence à la p. 314 dans une articulation
de son texte intitulée « Freud et la scène de l'écriture ». Ecoutons cette
remarque: « ...que le présent en général ne soit pas originaire mais
reconstitué, qu’il ne soit pas la forme absolue, pleinement vivante et
constituante de l'expérience, qu'il n'y ait pas de pureté du présent vivant,
tel est le thème, formidable pour l'histoire de la métaphysique, que Freud
nous appelle à penser à travers une conceptualité inégale à la chose même ». Il n'y a d'inconscient que pour l'être parlant L'inconscient est incompatible avec la science telle qu'elle se détermine
comme expulsion du (corps) sujet et plus encore comme rejet du rapport de projet
entre le sujet et l'objet, son rapport proportionné. La science, c'est la
sortie de soi de l'objet qui ne peut revenir à soi que comme réalité
objective indépendante de soi. Or l'inconscient rétablit un rapport du sujet
à la science. C'est ce qu'encore on ne voit pas, parce qu'on évite à chaque
fois de le voir, parce qu'il est encore trop facile d'admirer la réalité telle
que nous la présente le quadrillage de la science actuelle. Le plus souvent,
cette facilité s'exprime par le fait que toute interrogation critique de la
science est perçue comme retour sur le passé et non comme annonce d'autre
chose. |
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B. Ecrire avec (un) Freud. « Nous » profane, novice en la matière, « nous » Freud, le médecin qui
se retirait avec peine de la médecine, ne pouvons saisir « appréhender »
immédiatement. quoi ? La Dichtung. La Dichtung, que l'on traduira quelque fois
par « Poésie », alors qu'il existe en Allemand, pour désigner la « poésie
» un mot, « die Poesie ». La Dichtung, dira-t-on, « création », «
production », production-textuelle. La Dichtung n'a pas nécessairement de «
limite », elle ne détermine pas nécessairement une « région » de pratique
comme la « poésie ». Nous garderons Dichtung, pour l'instant, avec ce «
nous-novice » qui est toujours et avec (la) force (de l'admiration, de
l'hébétude même) pousser à savoir. A savoir ce qui « pulse », non pas à
écrire, mais à lui écrire, écrire à ce « nous » profane, le médecin qui
aime tant lire, se cultiver. Car nous-freud sommes un médecin cultivé, nous
savons nous référer à nos petits classiques. ... Nous écrire c'est-à-dire
non pas « pourquoi » le Dichter écrit, mais bien « comment » il écrit de
telle sorte qu'il nous émeut. Soit comment il vient vers nous, nous « public
», nous seuls qui avons en notre pouvoir, par notre « innocence »
d'écriture, le publiciter. Nous les « innocents », les « vierges »
d'écriture, nous qui « voulons », en fait, garder notre virginité d'être
parlant, d'être « parole », parole vive et donc plus apte à nous émouvoir
de ce qui émeut « vraiment », ce qui « touche » ; nous-freud, nous les
nouveaux critiques, les annonciateurs de la critique nouvelle. Nous qui faisons
avec des « comment » des « comment -taires » sans « pourquoi », nous toute
oreille, toute grosse et gonflée. Nous gros oeil pour lire, nous qui ne pouvons
pas écrire et n'avons pas de mains, nous voulons être la parole du public qui
montre au public comment il nous écrit. COMMENT IL NOUS ECRIT, c'est le
leitmotif de toujours et, c'est encore la bannière de victoire des
sémiotiques. Comment il nous écrit et nous « fabrique » du « discours »
strictement « vivant », « organisé », etc. Pourquoi il écrit, qu'est-ce
que cela peut, nous-freud, faire ? On sait qu'il « sublime » - nous verrons
comme il « lime » sous le fantasme à la « racine » pour le rendre
lisible-supportable à « nous ». C'est suffisant. Mais c'est bien là un tour de Freud, un tour de médecin de quartier qui n'entend pas forcément parler des grands maîtres, mais aussi de Nous Deux ou de France-Dimanche. Nous Profanes (Uns Laien), nous-freud qui sommes hors du temple (Latin : fanum) qui sommes du moins devant ses portes, nous-freud par cela même, nous ne pouvons nous salir les mains, nous ne pouvons subir les aveuglements de ceux qui, à l'intérieur du temple de l'Ecriture, sacrifient à Thot. Hors du temple, nous sommes nous-freud ceux qui répétons inlassablement
dans l'admiration hébétée du profane (du péquenot) mais comment donc il nous
écrit, c'est-à-dire mais comment donc peut-il dans le sombre du temple empli
de fantasmes ob-scènes écrire pour nous qui sommes parfaitement sains (ou du
moins comme tout le monde, puisque tout le monde est névrosé, mais c'est tout
le monde que nous sommes et non un névrosé, un cas. ) Comment peut-on même
l'instant d'un jeu de « présentation » de rhétorique parler même ainsi «
Uns Laien ». Mais enfin ? pas pour longtemps, rassurez-vous, vous-freud, aux
portes du temple. Nous-freud percerons le « secret » du Dichter comme nous
perçons le fond (Bestand) du langage (die Sprache). Il suffira de le chopper au
signifiant près et vous le refiler en signifié. Car en fait il n'y a que ça
de vrai, le reste n'est que travestissement!). Tiens, Jensen, prends ça, je te
dis que tu fais sans le savoir une étude/histoire de cas. Jensen ne répond
pas. Quand je vous disais, partout le même thème, un névrosé ce Jensen (nous-freud
se frotte les mains) il ne veut rien entendre à la psychanalyse en plus. Freud
se console en se chauffant au feu de bois de la biographie de Jensen. Il fallait
bien ça, car un texte cache quelque chose de pas sain. Et seul nous-freud
pouvons savoir que finalement ce défilé articulé de signifiants a un contenu,
un signifié. ...Nous-freud, ne pouvons pas nous contenir, ne voulons pas de
secret; nous, profanes, profanerons pour construire notre temple de vérité sur
les cendres de ce qui nous précède pourtant: car en fait je vous le dis, en
vérité, Moïse Freud n'était pas juif, mais Egyptien. C'est là toute
l'ironie presque déchirante du texte freudien c'est toute la force de
l'inconscient bafoué qui s'aménage sa retraite. C'est là le mauvais tour au
flic-freud. C'est que Freud n'a pas l'unité « génital » que prescrit
(médicalement) son « système » ; il y a plusieurs freud partialisés par le
texte-freud en tant que s'y réserve ouvertement le re-trait de l'inconscient. « The excrement of Hell » is « Gold » (Cf. Freud CP II Character and anal erotism). « It is probable that the first significance which faecal interest develops is not gold-money, but 'gift'. The child bas no knowledge of money other than that received as a gift, no idea of money earned or belonging to it, inherited. Since its faeces constitute its first gift, the child easily transfers interest from this substance to the new one that meets it as the most valuable form of gift in life... » Freud, CP II On the Transformation of Instincts. Il, le Dichter, écrit, à nous-freud. Il nous fait ce « cadeau » cette chiure enjolivée. Ce de par l'agencement, la disposition, le quadrillage, la rhé- torique. Ce qui « pousse » à écrire, c'est sans doute pareil que ce qui pousse à chier; du moins des expressions comme coucher sur le papier, pondre un texte, accoucher d'un texte, mettre bas, tracent-elles un rapport entre faeces, enfant, pénis de la mère qu'il nous faudra développer selon la thématique; il n'y a pas de paternité d'un texte, mais toujours une maternité où l'écrivant dit: je suis une femme, la femme (et où il est bien entendu que le psychanalyste qui travaille avec une stricte anatomie du sexe ne voudra pas s'aventurer: il prendra position dans/avec la seule parole). Nous-freud tiendrons bon la rampe ; il nous écrit. Mais comment il nous écrit, il nous fait un « cadeau », dans quel espace cela se structure-t-il, où la sommation à ce comment-écrire (à nous) prend corps ? Qu'est-ce que le Dichter porte-t-il dans sa « remarquable personnalité », lui qui est dans le temple et (y) puise sa matière... ? Sa matière c'est-à-dire la matière de la lettre qu'il nous écrit. L'écrit et la matière serait-ce la même chose ? La lettre d'amour et l'écrit sont une seule et même chose. Le texte est lettre d'amour. C'est pourquoi, bien qu'il nous écrive, le Dichter ne s'adresse pas à nous. C'est bien ce que nous-freud faisons consister dans le fantasme qu'il faudrait ici écrire « phantasme », car il y va de quelque chose de plus fondamental que l'imagerie des fantasmes. La lettre, l'écrit. La lettre d'amour s'adresse à l'amant/l'aimé, bien qu'il ne soit pas sûr qu'il y ait autre chose que l'adresse sur l'enveloppe pour dire qu'elle lui est adressée. L'écrit, comme livre, s'adresse au lecteur, mais il n'y a aucune « adresse ». La couverture d'un livre n'est pas l'enveloppe. Et surtout le lecteur est tout lecteur. Le destinataire est inconnu de celui qui a écrit un livre. Pourtant ce « tout lecteur » est en quelque sorte compris dans l'écrit. Il y est compris comme celui à qui s'adresse « vraiment » le livre. Notre H.P, Lovecraft nous le dit très bien: « the maddening need to place again... » ... L'écrit est ici nettement « incestueux ». Nous y reviendrons. Disons que
le destinataire de l'écrit-lettre n'est pas le lecteur, mais ce qui est
sommation dans ce sens, il y va d'un RETOUR, mais d'un Re-tour en re-trait. Il
s'agit d'un « détour », d'un détour nécessaire par le « lecteur » qui a
le mérite d'être « anonyme », au sens où le livre ne porte aucune adresse.
Il faut saisir là une « raison » d'écrire, en ne perdant pas de vue une
sommation beaucoup plus nocturne, que laisse très bien percevoir le texte
maçonnique de « Die Zauberflôte » en plaçant l'impulse de l'agir dans le
Désir (hautement inconscient) de la Reine de la Nuit, et que Freud subit dans
la découverte du « phantasme », avec le mérite de la platitude. La platitude
est déjà là; mais comment donc il nous écrit, s'écrie-t-il hébété
d'admiration en prenant la plume d'un Schreiber scientifique, c'est-à-dire une
plume-parlante, essayant un moyen de forcer les portes du temple. Nous é-mouvoir, soit nous porter dans le mouvement d'un « savoir » dont nous n'avons pas le savoir, normalement, l'inconscient. Mais on sait qu'avec nous-freud il faut se méfier, car souvent, sous couvert d'une formation de l'inconscient, il fait le coup du Père François à l'inconscient, il le jugule, il en fait une région alors que l'inconscient « est proprement dispersant »... (le temple sans portes, ni murs... donc... le dé-cèle...). Le proprement dispersant de l'inconscient est indiqué, peut-être lu derrière/en avant de ce qui, sous couvert de pathologie, se dessine d'une syntaxe du rêve dans la Traumdeutung, du « Witz » et des para-praxis (nous nommons là le célèbre Triptyque. ) Il ne faudrait pas croire, cependant, qu'une lecture de Freud s'y limita ,par imitation... Est indiqué, et le demeurera, tant que l'on persistera à ne lire que des histoires de cas de cul, tant qu'on marchera à l'un-freud génitalisé et capitalisé, le bon travailleur-freud. Avec Marx, Freud est un bon travailleur et personne n'est dupe que ce soit du côté des freudo-marxistes ou des partisans féroces de l'un OU de l'autre. Nous (c'est-à-dire moi) lisons le texte-freud avec l'inconscient; il n'existe pas de littéralité freudienne, pas plus que de texte-même. Mais revenons donc, si nous nous sommes jamais éloignés de la question du nous-freud s'interrogeant sur le comment le Dichter prend sa matière textuelle, comment il la porte à stases (zustande bringt), s'arrête pour l'empoigner, la saisir, afin de faire monter devant nous, en appelant (hervorgerufen) des é-motions (Er-regungen). Comment encore dans le « comment » nous-freud cernons la vérité effective, l'effectivité - efficace (Wirklichkeit) de la Dichtung. Et il n'est pas trop risqué d'entendre cette Wirklichkeit dans la Gradiva de Jensen autour de ce qui se dit des « personnages » ; malgré la remarque « étrangeante » de « notre lecteur » : « Unsere Leser werden gewiss mit Befremden bemerkt haben, dass wir Norbert Hanold und Zoë Bertgang in allen ihren seelischen Ausserungen und Tätigkeiten bisher behandelt haben, als wären sie wirkliche Individuen und nicht Geschöpfe eines Dichters, als wäre der Sinn des Dichters ein absolut durchlässiges, nicht ein brechendes oder trübendes Medium » p. 41, II Kapitel et encore du côté de « Sonst aber, das wollen wir wiederholen, hat uns der Dichter eine vollig korrekte psychiatrische Studie geliefert... » et encore, la régionalisation de la Dichtung ; son domaine; « Die Schilderung des menschlichen Seelenlebens ist ja seine eigentlichste Domäne ; er (der Dichter) war jederzeit der Vorläufer der Wissenschaft und so auch der wissenschaftlichen Psychologie... » p. 43. L'écrire, l'écriture sont donc en quelque sorte exclus. L'écriture n'est que l'artifice permettant au « texte » d'être pleinement illustrant, et donc de « conduire » les personnages de « roman » à. être « comme » de vraies-personnes, de vrais individus. Une affaire de rhétorique, ou plutôt de Poétique. Ce qui situe le texte freudien dans la répétition, non pas de la Poétique d'Aristote, qui nous enseigne encore, mais la répétition des fixations spécifiques offertes par un quotidien de commentaires de cette Poétique. Ce qui peut sembler une innovation, si nous sommes obsédés par l’innovation comme le sont en général les « modernistes », cependant, ce sera la tension de Freud à saisir dans le « comment il nous écrit » un « rapport » au fantasme en tant (et autant) qu'il porte soutien (source) aussi la « sublimation ». Mais cela ne retire pas l'insistance dans le « comment », ne doit pas nous aveugler au point de ne voir chez Freud qu'une « théorie du sujet »... C'est à travers la disposition de la matière et non pas à partir et à travers la matière que le Dichter nous porte à nous é-mouvoir d'é-motions dont nous n'avons pas nécessairement la quotidienne capacité (Fähigkeit) de tenir en notre propre. Il y a de la matière qui n'est pas propre (à nous émouvoir) ou plus justement la matière, si elle n'est pas proprement disposée, ne fait pas une «oeuvre d'art», peut-elle, même, faire «texte» ?. La disposition propre est celle que l'on peut entendre à s'y fixer, dans la poétique d'Aristote en tant qu'elle définira pour Freud la Propreté du texte comme texte, pour être «oeuvre » et non pas seulement texte (de maladie, bien évidemment). De toute manière, nous-freud ne seront rien d'autre que des lecteurs, des « profanes ». C'est dire que Freud ne sait pas lire. Car ne sait lire que celui qui « peut » écrire. Mais Freud « peut » écrire en constatant en même temps qu'il n'est pas un Dichter. Il sait donc lire, à la manière d'un Freud, c'est-à-dire avec un REGARD EN COIN. Et l'on connaît la place que l'existentialisme (de Sartre, cf. L'Etre et le Néant, psychanalyse existentielle) et avec lui Lacan, ont su par la suite donner au REGARD: la clarté et l'évidence métaphysique (Cf. à ce sujet Heidegger). Quant à l'Oreille, il faut la disposer dans l'espace de la séance... Le regard en coin est par deux fois nommé dans l'article dont nous nous occupons ici; « das Ich mit der Rolle des Zuschauers », le Je de Freud comme « héros » d'une histoire, d'un roman à bon marché, mais fleuve (18 volumes !)la psychanalyse. Le Je de Freud en tant que psychologie d'individu non créateur nous « ayant habitués » à voir le je dans le rôle de l'en-train-de-regarder dans le rêve diurne avec quoi nous-freud « comparons » (c'est-à-dire ramenons, réduisons) le « texte ». Freud, le lecteur en train de regarder, avec envie, la simplicité du roman bon marché, s'exaspérant du caractère « bigarré » dispersant, morcelé, que « nous offrent les caractères humains dans la réalité ». Le roman bon marché et le rêve diurne, qui accordent cette simplicité enviable qui nous rendent les choses si évidentes, nous laissant tranquille dans cette position de l' « en-train-de-regarder ». Regarder ce qui se passe en sachant bien que ce qui se passe « réalise nos désirs » - à savoir que dans le roman à bon marché il y a les bons, les méchants, le héros auquel nécessairement le lecteur s'identifie, ce dans un espace clos et achevé... Ici « réalisation de désirs » signifie seulement la « simple assurance », le texte en tant qu'il réassure, en tant qu'il n'est que texte, même s'il peut laisser de l'Unheimlichkeit transparaître; ce n'est que de la littérature ! ouf il était temps. (Voilà ce que nous appelons ici réalisation des désirs.) De ce point de vue d'un Je-Freud en train de regarder (lecteur, spectateur, car le spectacle constitue aussi un ancrage du texte sous le couvert du Spielen) une position se dessine au passage, « wie in vieler Altarbildern in einer Ecke das Bildnis des Stifters sichtbar ist ». Quelque chose est caché en coin dans le tableau. Ici, dans cet article, c'est la Dame - de l'amour courtois - qui se lit comme celle pour qui le héros travaille à être héros, c'est-à-dire accomplit des exploits. Dans un autre article, le donateur au coin du « tableau » en tant qu'il se fait présenter, illustre ce qui est incompatible avec les conditions de la psychanalyse. Dans ce même article qui n'est rien d'autre que celui que nous trouvons dans nos chers Collected Papers titré « Homosexuality in a woman », nous trouvons encore ces deux figures « ...the first passionate adoration of a youth for a celebrated actress whom he regards as far above him, to whom be scarcely dares lift his bashful eyes » (CP II p. 218), and : « Once when l expounded to her a specially important part of the theory, one touching her nearly, she replied in an inimitable tone 'How very interesting', as though she were a grande dame being taken over a museum and glancing through her lorgnon at objects to which she was completely indifferent » (CP II p. 221). L’œil de l'amour courtois et l’œil discourtois envers la théorie
analytique... Ayons cet œil double à l'oeil jusqu'où il crève les yeux :
l'Oedipe crève les yeux et Freud met une chape sur l'inconscient comme il
fabrique cette silencieuse patiente homosexuelle; une femme et qui plus est
homosexuelle! Il était impossible de relater ce qu'elle pouvait dire d'autre,
qu'en coin, noter et montrer combien Freud en son coin tremble; pas de
transfert, je ne suis pas le père, je ne suis pas (je ne veux pas être la
mère) alors seulement ceci: HOW VERY INTERESTING ! dit-elle, lui tendant deux
doigts pointés vers ses deux yeux, prête à les lui enfoncer au bon moment;
ça crève les yeux, que tu trembles, le transfert marche trop bien, il ne
marche pas, rien ne va plus et Freud dévoile une vérité (de son être) qui
n'est pas (comme on a trop tendance à le faire)limité à ce cas: le fameux en
tant que je suis la psychanalyse LE REGARD EN COIN: Perhaps much that brings about this result consists in the writer's putting us into a position (in den Stand setzt) in which we can enjoy without reproach (Vorwurf, reproche à entendre avec Entwurf : projet, Verwurf; déjet...). Le comment il nous écrit consisterait donc dans le comment il nous posture en un coin proprement rassurant, nous pose en lecteurs voyeurs, incapables d’écrire…(suite du chapitre 1) |
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NOTE 1 retour (à prélude) |